mercredi 17 mars 2010, par
Dans un monde de brutes
Mine de rien, voilà un album qui porte rudement bien son nom. Derrière une pochette qui rappelle trompeusement – et de loin – le récent brûlot pétaradant de Soft Pack, se cache en effet une galette moelleuse comme un cuberdon. Le quartette américain Princeton y croone tout en caresses, délivrant un spleen léger sur fond de sunshine-pop orchestrée, à mi-chemin entre la fraîcheur des Ruby Suns et la méticulosité de Belle & Sebastian. Écrites de toute évidence à l’encre de Shins, les chansons renfermées dans ce cocon convoquent le savoir-faire des machines à hits d’autrefois, ne lésinant pas sur les moyens de séduction : cordes limpides et autres arrangements soyeux sont omniprésents, et perpétuent sur chaque titre l’héritage de Van Dyke Parks. Bref, c’est de la belle ouvrage.
Limite patente à la force d’impact, la voix de Jesse Kivel manque malheureusement de chaleur. La ballade rétro Sylvie, par exemple, est une convaincante démonstration de blue-eyed soul, mais on fantasme malgré tout sur ce que les Skyliners ou les Platters en auraient fait il y a cinquante ans. On est d’autant plus ravi que le morceau d’ouverture soit donc un duo, partagé avec Meredith Metcalf. Pour la petite histoire, Metcalf est la moitié des Bodies of Water, actuellement en roue libre sur le projet Music Go Music – dispensable resucée d’Electric Light Orchestra période Xanadu – et c’est sa voix candide qui fait tout le sel de ce Sadie & Andy, jolie bluette narrative qui donne le la.
À sa suite, Show Some Love When Your Man Gets Home s’ouvre avec le même charme suranné, puis une rupture de ton en plein milieu de la chanson montre que Princeton est aussi un groupe de son époque et qu’il a retenu les leçons d’une décennie de virevoltes canadiennes. On pense, le plus souvent, aux méconnus Young Republic pour l’art de laisser beaucoup d’espace dans la démesure, mais aussi parfois à des Vampire Weekend qui auraient grandi à la campagne (Korean War Memorial et sa légère gravité).
À la première écoute pourtant, il y avait de quoi être dérouté et donc, au sens le plus étymologique, on aurait dû passer son chemin. Tant de douceur, on n’y est pas habitué et d’aucuns y verraient facilement de la mollesse (la langueur suave de Stunner Shades in Heaven) ou de la niaiserie (« I love you, let’s shout it out », si vous voulez, mais pas trop fort). La persévérance sera malgré tout récompensée, lorsqu’on n’arrivera plus à se débarrasser des riffs de Worried Head ou de Martina & Clive Krantz, qui lorgnent moins vers les sucreries sixties que vers un certain pop-rock des années 80, soit le versant commercial des Cure (période rose) ou les affèteries de la paire Daho-Turboust. Surprise, la nostalgie s’arrête même aux années 90 sur le plus pêchu I Left My Love in Nagasaki, qui réveillera quiconque ne s’est jamais remis de Yo La Tengo.
Dans le film "Cocoon" de Ron Howard, des vieillards retrouvaient la fougue de leurs vingt printemps en se baignant dans une fontaine de jouvence extraterrestre. Avec le cocon d’amour de Princeton, véritable éloge d’un retour à la terre, on aurait plutôt tendance à prendre quelques rides en s’immergeant dans un âge d’or pop qu’on n’a pas connu. Il y a des jours, reconnaissons-le tout de même, où l’on ne se sent pas d’être bousculé par les mustangs ardents de Scout Niblett ou le rouleau compresseur The Knife, dont je n’ai pas le courage de critiquer les derniers albums : trop énergivores ; trop crispants ; trop éreintants. Alors si vous aussi, vous avez comme un petit coup de mou, un vrai coup de pompe, voire un léger coup de vieux, offrez-vous une petite cure de relaxation : Princeton, et ça repart.
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