mardi 12 avril 2011, par
Ciel d’avril
Il faut oser ce qui fait peur, y compris et surtout au fond de nous-même, se fondre dans les limbes qu’ont dessinées nos démons. Car c’est au cœur des “Eaux Profondes” que se dévoilera un monde nouveau à la beauté surprenante. Ainsi du pari qu’ont fait Laetita Velma et les dévots à son talent. Dans la série des micro-labels qui gagnent à être connus, Les Disques d’Avril font plutôt bien les choses : on ne sait s’ils comptent mettre leurs produits en rayon un seul mois par an, mais toujours est-il que le premier album de Laetitia Velma est quant à lui parfaitement synchrone. Et si l’artiste bruxello-parisienne envisage un jour de se découvrir d’un fil, ce sera à n’en pas douter celui du rasoir, avec lequel elle flirte régulièrement et non sans élégance.
Dès Le Pays Étranger, on la sent qui joue les funambules dans un éther plombé, distillant ce qui ressemble à une douce mélancolie si ce n’est qu’elle est perpétuellement chargée d’inquiétude. La musique de Velma est aérienne, mais son ciel est lourd et ombrageux comme celui d’avril, faisant craindre à tout instant qu’il nous tombe sur la tête. On bascule alors dans un Au-Delà infiniment profond, et bénie soit la chute pour sa lancinante aimantation. Beaucoup des chansons parlent d’un ailleurs, se vivent comme des voyages incertains et avant tout intimes. Le Chemin nous rassure car c’est la vie qui le trace : « Nos pas, vers nous nous mènent au plus profond de la nature humaine. »
Avant qu’il puisse un jour être trop tard, Avant Que Tout S’effondre, on fera ce chemin ensemble, liés par l’instinct grégaire. Mais cette solidarité n’est qu’un des masques de notre égoïsme. « Nous nous rassemblerons puis nous nous ignorerons », alors le temps est compté. Après tout, Le Temps et les Cœurs ne sont peut-être pas faits pour s’entendre ; autant se donner la main, maintenant, et « ne pas sortir de l’instant, le cœur ancré au présent ». Laetitia Velma l’a bien compris en s’entourant dès ses premiers pas d’un parrain omniprésent, quitte à se laisser dépasser par son illustre autorité. En effet, on ne peut taire l’influence criante de Dominique A, reconverti pour la peine en musicien muet mais surtout en producteur, et dont le son atrabilaire reste reconnaissable entre mille.
On avance donc vers une terra incognita aux paysages familiers, entre forêts noires suffocant d’aridité (Retournez-Vous) et lentes montées de sève salée (Les Cheveux et les Larmes). À l’instar d’une Karin Clercq, avec qui elle partage un goût certain pour cette forme de non-chant qui subjugue loin des vocalises virtuoses, Laetitia Velma sacrifie ainsi une part de lumière à l’ombre tutélaire de son pygmalion. Sauf que les chansons de Laetitia n’appartiennent qu’à Laetitia et qu’elle double son talent d’auteure d’une singulière intelligence musicale. Cette dernière s’exprime superbement en fin de parcours, quand le tonnerre s’est tu et que son piano gracile se met à nu (J’ai Beaucoup Retrouvé).
La chanteuse ose ce qui lui fait peur, car « la peur ne [l’]impressionne pas ». Emplie de confiance par les battements de son palpitant, elle sait que les machines aussi ont leur mot à dire et ne craint pas de s’aventurer plus loin encore (Mon Cœur). Les espoirs déçus par trop de chimères, c’est là Le Supplice de l’Été. Mais sous la lune rousse d’avril, égarée dans “Les Eaux Profondes”, Laetitia Velma sait que son errance à contre-courant est ce qu’elle possède de plus cher, et ce qu’elle a de plus précieux à partager. Tant à donner et si peu de jours nous sont offerts, dans un monde déserté des balises. « Les repères laissés pour compte, c’est le temps qu’on affronte. » Les yeux grands ouverts sur ses tourments, Laetitia Velma nous entraîne au-dedans, pourvu que ces contrées nous retiennent.
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La réponse cingle après quelques secondes, avec la (…)