mercredi 12 mai 2010, par
Si ta tata tond ton tonton...
Lorsque, il y a trois ans, on découvrait Flying Lotus via son premier EP pour la maison Warp – décidément toujours aussi perspicace – on se disait qu’on était en train d’écouter la musique du futur. Rarement, avant le jeune Steve Ellison et ce “Reset”, on avait entendu fusion si dense et cohérente d’électro lancinante, de dubstep et de nu-jazz. L’incrustation du jazz dans l’électro n’est, en soi, pas forcément dépaysante pour les amateurs, depuis son versant le plus mélodique (Cinematic Orchestra) jusqu’à son plus laborieux (Squarepusher). Chez Flying Lotus cependant, il ne s’agissait que d’un élément bénin au sein d’une trame sonore impénétrable qui empruntait à son champ lexical – contretemps, improvisation – comme à d’autres, de l’abstract hip-hop à la house.
L’album “Los Angeles” qui a suivi ne faisait pas qu’enfoncer le clou : la musique d’Ellison s’y faisait nettement plus abrupte, garrottée, comme si elle cherchait à tout prix à s’enfoncer dans un minuscule étranglement. Pour le coup, on en ressortait lessivé et on n’était pas certain d’en redemander. Fort heureusement, le jeune homme a entre-temps perçu la lumière à l’autre bout de la lézarde, et son nouveau bébé s’offre de vrais moments de respiration, entre autres dans ses passages chantés – on va y revenir – mais aussi par l’extension manifeste du vocabulaire musical utilisé.
Embrassant un large spectre aussi redevable à l’IDM (Recoiled) qu’à la techno minimale (Nose Art), à la musique symphonique (la magnifique A Cosmic Drama nappée de cordes) qu’à la musique concrète (Table Tennis et sa rythmique à base de... balles de ping-pong, quoi d’autre ?), Flying Lotus flirte même avec la 8-bit (Drips) ou l’afrobeat (Dance of the Pseudo Nymph), sans oublier ses nombreux clins d’oeil au free-jazz (Arkestry, Pickled !, German Haircut). Il faut préciser, car ce n’est pas anodin, que sa grand-tante s’appelait Alice Coltrane, la femme de l’autre. Inutile de chercher plus loin d’où provient le goût de Steve Ellison pour les incartades syncopées, puisqu’il a de toute évidence baigné dedans. Il en a aussi retenu, surtout, la prédilection de tata pour la harpe, instrument très présent sur l’album et pas seulement sur l’hommage Auntie’s Harp.
On le suggérait, quelques voix invitées apportent à l’ensemble de bienvenus moments de répit. On ne sait s’il se paye le luxe de choisir le beat sur lequel il va poser sa voix renversante, mais Thom Yorke a en tout cas toujours l’art de briller sur le meilleur morceau des albums où il apparaît (chez Modeselektor ou Unkle par exemple). C’est plus que jamais le cas ici sur ...And the World Laughs With You, plage maladive que le poumon de Radiohead (c)hante avec nonchalance. Thundercat, bassiste attitré de Flying Lotus, n’atteint pas les mêmes altitudes en prêtant son organe à MmmHmm, mais la chanson n’en est pas moins un petit bijou de folktronica narcotique qui déroule le tapis rouge pour le scat festif de Do the Astral Plane, morceau qui n’aurait pas dépareillé sur un disque de Basement Jaxx.
Il se passe également beaucoup de choses sur Satelllliiiiiiiteee, track qui semble survoler le Brésil pour y cueillir aussi bien l’impulsion chaloupée des écoles de samba que l’ambient patibulaire d’Amon Tobin. Quant au formidable Zodiac Shit, sa première partie rappelle de près le travail de production presté par Flying Lotus sur le toujours inépuisable album de Gonjasufi ; mais, comme la grande majorité des titres de ce “Cosmogramma”, le morceau ne tient pas en place et présente ensuite son second visage, passant de la contemplation à l’exploration, de l’inertie à la quête. D’une richesse vertigineuse, ce nouveau Flying Lotus constitue une preuve supplémentaire qu’on peut intégrer un héritage culturel, familial a fortiori, et le métamorphoser en une matière imprévisible, totalement moderne, pour ne pas dire avant-gardiste. Pas de doute, ce garçon fait la musique du futur.
Maître ès dialectes
Le dubstep fait peau neuve, et des formes mutantes d’une belle variété sont en train d’enrichir le genre pour mieux séduire les fans de rock qui n’en connaissent que la part émergée. Partis de Burial sur les bons conseils de quelques oreilles exigeantes, ils se délecteront tout autant des blips poisseux de Mount Kimbie, jaugeront le potentiel putassier de Rusko ou (…)
Apesanteur matérialisée
Saluons d’emblée le flair de Mmarsupilami, qui avait chroniqué le présent opus en avant-première, suscitant un buzz intergalactique autour de sa sortie toute fraîche. Enfin, presque : il s’agirait manifestement d’une réédition, soutenue par l’obscur label Monotreme et orchestrée, pour tout dire, encore bien discrètement, les disquaires ne se bousculant pas pour le (…)
Un bon coupe-faim
Les projets d’Amon Tobin sont toujours très attendus par les aficionados des travaux du magicien du sample. Après avoir compléter un cycle avec son dernier album Foley Room, et être ainsi passer en quelques ouvrages de challenger au titre de grand maître de la musique électronique au sens large, on voyait difficilement comment il allait pourvoir se renouveller. Rapidemment (…)
Join the Q or not !
Paradoxalement, pour trouver de quoi abreuver nos oreilles, on se réfère la plupart du temps aux mêmes sources, ce qui fait qu’on tourne assez vite en rond. Pour ma part, ayant souvent été fort secoué par les sorties des labels Ninja Tune et Warp, les sites de ces labels font souvent l’objet d’une visite. C’est ainsi que j’ai découvert The Qmists il y a quelque temps (…)