Accueil > Critiques > 2015

The Decemberists - What a Terrible World, What a Beautiful World

vendredi 27 février 2015, par marc


Le dernier album des Decemberists commence par une adresse du groupe à son audience, clamant « You know we belong to you ». Venant du tellement attachant groupe de portland, ça prend valeur de manifeste, de déclaration liminaire de premier ordre. Mais comme souvent chez eux, il faut aller plus loin pour distinguer une ironie jamais loin We’re aware that you cut your hair/In a style that our drummer wore/In a video. Cette fausse confession mise à part, on sent cette envie de partage, et ce morceau monte, monte de belle façon.

Sans doute faut-il y voir aussi la raison qui les a poussés à nous livrer ici un album qui pourrait presque être une synthèse de leur style. Ou plus exactement un témoignage d’une certaine versatilité. Parce que mine de rien, ils ont pu aussi bien réussir des histoires épiques (Picaresque), nous passionner avec des légendes japonaises traitées en mode progressif (The Crane Wife) ou montrer toute la finesse d’une écriture limpide (The King Is Dead). Voire même s’empêtrer dans un opera-rock un peu crevant (The Hazards of Love) ou montrer de quoi leurs prestations scéniques sont capables (on a vérifié, c’est vrai).

Notre histoire avec ce groupe est la même que la sienne vis-à-vis de son audience. Et après quinze ans d’existence, on les sent soucieux de mettre en avant leur savoir-faire. On ne va pourtant pas tenter de vous faire croire que ce What a Terrible World, What a Beautiful World est leur meilleure réalisation. Mais c’est sans doute leur plus variée.

Ils restent donc fidèles à leur folk-rock lettré, servi avec un cœur gros comme ça. Intellectuel sans doute, mais jouisseur. Qui peut être teinté de cuivres (Cavalry Captain), voire carrément bluegrass (Better Not Wake The Baby). Philomena est leur versant le plus pop, enfin la pop que She and Him écoutent encore, ce qui les situe un peu loin dans le temps.

A part le premier morceau et le dense final étrangement nommé The Beginning Song, c’est sans doute le lancinant Till the Waters Is All Long Gone, long et languide qui plait le plus, parce qu’ils s’y révèlent plus sensibles. Ceci dit, ils prouvent encore sur Carolina Low qu’ils n’ont pas besoin de beaucoup pour être intéressants.

La carrière des Decemberists est jalonnée d’albums à la personnalité marquée, et celui-ci apparait donc comme une transition, comme une pause avant de repartir. On espère logiquement qu’ils retrouveront l’envie de se relancer dans des albums monomaniaques. En attendant, leur sympathie n’est pas prête de s’écorner.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Fink – Beauty In Your Wake

    Un écueil fréquent auquel se frottent les artistes à forte personnalité est la répétition. Quand on a un son bien défini, un univers particulier, les variations sont parfois trop subtiles pour être remarquées ou remarquables. Si vous avez écouté deux albums de Stereolab vous savez de quoi on veut parler. Si on identifie un morceau de Fink assez vite, il y a malgré tout suffisamment d’amplitude (…)

  • My Name Is Nobody - Merci Cheval

    La veille musicale est un engagement à temps plein. Une fois qu’on a aimé un.e artiste, il semble logique de suivre sa carrière. Pourtant il y a trop souvent des discontinuités. Mais il y a aussi des possibilités de se rattraper. La présence de Vincent Dupas au sein de Binidu dont l’intrigant album nous avait enchantés en était une. On apprend donc qu’il y avait eu un album en mars et (…)

  • The Decemberists – As It Ever Was So It Will Be Again

    Il y a quelque chose de frappant à voir des formations planter de très bons albums des décennies après leur pic de popularité. Six ans après I’ll Be Your Girl, celui-ci n’élude aucune des composantes de The Decemberists alors que par le passé ils semblaient privilégier une de leurs inclinations par album.
    On commence par un côté pop immédiat au très haut contenu mélodique. On a ça sur le (…)

  • Cloud Cult - Alchemy Creek

    On a fatalement un panthéon de groupes indés attachants. Et tout en haut figure cette formation du Minnesota. On pourrait aussi citer The Rural Alberta Advantage ou Port O’Brien au sein de cet aéropage héritier d’une époque où l’engagement total était un style en soi. Le résultat est un charme fou lié à cette intensité réelle.
    Hors mode donc mais leur inclination pro-climat, leur volonté de (…)

  • Loma - How Will I Live Without a Body

    Prendre son temps pour écrire une critique de Loma, ça tombe sous le sens tant la richesse ce troisième album nécessite un certain approfondissement. Même si on fréquente musicalement Jonathan Meiburg depuis 20 ans, découvrir un album de Shearwater ou Loma n’est jamais anodin et il faut un temps pour que toutes ses subtilités se dévoilent. Il en a été de même ici. Petit rappel des faits, Loma (…)

  • John Grant – The Art of the Lie

    Ça fait belle lurette que le style de John Grant a évolué, et on ne cherche plus depuis longtemps des traces de son fantastique Queen of Denmark. Mais on sait aussi que ce qu’on a aimé à l’époque se trouve toujours sous une forme différente. On le découvre au détour du son profond de Marbles par exemple.
    Triturer sa voix est un choix étrange quand on sait à quel point c’est un de ses atouts (…)

  • of Montreal - Lady on the Cusp

    Un jour, on devrait faire gober la discographie d’Of Montreal à une AI et voir si elle arrive à prévoir la direction de l’album suivant. A notre peu algorithmique niveau, un album plus apaisé devait succéder au nerveux Freewave Lucifer f mais en abordant la douzième critique d’un de ses albums, on sait que la prédiction est difficile. Ce qui est compliqué en fait, c’est que le climat d’un (…)