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Gold Panda - Lucky Shiner

dimanche 31 octobre 2010, par Laurent

Idées reçues


“Lucky Shiner” est l’histoire d’un malentendu, ou comment un morceau épatant peut faire espérer quelque chose d’un album qui se révèle, en fin de compte, à mille lieues des attentes sans pour autant les décevoir. Tout le monde n’en a pas conscience, mais les exploits psychédéliques d’Animal Collective ont ouvert une brèche immense, dans laquelle s’engouffrent jour après jour pléthore de suiveurs prêts à noyer leurs compositions sous trois paliers de profondeurs marines. Les chambres américaines sont pleines de bidouilleurs qui pratiquent l’écho comme une seconde langue et peuvent se permettre de chanter sans voix.

Combien d’ersatz d’Arcade Fire, suscitant un enthousiasme aussi fébrile qu’éphémère, n’ont-ils pas envahi nos étagères ? Combien de sous-Coldplay a-t-ton pu entendre pleurnicher sur les ondes ? Combien de disciples d’Interpol persévéreront à surpasser leur modèle ? Tous réunis ne représentent rien au regard de la vague des touche-à-tout rivés sur leur ordi, rêvant d’égaler les efforts solo d’Avey Tare ou de Panda Bear, de rivaliser avec les boucles arithmétiques de Caribou. C’est en effet d’abord à la face la plus machinale de Dan Snaith que l’on pense en écoutant Gold Panda, petit malin qui a la bonne idée de renier toute parenté freak-folk pour se consacrer à une electronica instrumentale et enrichie en structures artificielles.

Le grand écart est réalisé d’emblée lorsque, transitant de You à Vanilla Minus, le panda doré passe d’un tube glo-fi orientaliste à une bouilloire trance qui fomente une improbable éruption. Parents est soutenu par une guitare sèche et l’humidifie à marée basse, évinçant la froideur dans un sursaut d’émotion. Il restera isolé. Same Dream China retourne à l’est dans un tintement de porcelaine virtuelle, puis Snow & Taxis s’offre l’escapade entre tuk-tuk de nuit et clubs interlopes, pour faire un détour par la minimale. Et Before We Talked de revêtir son plus bel Apparat pour le Marriage. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, on a basculé d’une pop bricoleuse bariolée à une 8-bit abstraite, voire absconse. After We Talked, la désillusion guette.

Mais cette conversation prolongée avec Gold Panda rappelle combien son intérêt pour le levant transpire de ses moindres propos (India Lately), cependant qu’il l’éloigne de plus en plus de notre postulat de départ : ce You inégalé qui le rangerait trop vite dans la catégorie des nerds hallucinés, quand la suite du parcours le transforme peu à peu en DJ stoïque. En somme, à se tourner de la sorte vers l’Asie, l’artiste a tout bonnement suivi le chemin qui y mène, privilégiant l’axe Paris-Berlin dans son approche hédoniste, jusqu’à cet autre You final qui ne dit, bel et bien, plus rien de l’incipit.

C’est que, a priori héritier d’Animal Collective, l’homme qui se fait simplement appeler Derwin figure en fait un digne successeur pour The Field ; et si on l’imaginait au départ mélanger des échantillons sur un campus ricain, on finit par comprendre qu’on a en réalité affaire à un Européen : de Londres certes, mais de l’East London bien entendu. Le quiproquo dissipé, et le plaisir ne l’ayant jamais désertée, “Lucky Shiner” reste une galette éminemment recommandable, emballante sans être bouleversante, garante à la fois de la gourmandise du panda et du flamboiement de l’or.


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5 Messages

  • Gold Panda - Lucky Shiner 1er novembre 2010 14:01, par Mmarsupilami

    J’ai deux piles d’albums devant moi. Lisant ta chronique, Gold Panda passait lentement mais sûrement de la pile "à écouter" à la pile "si j’ai le temps". Et puis, tu conclus par "éminemment recommandable" au lieu de "sérieusement dispensable". Et qu’est-ce que je fais de ce disque, finalement, moi ? Où le ranger ?
     ;-)

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    • Gold Panda - Lucky Shiner 1er novembre 2010 16:43, par Laurent

      Je rangerais dans la catégorie des paris : aimera, aimera pas ? Si l’on est curieux de nature, on devrait logiquement se précipiter pour en avoir le coeur net. Je répète que l’album est fort différent de ce que You pouvait laisser présager. Mais que si You te fait de l’effet, il y a lieu d’y consacrer quelques écoutes attentionnées. La lumière sera. ;)

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      • Gold Panda - Lucky Shiner 1er novembre 2010 16:45, par Marc

        Pas plus tard que l’autre jour, Seb me vantait cet album qu’il a vraiment beaucoup aimé. J’ai prévenu mes oreilles qu’elles n’y couperont pas

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        • Gold Panda - Lucky Shiner 2 novembre 2010 18:10, par Seb

          Je confirme que cet album est hautement recommandable, malgré les similitudes avec un The Field (surtout le 1er morceau) qui m’avait déçu sur le dernier album. Contrairement à ce dernier, il ne s’enferme pas dans une technique et l’album est intéressant sur la longueur. Il y a des idées à chaque morceau, certe pas révolutionnaires mais qui ont le mérite d’exister et tenter leur chance. Après on les apprécie ... ou pas. Je trouve aussi quelques similitudes avec Four Tet plus qu’Animal Collective pour ma part qui ne sont pas pour me déplaire. Il y a ce petit côté voyage et espace qui n’est pas déplaisant. Enjoy !

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  • Gold Panda - Lucky Shiner 2 novembre 2010 19:17, par Laurent

    Tout à fait : cette comparaison avec Animal Collective n’est valable (et encore...) qu’à cause de You, morceau que j’avais découvert il ya déjà un bon bout de temps et qui m’avait fait guetter la sortie de l’album, pour que je prenne finalement conscience de ce que cet amalgame avait de réducteur et de peu pertinent. En fait cette critique est un peu à la (ra)masse, je le confesse, mais bon, s’il y a des gens qui viennent à l’album pour être passé par ici, on est là pour ça n’est-ce pas...

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