Accueil > Critiques > 2014

Musée Mécanique - From Shores of Sleep

samedi 6 décembre 2014, par marc


Il y a les paysages annoncés comme beaux à couper le souffle. On fait le détour pour y arriver en voiture, mais bien souvent, outre un cliché ressemblant à tant d’autres, on n’en ramènera que le souvenir d’un parking et la sensation que si on est content de partager la beauté, elle s’effrite légèrement dans la masse.

Mais il y a aussi des recoins qu’on atteint à pied, sur recommandation de locaux, et dont on peut profiter avec l’être aimé (c’est mieux comme ça) en toute intimité. Si on élargit la métaphore tarte-à-la-crème à la musique, on dira qu’on est content de voir que des groupes comme Arcade Fire ou The National touchent les foules, mais on aime aussi chérir dans de petites salles ceux qui nous restent tellement précieux. Shearwater, Moonface, la liste pourrait être longue et si on ne comprend pas toujours pourquoi ils sont si mésestimés, on se console en multipliant les découvertes.

C’est d’ailleurs en allant voir un groupe qui devrait être énorme (Get Well Soon) qu’on avait découvert Musée Mécanique. C’est Konstantin Gropper qui se fend du texte de présentation de cet album pour le site allemand du label.

Musée Mécanique, c’est de la pop de chambre dans son expression la plus pure. Les étiquettes ne sont qu’une invention de critique ou d’attaché de presse mais parfois aussi, elles ont valeur d’archétype. La musique de ce groupe est donc luxuriante mais en sous-texte, les voix sont jolies mais ne poussent jamais. En gros, il vous faudra tender l’oreille. L’écouter en sourdine est agréable mais ce n’est pas une musique pour supermarché sensée fonctionner à tous les volumes

Et une fois qu’on se penche de façon plus intéressée à cet album, on découvre de très belles choses, en commençant par le léger et enlevé O, Astoria ! On se dit vite que si c’était plus éthéré et aérien, on entendrait du Grizzly Bear. Le côté pastoral en plus, ce serait du Fleet Foxes. A Wish We spoke est gentiment hanté, tout doux et montre un beau son qui monte. Il serait aussi dommage de passer à côté des moments les plus forts. The Lighthouse and The Hourglass sort de sa coquille. Les amateurs de Girls In Hawaii auront aussi intérêt à se frotter à la formation américaine (le fort joli The Open Sea). Ceci est moins spectaculaire mais plus subtil et bien plus constant.

L’intensité feutrée de Cast In The Brine commence comme tout le reste de façon discrète. Et puis il y a ce petit arpège, le support de nappes lancinantes, la voix triste et pénétrée, c’est une symphonie de poche, un de ces morceaux qui entrent dans votre cerveau par l’oreille et une fois que vous vous en rendez compte, il est trop tard, vous êtes déjà terrassé.

Je ne vous le cacherai pas, il m’a fallu un minimum d’abnégation pour entrer dans cet album. Mais au contraire de trop d’albums vraiment placides, il y a tellement à découvrir quand on tend l’oreille que je ne peux que recommander à tous les amateurs de belles choses feutrées ce groupe issu comme tant d’autres du tellement fertile vivier de Portland, Oregon.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

1 Message

  • Musée Mécanique - From Shores of Sleep 9 décembre 2014 15:36, par Mathusalem

    Haaa... Le pouvoir des mots... Après une métaphore aussi cinglante (En tout cas qui brille plus par sa pertinence que par ses facultés d’entartage), l’être aimé et moi n’avons pu qu’écouter... C’est assez beau, effectivement.

    repondre message

  • Sarah Mary Chadwick - Messages To God

    Dans une ère où toutes les émotions sont passées sous l’éteignoir d’une production qui lisse, il est plaisant de rencontrer des voix (forcément) discordantes comme celle de la Néo-Zélandaise Sarah Mary Chadwick sur son huitième album solo. On se frotte d’emblée à ce ton naturaliste et direct qui n’est pas sans rappeler Frida Hÿvonen. Frontal donc, d’une sincérité qui peut aller jusqu’au malaise. La dernière (...)

  • Anohni and the Jonsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

    Une limitation connue de la critique est qu’elle intervient à un temps donné, dans un contexte. Or on sait que les avis ne sont jamais constants dans le temps. Ainsi si I am a Bird Now a beaucoup plu à l’époque, on le tient maintenant comme un des meilleurs albums de tous les temps, tous genres et époques confondus. Cette proximité crée aussi une attente quand que les Jonsons sont de nouveau de la (...)

  • Jungstötter - Air

    Quand on a découvert Jungstötter, c’était presque trop beau pour être vrai. En se situant aux confluents de tant de choses qu’on aimait comme Patrick Wolf ou Soap&Skin (dont il a assuré les premières parties) ou Anohni, il a délivré avec Love Is un de nos albums préférés de ces dernières années. C’était aussi l’occasion de retrouver des collaborateurs talentueux comme P.A. Hülsenbeck qui d’ailleurs est (...)

  • Lana Del Rey - Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd (...)

    Généreuse dans l’effort, Lana Del Rey l’est certainement, et il faut l’être pour livrer aussi régulièrement des albums aussi consistants. Surtout s’ils sont entrecoupés de recueils de poésie. Maintenant, on peut s’affranchir d’un rappel des faits précédents. On remontera juste jusqu’au formidable Noman Fucking Rockwell ! pour signaler qu’il y a eu deux albums jumeaux en 2021 qui l’ont vu à la fois revenir à (...)