Accueil > Critiques > 2010

J. Tillman - Singing Ax

mercredi 29 septembre 2010, par marc

Le jeu des familles


Le jeu des familles, c’est un peu simpliste dans la vraie vie mais plus revigorant sur la scène musicale. Prenez J. Tillman par exemple. Si on n’a pas publié d’article sur lui, il aura été présent en filigrane bien des fois, que ce soit en tant que première partie des Fleet Foxes, en tant que frère de celui qui publie sous le nom de Pearly Gate Music ou encore en tant que batteur de ces Fleet Foxes. D’ailleurs, si vous cherchez de quoi patienter avant une future livraison (normalement imminente) du génial groupe de Seattle, il se trouve des bootlegs de concerts solo de Robin Pecknold en ouverture de la tournée de Joanna Newsom si vous tendez l’oreille aux bons endroits.

Une voix et une guitare, la formule est une des plus éculées de l’univers. La pratiquer montre donc du culot ou de l’inconscience. Ou alors l’amour d’une tradition centenaire. Mais on se félicite qu’il la patique parce qu’en plusieurs occasions on se prend à penser que c’est vraiment beau, vrai, pas mièvre, et que certains artistes ont la bouche et l’âme plus proches que chez bien des contemporains. L’ambiance créée n’est donc pas Youplaboum mais permet de vrais moments forts comme Our Beloved Tyrant ou Mere Ornaments, poignants mais jamais pathétiques.

Comme il faut un certain degré d’abandon pour que ce dénuement se transforme en émotion, j’avoue qu’il n’est pas toujours facile d’« entrer dans » cet album. Parce que la production de Steve Albini (je mets un lien vers wikipedia pour ne pas tomber dans le name-dropping excessif) ne fait pas exactement dans la décoration. Et qu’il faut tendre l’oreille pour distinguer des éléments de variation. Un petit clavier en fond parfois, une batterie desséchée et on peut emballer Three Sisters et ses coups de gueule. Ou alors un très discret violon sur Madness On The Mountains. J’ai donc pensé à Nick Drake (diamondback, Madness On The Mountain), ce qui se produit presque immanquablement avec un folk classique et classieux avec du picking bien senti.

S’il est sans doute déconseillé aux neurasthéniques profonds et ceux pour qui la musique ne peut s’exprimer que dans un stade, ce septième album de J. Tillman confirme ce qu’on pensait déjà, à savoir que même dans une dénuement poussé, une âme peut s’exprimer.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • J. Tillman - Singing Ax 29 septembre 2010 08:14, par Laurent

    Oui mais dis Marc, pour les malheureux qui ne sont fans ni de vinyles ni d’iTunes, mais restent indécrottablement liés au format CD, ça fait deux fois d’affilée que tu chroniques avec enthousiasme des albums introuvables en version disco-laser ! Je suis depuis une demi-heure en quête de cet album de Harrys Gym que tu as donné à tout le monde envie de se procurer et ça n’est pas évident, pas évident, pas évident. Mais bon, ils sont Norvégiens. Par contre, Tillman, dont au moins quatre précédents albums existent en CD, je ne comprends pas qu’il nous fasse ce coup-là...

    repondre message

    • J. Tillman - Singing Ax 29 septembre 2010 09:44, par mmarsupilami

      C’est le frère de Sart ?

      repondre message

      • J. Tillman - Singing Ax 29 septembre 2010 12:43, par Marc

        @ Laurent

        Ha oui, je n’avais pas vu les choses sous cet angle-là. c’est quand même étrange de ne pas faire de sortie cd. Snobisme ? Pour les Norvégiens, c’est sorti "là-bas" donc plus jouable. Bonne recherche donc !

        @Mmarsupilami

        Wéé, un peu d’humour liégeois dans ce monde de brutes...

        repondre message

  • Kevin Galland - In The Silence Between Worlds

    Les énervés suisses de Coilguns sont décidément déconcertants. Outre les albums de leur groupe de base qui a pu nous réjouir, ils ont en sus de passionnantes carrières parallèles qui s’éloignent de l’épicentre dans des directions différentes. Encore plus radicales avec Trounce, expérimentale mais plutôt pop avec Louis Jucker, presque folk avec Elie Zoé (on en reparle à la rentrée) et (…)

  • Patrick Wolf – Crying The Neck

    Après un silence de plusieurs années pendant lequel on avait accepté l’idée que la somme Sunlights and Riverlights serait notre album de référence, il était revenu en 2024 avec un EP assez emballant qui donnait l’espoir d’en entendre plus.
    Et s’il a attendu 14 ans avant de revenir avec un tout nouvel album sous le bras, ce n’est pas pour passer par la porte de service mais par la toute (…)

  • Benni – Bleeding Colours (EP)

    Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
    Dans la lignée d’une Phoebe Bridgers qui se confirme comme la figure tutélaire (…)

  • Beirut - A Study of Losses

    On vous avait déjà parlé de musiques de films, de séries, de documentaires, de spectacles de danse, d’installations et même de restaurants, on inaugure la musique de cirque. Dans le genre, difficile de faire plus raccord que le premier album de Beirut avec ses cuivres balkaniques. Mais le temps a passé et Zach Condon a consacré énormément d’efforts à sortir ce cet étroit carcan musical. Et ce (…)