mardi 28 juin 2011, par
Joute céleste
Son luxe à lui, alors qu’on l’aurait aisément imaginé pratiquer sa magie multicolore chez Real World ou Asthmatic Kitty, est d’avoir été signé sur le label Anticon, plus connu pour sa promotion de l’avant-garde hip-hop. Son luxe à lui, c’est d’avoir écrit, composé et enregistré dans le temps record d’un petit mois – celui de février – ces chansons foisonnantes, ornées de mille parures, en compagnie du collectif de mercenaires multi-instrumentistes yMusic. Son luxe à lui, c’est de compter en outre parmi ses amis les voix bénies de DM Stith et Shara Worden, grandes pourvoyeuses de frissons nébuleux.
Lui, c’est Ryan Lott. Perdu dans la foule new-yorkaise, le garçon mobilise son armée pour partir à l’assaut des cathédrales sonores élevées par les grands architectes baroques de l’indie-rock luxuriant. “We Are Rising” comme un acrostiche pour le mot “WAR”, pour cette bataille incessante qu’il mène ici contre la médiocrité, après avoir déjà, dans le passé, affronté en combat singulier les impasses auxquelles voulaient le mener les tourneurs en rond qui ont pignon sur rue au royaume du n’importe quoi. “At War with Walls and Mazes”, son premier album, le voyait ainsi déclencher il y a quatre ans des hostilités sensuelles, armé qu’il était d’une cuirasse fibreuse et mouvante.
Dès les première secondes de “We Are Rising”, on sent que Lott a transposé la joute très très haut dans les cieux, tout en maintenant fermement ses pieds dans les fondations d’un monument aux corps. L’introduction de Flickers décoche une première giclée de chair de poule, avant que le morceau se mue en jonque paisible, voguant sur des flots qui semblent avoir été dessinés par Ryûichi Sakamoto, puis qu’un chant sans âge y mêle une sorte d’opéra hérité d’une dimension parallèle. Expérience troublante s’il en est, ce n’est que le point de départ d’une aventure musicale hors du commun.
Avec son cortège de cuivres ambitieux, All the Right Things est la chanson qui fait le plus immanquablement penser à Sufjan Stevens ; mais Son Lux peut aussi lâcher ses escouades de flûtiaux sur le martial Rising, qui s’achève dans un tohu-bohu tribal, ou jouer l’apaisement satiné sur Flowers, autant un hommage au silence qu’à la beauté séraphique des neiges éternelles. Que ces magnificences, qu’on aurait imaginé sculptées dans le plus pur souci du détail, soit nées de sessions confinées dans un si court laps de temps, dit assez combien la spontanéité peut être source plus sûre d’émerveillement.
Du tumultueux bouquet de sons Let Go aux inquiétants Claws ou Rebuild, construits sur des ferments de terre brûlée pour prendre la forme de créatures impitoyables, tout sur ce disque renvoie à sa conception : une matière en mutation, certes figée dans l’instant mais appelée, au fil de rencontres impromptues avec la vie et ses aléas, à grandir encore dans les consciences. C’est donc un appel à l’élévation qui se propage tout entier à l’écoute des neuf titres de “We Are Rising”, album de ralliement et de violence refoulée, explosion de sens, de couleurs, de lumière. On n’ose imaginer Ryan Lott s’élever plus haut encore. Lux aeterna luceat eo.
Mmarsupilami aime beaucoup aussi !
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