vendredi 12 mars 2010, par
Soudain, c’est le drame
Il existe une mystérieuse frontière, un entre deux mondes pratiquement imperceptible séparant des univers que rien, a priori, ne destine à voir converger. D’un côté, un paysage aseptisé, peuplé d’adolescentes flamandes qui se donnent du mal pour avoir l’air de souffrir et adulent des idoles en ‘K’ (K’s Choice, Krezip, KT Tunstall...). De l’autre, une contrée glaciale et nue, où règne une musique évanescente. Encore que, depuis les années 2000, le mot « évanescence » a beaucoup perdu de son aura et éveille davantage d’associations gastriques. Mais soit. Toujours est-il qu’il n’est pas toujours facile de distinguer les visages perdus dans cet entre deux mondes. Field recordings nappés d’électro minimale, ou chant des baleines sur fond d’hypnose new age ? Pop éthérée, ou compile celtique ? Avouez qu’on ne s’y retrouve pas toujours. Combien de Dead Can Dance ne sont-ils pas, ainsi, condamnés à errer pour l’éternité dans ces limbes incertaines ?
Le cas de jj participe du même flou artistique. Impossible à cartographier de façon précise, il laisse le critique face à ce douloureux cas de conscience : envoyer paître les chantres du politiquement correct indé, au risque de dévoiler une subjectivité asociale. Même pas peur. Les Suédois de jj, donc, publient ici leur deuxième album, logiquement intitulé "N° 3". Le premier s’appelait "N° 2", jusque là c’est cohérent ; "N° 1" étant le titre de leur premier maxi-single, à présent tout s’éclaire.
Musicalement, c’est peu de dire que la voix de la chanteuse est résolument mise en avant. L’introductif My Life, touchant piano-voix, nous ramène au cœur du meilleur This Mortal Coil – période Elizabeth Fraser – donc pas si loin des Cocteau Twins. On reste enthousiaste quand, sur And Now, une riche instrumentation orientale montre le potentiel du groupe. Mais soudain, comme on dit au JT de TF1, c’est le drame : un plaisantin invite sur le morceau un synthétiseur branché en mode ocarina. C’est le début d’une série d’exactions new age qui va faire déferler, tout le long des 27 petites minutes que dure l’album, un redoutable torrent septique.
Comme si l’harmonica fluet ouvrant Let Go ne pouvait se suffire à lui-même, comme si les guitares cold wave d’Into the Light n’étaient pas un argument recevable, jj se sent obligé d’en faire des parodies de dance music pour clubs de Rimini, le genre d’horreurs sur lesquelles seule Sarah McLachlan ose encore chanter. Entre autres concepts incongrus, on y entend aussi la voix d’un commentateur sportif italien quand ce n’est pas, plus loin, une réminiscence flippante de "Sacred Spirit" qui noie Golden Virginia dans l’œuf. Un vrai cauchemar éveillé, qui vire un peu plus au supplice à chaque seconde écoulée. Un instrument de torture psychologique caché sous l’apparence d’un groupe pop-rock atmosphérique, et branché avec ça. De mémoire d’homme, on n’avait plus connu ça depuis Machiavel – et je ne parle pas du philosophe florentin.
La constance, voire la persévérance de jj dans le n’importe quoi, donne envie de crier au sabotage : pas la moindre fausse bonne idée là-dedans, non, seulement des mauvaises. Plus qu’un credo, on serait tenté d’y voir un réel choix politique. Alors, groupe provocateur ? Ces gens visent-ils la subversion par l’aversion ? Et si oui, quel est leur message ? S’agirait-il de nihilistes cherchant, à tout prix, à désacraliser la musique d’aujourd’hui en recyclant le pire de la musique d’hier ? Est-ce une performance, un sketch, ou encore un projet parallèle des Magnetic Fields, dont le dernier concept-album se serait imposé de bannir toute référence au bon goût ? Allons, ne cherchez plus. Ce "N° 3" de jj est, tout simplement, un disque qui s’est retrouvé par un concours de circonstance sur une étagère de la Fnac, alors qu’il garnissait le rayon « relaxation » de Nature & Découvertes.
Même si on n’est pas exactement un service public, un peu de gai savoir s’impose parfois. Le Butoh est une danse de performance minimaliste créée au Japon en 1959. La danseuse suédoise Frauke a donc demandé à sa compatriote Josefin Runsteen de créer une bande-son pour une performance et c’est ce qui constitue l’objet musical du jour.
La lisière entre les musiques électronique et classique (…)
On l’avoue, un talent féminin éclectique et un peu électronique, c’est quelque chose qui nous plait. On peut penser à Bat For Lashes, Harrys Gym, Jeanne Added, Odd Beholder ou autres et on ajoutera donc la Suédoise Annika Grill et son troisième album.
On est d’emblée mis à l’aise par un petit air de Metric dans leurs moments les plus gorgés de beats et de guitares combinées (Thinking (…)
Ce n’est pas parce qu’une artiste nous a marqués fortement qu’elle ne peut pas échapper momentanément à notre radar. Ils faut dire que si certaines de ses productions plus récentes que son album d’il y a 9 ans ne se sont pas signalées, c’est aussi parce qu’elles étaient chantées en Suédois. Et puis la toute dernière fois qu’on l’avait aperçue, c’était aux côtés de First Aid Kit pour une soirée (…)
Elles en ont fait du chemin, les Suédoises de First Aid Kit. Il y a un peu plus de 8 ans, on les découvrait dans une petite Rotonde en ouverture de Megafaun et Port O’Brien et maintenant elles jouent à guichets fermés après une expatriation réussie aux Etats-Unis. La recette marche donc et les sœurs Klara et Johanna Söderberg n’ont visiblement pas l’intention de la changer. Deux voix à (…)