mardi 13 avril 2010, par
Brillamment canadien
Assistera-t-on bientôt à une nouvelle vague d’engouement pour la scène chansonnière québécoise ? Rien n’est moins sûr, mais les amateurs qui ont apprécié la rigueur pointilliste de Pierre Lapointe ou ceux, plus nombreux, qui ont succombé aux badineries douces-amères de Cœur de Pirate, feraient bien de creuser davantage derrière la couche de verglas, car d’autres perles y brûlent en secret (d’où la désormais célèbre expression « secrètement canadien », je présume).
Bien des talents francophones attendent en effet d’être adoubés par la descendance des colons du vieux continent et se contentent pour l’instant d’être célébrés dans leur enclave glacée. Après tout, le disque du palpitant corsaire a mis un an avant de débarquer chez nous. Pourquoi, dès lors, me priverais-je d’évoquer des albums datant de 2009 mais qui n’ont pas encore connu leur quart d’heure européen ? Qui sait, ce n’est peut-être qu’une question de temps – celui qui passe, ou qu’il fait.
Quel dommage par exemple de passer à côté de Karkwa, groupe plutôt passionnant, un peu comme si le Radiohead de "The Bends" chantait « tabernac’ de tabernac’ ! » à s’en décrocher la gorge. Qu’attend-on aussi pour fêter La Patère Rose, les Sugarcubes des Grands Lacs, et leur réjouissant premier effort ? Enfin, parce que l’hypothèse d’une future consécration représente ici l’option la plus vraisemblable, attardons-nous plus longuement sur le cas de Marie-Pierre Arthur, auteure-compositrice-interprète comme on dit chez elle, singer-songwriter comme on dit chez nous.
Point de pseudonyme ici : un blaze comme Marie-Pierre Arthur, ça ne s’invente pas. Et si la trivialité du nom convient au naturel de la démarche, ses deux tiers de virilité mentent en revanche sur la sensibilité qui domine la musique : 100 % féminine. Aidée par une amie qui a su « traduire [ses] moods en mots » comme joliment dit dans le livret, Marie-Pierre Arthur chante la désillusion, le temps à double tranchant, la tension qui dispute la lâcheté sentimentale à l’envie d’ailleurs.
Musicalement, cette tension est également palpable : tiraillée entre une tonalité soft rock passe-partout mais occasionnellement affilée (les neuf minutes escarpées de Pas Le Courage) et son attirance pour une forme acceptable de variété – de tous ses compatriotes, elle préfère reprendre Daniel Lavoie que Daniel Lanois – la reine Arthur n’a pas pour autant le cul entre deux chaises, même si d’aucuns parmi les Inquisiteurs du bon goût ne manqueront pas de désavouer sa prétendue frivolité.
Il faut pourtant bien du cran pour oser ainsi le défeuillage intégral, cette béance de l’intime qui confine à l’automutilation : « À côté de toi, le bonheur s’enfuit / Les années aussi / Sans nous attendre / Partir, et d’une larme / Déposer les armes / Pour une fois, m’écouter pour de vrai / Avant ton réveil, partir sans regret. » Ainsi, dans l’astral titre d’ouverture, chante-t-elle une poignante fugue amoureuse à laquelle feront écho la marche têtue de Droit Devant ou l’errance floue de Ma Tête à Off, jusqu’à ce que le ciel la prenne par la main et que Le Vent M’appelle Par Mon Prénom.
En guise de fil rouge, Marie-Pierre Arthur distille un peu partout des chœurs en colimaçon, des « lalala » à plusieurs voix qui saupoudrent de sucre ses chansons tristes (Pourquoi), à moins qu’elle ne se satisfasse d’une lascive guitare slide (la country fatiguée de Tout Ça Pour Ça). Le reste du temps, elle peut s’appuyer sur les beaux arrangements de cordes signés Patrick Watson – dont on reconnaît aussi le goût des percussions en clapotis – ou, le plus simplement du monde, sur un organe vocal qui sait dresser d’étourdissantes citadelles contre le chagrin (Sans Mémoire, Entre Nous).
Il m’a fallu revenir maintes fois vers ce disque pour dépasser le préjugé de sa poésie primitive, de son évidence mélodique suspecte – un trait commun aux compatriotes précités – et, au final, je me suis retrouvé purement immergé dans sa lumière gracile. Je ne saurais donc trop conseiller au curieux de se montrer patient : « Les miroirs dans tes yeux / Sont tous les aveux / Que le temps récupère. » Il y a, dans ces onze morceaux, davantage d’épaisseur que dans tant de carrières creuses... du moins, si l’on veut bien leur laisser le temps de se révéler. Après tout, ce premier album a déjà un an. On n’est pas à quelques minutes près.
Que mes camarades canadiens daignent excuser le ramassis de clichés ainsi cumulés sur leur belle culture...
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