jeudi 18 mars 2010, par
Jeanne fait le point
La catégorie des chanteuses francophones n’est pas la plus fournie de ce site, c’est une raison supplémentaire pour parler du dernier album de Jeanne Cherhal (sorti la journée des femmes). La première étant que j’avais bien aimé ses deux premiers albums studio, et qu’elle a une place à part dans ma discographie.
Par rapport au précédent album l’Eau, on constate un certain assagissement musical. Bien honnêtement, ce n’est pas plus mal. Parce que certaines vocalises, pour audacieuses qu’elles étaient, pouvaient se révéler difficiles à la longue. Il reste de petites fantaisies comme Lorsque Tu M’As mais ce n’est pas ce que je préfère. Mais à l’instar de son prédécesseur que j’ai fini par écouter beaucoup et dont j’ai apprécié les circonvolutions, c’est un album qui grandit au gré des écoutes.
Ce qui frappe quand on considère les thèmes des chansons, c’est qu’elle a l’air de faire le point. Le point sur son passé sentimental (Hommes Perdus), ses petites frustrations (Qui Me Vengera ?), sa nouvelle invincibilité (Plus Rien Ne Me Fera Mal). En marge de la pédolatrie ambiante et souvent de mise dans une forme d’expression musicale orientée vers les jeunes, il est assez rafraichissant que le Cinq ou Six Années ait une vision peu sublimée de l’adolescence, période de trouble et d’ennui Cinq ou six années de presque rien/âge imbécile, âge désespéré. C’est à contre-courant d’une certaine lassante nostalgie et donc bienvenu. On retrouve d’ailleurs son habitude d’utiliser une voie externe pour s’exprimer. Ce qui fait qu’une écoute distraite peut induire en erreur sur certains sujets comme Pays D’Amour qui évoque une garde à vue dans le pays d’en-dessous (considération purement géographique je le précise). Même ses déclarations sont encore une fois décalées (Je n’Ai Pas Peur).
La charade qui donne son nom à l’album est déclinée en quatre volets où elle considère puis repousse des possibilités d’amants. Jeanne, l’homme parfait n’existe visiblement pas. Sur En Toute Amitié elle explore les possibilités des relations téléphoniques un peu troubles.
Dans la catégorie des incongruités il y a cette traduction littérale de My Body Is A Cage d’Arcade Fire. J’imagine qu’il existe une minoritaire frange de l’auditorat qui ne connait pas la version originale, qui clôture brillamment Neon Bible. Celle-là profitera d’une chanson rendue un peu étrange par la traduction littérale mais qui tient la route. Mais bon, cette version originale repose sur une gradation dans l’intensité, le tout porté par la détresse claustrophobe de Win Butler. Donc la fièvre austère des Canadiens manque un peu ici, malgré une accélération.
Il faut parler des deux bonus fournis avec certaines versions parce que c’est là que se cachent les meilleurs morceaux. Le premier a déjà été joué en concert et j’avais un souvenir ému d’Astoria, traitant d’une anecdote réelle de Juliette Greco et Miles Davis, le couple s’étant vu refuser l’entrée de l’Astoria parce qu’il était noir. Cette histoire, relatée dans l’autobiographie du trompettiste, lui a donné l’idée de la chanson, proposée à Greco qui l’a refusée (c’est pas très malin de sa part). C’est beau parce que c’est une chanson d’amour tout simplement. Jamais elle ne monte le ton, et cette retenue la rend encore plus implacable.
On a parlé déjà du terrifiant Brandt Rhapsodie coécrit et co-interprété avec Benjamin Biolay. Mise en bout d’album, elle montre deux choses. Tout d’abord que le maintenant célébré La Superbe est un jalon de la chanson française. Ensuite que c’est souvent dans les collaborations que Jeanne s’épanouit le mieux. On pense à ce qu’elle avait fait sur la compilation de son label Tôt ou Tard ou à la reprise avec Vincent Delerm et Albin de La Simone des Gens Qui Doutent d’Anne Sylvestre (sur Favourite Songs de Delerm). Si vous donnez une importance aux étoiles de cotation, c’est sur ces morceaux-là que la décision s’est faite.
On est forcément content de retrouver Jeanne Cherhal et son univers personnel qui ne ressemble finalement à aucun autre. Cette excellente pianiste range un peu les vocalises au placard, tempère sa gouaille et ça lui va bien. J’ai aussi l’impression étrange qu’elle n’a pas encore donné toute la mesure de son talent. Je ne sais pas ce qui me fait dire ça mais ce Charade va attiser notre envie de la suite.
Même si un peu de documentation est souvent fournie, c’est souvent au moment de boucler un article qu’on vérifie des faits, qu’on collecte des informations. Bref, alors que je m’apprêtais à dire que la voix du chanteur de iAROSS me faisait furieusement penser à celle de Colin Vincent entendu chez Volin et Muet, il se fait que c’est lui aussi qu’il a été guitariste de cette formation. Mais (…)
Rien n’est plus plaisant que de constater l’évolution des artistes. On avait déjà rencontré l’univers particulier de Sophie Djebel Rose, apprivoisé son ton particulier, on apprécie d’autant plus la façon dont elle élargit elle-même son univers. Moins folk, plus franchement gothique, ce second album la rapproche d’artistes comme Anna von Hausswolff dont elle ne partage pourtant pas la rage (…)
Un talent ne vaut rien s’il n’est pas utilisé. C’est peut-être ce qui pousse Garz à composer et écrire pour des spectacles, pièces de théâtre et autres documentaires. Ce sont ces morceaux, soigneusement triés qui constituent ce Sur Commande. Le résultat donne l’impression d’écouter un album varié plus qu’une compilation hétéroclite. Un excellent point, déjà.
Plus qu’un chanteur, Matthieu (…)
‘Faute avouée est à moitié pardonnée’. C’est sans doute cet adage que Pierre Lapointe a eu en tête au moment de nommer cet album. Parce que oui, c’est plus démodé que jamais.. Pas hors du temps, pas hors-mode, non, c’est empreint d’une nostalgie d’une ancienne façon de faire de la chanson française, comme si rien ne s’était passé depuis Charles Aznavour. ’Démodé’ est en l’espèce un euphémisme (…)