mardi 25 janvier 2011, par
Espèce d’adulte !
Un coup de cœur, évidemment, ça ne se justifie pas, ça se raisonne difficilement. C’est pourquoi j’avais eu un peu de mal à motiver mon attachement au Trouble In Dreams sorti il y a deux ans. Depuis, le prolifique Dan Bejar nous est revenus avec Swan Lake et The New Pornographers mais c’est sous le nom de Destroyer qu’il a le plus de latitude pour s’exprimer. Mais la liberté est un don pas toujours facile à assumer puisqu’il incombe à celui qui en bénéficie d’en faire bon usage. Vous aurez compris que je vais tenter d’expliquer ce qui ne m’a pas plus sur ce Kaputt qu’il serait trop facile d’accabler sur foi de son seul nom.
J’ai déjà dit la perplexité légère qui m’étreint chez les tenants d’une musique tellement propre sur soi qu’elle semble être revêtue d’une toile cirée pour que la perception soit le plus froide possible. L’album précédent s’aventurait dans un rock classique que le décalage de ton de Bejar pouvait rendre intéressant et même occasionnellement brillant. Ici, on le sent plus porté vers une certaine relecture des années ’80. Non, pas un émule de Vince Clark, plutôt celle de la pop soyeuse et lettrée de Lloyd Cole ou David Bowie, maitre incontournable quand on entend certains soli distordus ou un emploi du saxophone qui m’a occasionnellement arraché un franc gloussement. ‘Adulte’ et ‘rock’ étaient deux mots qui étaient faits pour ne pas se rencontrer, certains albums du génial Bowie (des années ’80 surtout) venant accréditer cette considération à l’emporte-pièce qui comporte de nombreux contre-exemples. Des années qu’on adore détester (les eighties donc), j’ai aussi trouvé des traces de The Cure sur le morceau avec lequel je me suis senti le plus d’affinités (Savage Night At The Opera), réussi de la basse typique de Disintegration au solo en contrepoint.
Certes, on s’est habitué à certaines aspérités du son, mais ici, c’est tellement propret et passé au detol qu’on ne cède que par à-coups, comme sur Poor In Love ou lors de la version raccourcie (à dix minutes tout de même) de son Bay Of the Pigs paru l’an passé. Pour le reste, certains utiliseraient le terme très seventies de ‘sirop’, notamment par l’emploi purement décoratif du sax de Blue Eyes (qui atteint pour moi la cote d’alerte) ou la flute très kitsch de Suicide Demo for Kara Walker (très chouette nom, mais fallait-il tirer le morceau sur plus de 8 minutes ?).
Il faut aussi signaler que Bejar est connu pour sa poésie étrange et impénétrable. J’avoue que ces aspects-là m’échappent un peu, ce qui me prive d’une potentielle raison d’apprécier cet album. Rarement un album ne m’inspire une couleur en particulier mais au jeu bidon des portraits chinois, celui-ci serait blanc. Immaculé, passionnant comme un jour de pluie à travers une vitre, cet album d’un auteur prolifique et doué prouve qu’à essayer des choses, on risque souvent de se perdre un peu.
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