dimanche 1er février 2015, par
Connaitre un artiste ne permet sans doute pas de faire des critiques bien objectives (même si on sait que ça n’existe pas) mais aide à comprendre un contexte. Et on peut dire sans trop s’avancer que ce nouveau projet de Yann Lu fait la musique qu’il aimerait entendre. Cet aveu est clair dès l’énoncé du nom du groupe.
Evidemment, si vous savez déjà c’est une allusion à un album de Ride, ce premier EP aura d’autant plus de chances de vous plaire. Notons d’ailleurs que même sur des albums aussi marquants que Nowhere, le chant de Ride constituait clairement le maillon faible alors que ce n’est clairement pas le cas ici.
On s’éloigne donc encore un peu plus de la pop toute propre d’Austin Lace (dont il était un des fondateurs) pour prolonger l’aventure de The Album, autre projet qui lui avait permis de remporter le Pure Demo de Purefm. D’ailleurs on retrouve la basse curesque de Go Ahead Cry dans une version différente, plus ronde et enlevée.
C’est toujours au détour d’une certaine idée de l’indie des années ’80 et 90 qu’on trouvera la source de ces morceaux qui ont le bon goût de jouer la variété, entre le pop-rock placide de Light In Yer Head au plus rêveur Adoration. Pop rêveuse donc, mais qui s’émancipe des références trop évidentes. Pas de brouillards de guitare ici, mais une relecture d’un vieux (forcément) Roxy Music (Love Is The Drug).
Mais mon moment préféré est gardé pour la fin, celle du poignant Us, The Others. Languide et énervé à la fois, il réussit la fusion de deux envies. A l’heure actuelle, toutes les tendances, tous les styles cohabitent et progressent dans leur coin. A l’instar d’autres formations comme Midnight Faces ou Little Black Dress, The Blank Agains suit ses envies d’années passées sans dégager de passéisme ni d’immobilisme. Le seul risque étant de révéler sa propre personnalité. Chiche ?
http://theblankagains.bandcamp.com/
Et oui, Laurent Leemans est déjà de retour et gagne donc le prix de l’artiste en activité le plus productif avec les félicitations du jury pour cette quatrième sortie en un peu plus d’un an et demi. De son propre aveu, il s’agit d’un EP constitué de morceaux issus des sessions du précédent Driftwood, de nouveaux titres et de quelques reprises. Le tout en parallèle avec la tournée des 20 ans de son autre groupe, Ceilí Moss.
Intermède d’accord, mais de bonne tenue puisqu’il est dans la lignée de son album précédent qui nous avait plu. On retrouve donc cette simplicité et cette limpidité sur Grey Pilgrim, double morceau qui arrête avant de recommencer. Aurait-il tenté d’inventer le morceau caché de début d’album ?
Simplicité mais pas nudité puisque ces morceaux s’habillent d’un rien. The Frozen Sea bénéficie donc d’un apport de cloches et ce genre d’ampleur acoustique fait le lien entre la tenue hiératique d’un Current 93 avec le souffle d’Echo and The Bunnymen. Je m’emballe ou quoi ? C’est un harmonica qui tient ce rôle sur Wish You Were Here.
Il se profile aussi comme un spécialiste de la reprise, avec des goûts fort sûrs. On se plait à retrouver le Mud Stories d’Ann Pierlé ou un Leonard Cohen qui semble une évidence pour sa voix profonde qui reste comme toujours le point d’accroche de ces morceaux.
Un jour, pour m’amuser, je ferai une compilation de mes morceaux préférés de The Imaginary Suitcase glanés au fil de ses quatre dernières publications et je vous assure que ça aura de la gueule. En attendant, Laurent Leemans poursuit son rythme de sortie assez soutenu pour partager avec nous presqu’en temps direct son évolution.
http://theimaginarysuitcase.bandcamp.com/album/the-shape-of-things-forsaken
C’est souvent le premier album qu’on connait d’un artiste qui nous semble le meilleur. Il y a des exceptions, certes, mais il reste toujours quelque chose de l’excitation des débuts. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour que je réalise à quel point ce premier album de Micah P Hinson sorti initialement en 2004 et réédité par Talitres se révèle meilleur que Micah P. Hinson and The Nothing découvert il y a quelques mois. D’une manière, la fuite en avant nous empêche de revenir sur des albums précédents et ce n’est donc pas toujours une bonne chose.
Sans doute parce que la connivence est déjà établie, on ne retrouve plus du tout la frappante ressemblance avec Bob Dylan, même sur le poignant Pa tience. Il faut aimer les chanteurs qui s’égosillent comme si leur vie en dépendait évidemment mais j’échange volontiers un peu de justesse pour cette intensité supérieure
Ce sont aussi les détails qui sont magnifiques. Sur Beneath the Rose, cette guitare est impeccablement placée, tout comme ce violoncelle qui relance le déjà très beau I Still Remember. Il est en tous cas rare d’avoir un album où tout d’emblée sonne juste et à sa place, dès le limpide Close Your Eyes jusqu’au déferlement de Don’t You. Pour la petite histoire, mon moment préféré est sans doute le très ample et abouti The Day Texas Sank To The Bottom Of The Sea.
Finalement moins orthodoxe que sa dernière livraison, cette séance de rattrapage s’impose pour tous ceux qui comme moi n’ont découvert Micah Hinson que sur le tard et encore plus à ceux qui ne connaissent pas du tout. Cet artiste qui peut se révéler tour à tout viscéral et ample est en tous cas un incontournable de notre époque.