jeudi 25 mars 2010, par
Rien qu’à leur tête
La tête la première. Voilà bien une locution apte à résumer le parcours téméraire et obstiné de Goldfrapp, un groupe qui, à chaque album, semble changer de direction sur un coup de tête et n’en fait qu’à la sienne. Des gens têtus, quoi : partis d’une électro cinégénique qui digérait les derniers relents de trip-hop exhalés par les années 90, ils viraient radicalement de bord sur "Black Cherry", une deuxième livraison plus salace que glamour. La machine était stricte et s’emballait ensuite sur "Supernature", qui assumait sans complexe ses références à Cerrone et faisait revivre la disco mutante des plus beaux jours de Donna Summer. On pensait Goldfrapp définitivement acquis à la cause du dancefloor, et c’est alors qu’ils revenaient il y a deux ans avec le superbe "Seventh Tree", album pastoral et apaisé qui traçait un pont idyllique entre pop et ambient-folk. Très naïvement, voilà qu’on s’attendait à sa suite logique, une nouvelle escapade onirique au cœur des nuits d’été. Il faudra décidément renoncer à formuler des espoirs ou des pronostics vis-à-vis de la discographie de Goldfrapp, puisqu’une fois de plus ils apparaissent là où on ne les attendait pas, à savoir aux manettes d’un album 100% synthétique et sous haut patronage eighties.
Le couple formé à la scène par Alison Goldfrapp et Will Gregory fait plus que jamais penser à des Eurythmics coquins, dont le songwriting vise ici l’efficacité maximale tandis que les arrangements jouent la carte de l’air du temps ; le revival synth-pop où se sont engouffrés nombre de jeunes talents semble en effet avoir donné, à la chanteuse largement quadragénaire, l’envie de montrer qu’elle en maîtrise parfaitement le lexique. Symptôme avant-coureur, le single Rocket démarre les hostilités comme on signe un manifeste : avec son riff de synthé qui répond directement au Jump de Van Halen et sa seconde mélodie repiquée à Royksopp, il annonce clairement la couleur. Goldfrapp, sans renoncer à la modernité, a bien l’intention de faire dans le tube intemporel. Believer, probable futur single, enfonce d’ailleurs le clou de manière plus stylée – car moins vulgaire – avant qu’Alive ne convoque la part la plus inavouable de la variété telle qu’on la concevait il y a trente ans, des Motors à Alphaville en passant par Beautiful South. Sur Shiny & Warm, Alison Goldfrapp se prend carrément pour les Pointer Sisters à elle seule ; le titre n’aurait certes pas dépareillé sur la B.O. de "Flashdance".
Le constat général qui se dégage de cette virée régressive, c’est que certaines sonorités vieillissent en fin de compte mieux qu’on ne le pense ; sans avoir nécessairement envie de s’enfiler demain la discographie de Kajagoogoo (ni d’adopter leurs coupes de cheveux de l’époque), on peut reconnaître que sous le vernis kitsch, plusieurs compositions de ce "Head First" valent tout de même le détour. Ainsi, dans une seconde moitié d’album plus subtile, on se surprend à aimer la chanson titre jusque dans ses plus grotesques faute de goût, et surtout la rythmique respiratoire de Hunt, une tranche de science-fiction crépusculaire qui sonne bien moins "Flashdance" que "Blade Runner". Parfois cependant, Goldfrapp pousse le bouchon trop loin : I Wanna Life ressemble à une mauvaise parodie de Jeanne Mas alors que sur Dreaming, on s’attend à entendre surgir, à tout moment, un solo de saxophone. En plus, désolé mais le synthé réglé sur ‘son de cloches’… fallait pas.
Au final, un seul morceau s’extirpe de la logique commerciale de "Head First" : Voicething, bien que profondément ancré dans l’ambiance synthétique qui préside à l’album, tente en effet autre chose. Alison s’y livre à un numéro d’expérimentations vocales (vu le titre, on aurait deviné) qui rappelle un peu Laurie Anderson et son mythique O Superman. C’est comme si le groupe voulait rappeler, au terme d’un de ses disques les plus superficiels en apparence, qu’il sait encore d’où il vient. La boucle semble dès lors bouclée, à moins que cette ultime pirouette ne veuille nous renseigner sur la direction future de Goldfrapp. Pensez ce que vous voulez, mais je me suis fait la promesse de ne plus tirer de plans sur leur comète : elle se souvient bel et bien d’où elle vient mais, à force de filer tête baissée, elle ne sait sans doute pas elle-même où elle va.
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