Accueil > Critiques > 2016

Tindersticks - The Waiting Room

lundi 1er février 2016, par marc


Que peut-on attendre des Tindersticks en 2016, plus de 20 ans après les avoir découverts ? Pas grand-chose en réalité, et ce n’est pas du cynisme de le dire. Même si avec le recul, on peut même dire que c’est un groupe qui a vite décidé d’évoluer, sans doute pour éviter le syndrome du « toujours pareil mais en moins bien ». A ce titre l’album précédent avait été une bien belle surprise, leur surcroît d’énergie le rendant passionnant de bout en bout. Vous l’aurez deviné, celui-ci ne se place pas dans cette filiation directe, explorant d’autres pistes qui ne seront forcément pas toutes suivies dans le futur.

Tous les titres de cet album seront accompagnés de leur court-métrage, ce qui n’est pas étonnant vu le caractère éminemment cinématique de leur musique qui a déjà habillé bien des films, à commencer par ceux de Claire Denis.

Le premier morceau est donc instrumental, et pourra servir de test à votre envie. Il faut donc être disposé mais on le sait déjà maintenant, on sait ce qu’on attend de nous quand on se lance sur un de leurs albums et l’immersion est ici progressive, continuant avec une morceau chanté mais avec une voix très triturée, donnant un air étrange à ce Second Chance Man. C’est à ce moment-là que vous saurez si vous êtes dans l’ambiance ou pas. Il n’est pas impossible que quelques-uns auront tourné les talons à ce niveau. Et ils auront tort puisque cet album a encore quelques solides choses à livrer.

La plus indéniable réussite est Were We Once Lovers ? Une basse slappée entêtante, cette rythmique légère et présente (oui, ce sont d’excellents instrumentistes), des cordes, une tension suave, c’est ce qu’on entend et ce qu’on préfère chez eux depuis leur premier revirement avec Simple Pleasure il y a déjà 17 ans.

Moins immédiat est Hey Lucinda. On a déjà entendu ce genre de duo mixte. Sur l’énervant Peanuts par exemple ou quand l’excellente Carla Torgerson des tellement sous-estimés Walkabouts se prêtait au jeu. L’émotion est évidemment grande ici puisqu’on retrouve la regrettée Lhassa. Ce dialogue enregistré il y a quelques années contient quelques beaux surgissements.

I only dance to remember/How dancing used to feel.

L’autre duo We Are Dreamers est chanté avec Jehnny Beth, de la formation Savages et dégage une belle densité. Pour le reste, il reste de la mélancolie en barres (How We Entered) dans laquelle ils excellent avec cette voix qui déclame mais aussi un peu d’ennui comme sur Help Yourself sur laquelle la voix de Stuart Staples est malmenée, sortant nettement de sa zone de confort. On approche ce que faisait un certain jazz hot des années ’60.Il ne se cantonne donc pas à son registre de droopy crooner. Mais bon, si ça mérite d’être salué, ce n’est pas ce qui donne le résultat le plus convaincant.

Les réactions prises çà et là confirment de toute façon que des choses différentes plaisent ou irritent chez eux, de telle sorte que chaque auditeur a sa propre vision fantasmée de la formation de Nottingham. Ce qui ne me passionne pas comme les instrumentaux en perte de vitesse (Fear of Emptiness) pourra ravir certains, je le sais bien. C’est une caractéristique qui leur est propre.

Après onze albums, Tindersticks est un groupe qui n’a jamais cédé aux modes et tente encore des choses, qui valorise ses acquis plutôt qu’assurer le service minimum. Ce qui nous a valu la très bonne surprise de The Something Rain et ce Waiting Room plus en demi-teinte, qui montre un vrai savoir-faire et quelques brillants surgissements. Il faudra se réhabituer à une certaine lenteur, à un savoir-faire qui privilégie le recueillement à une soul blanche classieuse qui leur va pourtant fort bien.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Tindersticks – Soft Tissue

    Il est des groupes qu’on écoute encore et pour lesquels on se demande pourquoi on s’inflige ça, déception après inintérêt. Le cas des Tindersticks est un peu différent. Si on ne peut pas prétendre avoir à chaque fois succombé aux charmes d’un album fantastique, il y avait toujours des raisons d’y revenir, de ne pas lâcher l’affaire après 30 (gasp...) années de fréquentation.
    Cet album ne (…)

  • Nick Cave and The Bad Seeds – Wild God

    La nature a horreur du vide, l’industrie musicale encore plus. C’est donc une volonté de la maison de disques de propulser le crooner crépusculaire australien au sommet, déserté par des gens comme Leonard Cohen ou David Bowie pour d’évidentes raisons de décès. Et il semble que ça marche, cette sortie est précédée d’un abondant tam-tam. Pour le reste, c’est aussi la connivence qui va jouer. (…)

  • Michele Ducci - Sive

    Un piano, une voix, voilà ce qui constitue le gros de ce premier album de l’Italien Michele Ducci. Mais il ne fait pas s’y tromper, celui qui était la moitié du groupe electro-pop M+A offre sur cette base un bel album d’une richesse réelle. Et surtout, on capte au passage quelques fort beaux morceaux.
    Notre préférence va sans doute à la simplicité de River qui frappe juste, ou alors au sol (…)

  • Beth Gibbons - Lives Outgrown

    Si après 15 années de Beak> et 5 albums, Geoff Barrow est toujours considéré comme ’le mec de Portishead’, que dire de Beth Gibbons qui s’est effacée de la vie publique depuis tant d’années ? Cette sortie a donc autant surpris qu’enchanté.
    Fort heureusement, musicalement, ce Lives Outgrown ne tente pas de souffler sur les braises du trip-hop. Et c’est intentionnel. Le résultat est donc moins (…)