mardi 6 mars 2012, par
Non à l’eau tiède
On a déjà eu l’occasion de l’évoquer. C’est à propos de ces groupes plus aventureux que la part de la subjectivité est la plus présente. Et comme on n’a pas d’aversion au timbre très affecté de James Stewart (qu’on a retrouvé aux côtés de Jonathan Meiburg au sein de l’étrange Blue Water White Death, on replonge avec curiosité dans l’univers noir mais revigorant de Xiu Xiu. On ne va pas s’appesantir sur la personnalité du leader de la formation, Nathan Fournier et Benjamin Fogel le font plus que bien ici, mais essayer de faire partager pourquoi ce qui pourrait être un repoussoir fascine. Parce que j’admets volontiers la part de subjectivité à rester froid devant Deerhoof (dont Greg Saunier est producteur ici) ou Dirty Projectors, ou s’irriter devant Micachu.
Il serait tentant de considérer cet Always comme une plongée. Parce que comme sur le dernier Of Montreal, les choses partent de façon fort engageante (formidable Hi) et la fin d’album est plus âpre. Mais la comparaison peut s’arrêter là. Parce que si chez Kevin Barnes le soufflé retombait vite et l’album patinait avant de déraper carrément, le neuvième album de Xiu Xiu (tiens, comme Of Montreal) maintient ce qu’il a de plus précieux : son urgence. On sent que tout morceau peut éclater, on sait qu’il y a un risque. Étrangement, cette sensation d’instabilité ne s’efface pas au cours des écoutes.
Cette tension peut créer de l’euphorie, et c’est ce qu’on peut ressentir sur leur versant plus dance (toute proportions gardées bien sûr). Il ne suffit pas de sortir ses beats en public pour qu’un morceau devienne passionnant, mais bien que rien ne soit vraiment dansant ici, la fièvre est contagieuse. Bien luné, l’hystérie contrôlée (gimmicks hystériques, coups de batterie) de Born To Suffer (ou Chimney’s Afire) peut faire mouche. Toutefois, il s’agit moins d’une ferveur juvénile que d’un exutoire adulte (Gul Mudin).
Cet aspect cathartique se retrouve logiquement aussi sur l’autre pan de l’album, plus introspectif. Et le tout se mêle, se mélange, et c’est un angle d’attaque qu’il faut appréhender. Par exemple, pour parler du désarroi d’une adolescente peu désireuse d’être mère trop tôt, il intitule le morceau I Love Abortion et c’est râpeux comme une expérimentation. C’est comme ça que le sentiment s’exprime, par l’intransigeance d’une sourde violence contenue qui torture les violons de Black Drum Machine. Mais contrairement à certains albums se concentrant sur un état d’esprit, il y a une variété de sentiments. Il peut donc passer à une balade malsaine au piano (The Oldness) ou à des arpèges désolés (Factory Girl).
Vous l’aurez compris au recours fréquent aux images, il n’est toujours pas facile de cerner Xiu Xiu et de partager une fascination qui ne se dément pas. Je vous encourage donc à vous frotter à cette singularité, à cette résistance à l’eau tiède.
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