Accueil > Critiques > 2016

Deerhoof - The Magic

lundi 27 juin 2016, par Mathusalem


Constat 1 : C’est amusant, chez les artistes, il y a plus d’excellents techniciens renfrognés que de virtuoses rigolos…

Constat 2 : Les gens de Deerhoof lâchent sur le marché ces jours-ci un quatorzième album.

Le quatuor de San Francisco boxant dans la catégorie des plaisantins surdoués, on se devait de griffonner un petit billet à leur sujet, histoire de vous inoculer un peu de notre enthousiasme, parce que, autant que vous le sachiez, on éprouve beaucoup de tendresse pour les fêlés talentueux qui nappent leur créativité d’une bonne louche de fantaisie.

A l’aise à la platine comme à la scène, Deerhoof est avant tout un groupe tout-terrain. Et si l’écoute de leur discographie pléthorique en enchante plus d’un, une prestation scénique du quartet californien s’apparente plus à une bourrasque facétieuse, quoique pleinement maîtrisée, qu’à une banale démonstration de virtuosité.

Bref… The Magic est sorti ce 24 juin, il a été délibérément conçu dans l’inconfort et l’urgence… Pas par manque de moyens, mais juste comme ça, pour voir… Et le résultat de ces sept jours de retraite dans un bureau désaffecté du Nouveau Mexique est vraiment bluffant, quinze pépites disparates qui explosent en tous sens, diablement hétérogènes dans leurs influences et pourtant l’assemblage demeure cohérent, régulier. Les signes ne manquent pas, ils ne changent pas non plus… Retrouver tout au long du disque la marque de fabrique du collectif agité de la Côte Ouest reste donc chose aisée… Les agencements sonores particuliers, la savoureuse Nippon Touch (Ha… La voix infantile de Satomi Matsuzaki) sont encore, en dépit de l’omniprésente atmosphère Garage (Même s’il s’agit d’un bureau de poste dans ce cas), présents à profusion.

Disposant de jolis arguments… On pense ici aux riffs bien sentis (Kafe Mania !), aux mélodies Indie un peu crades (That Ain’t No Life To Me, Dispossessor, Plastic Thrills) , au Groove moite et visqueux ( Life is Suffering, Debut), aux clins d’œil lorgnant du côté du Math-Rock (Model Behaviour, Little Hollywood), à cette manière toute particulière de concevoir une Pop décalée, légère et quasi immédiate ( Learning to Apologize Effectively, Acceptance Speech, Criminals of The Dream), à cet humour farfelu enfin, celui qui leur est si propre (L’hilarant Nurse Me), The Magic se révèle être un album varié, agréablement chaotique, lumineux et polychrome, à l’image de ces sachets de bonbons sucrés multicolores… Vous savez, ceux dont le contenu et l’emballage, tous deux de couleurs vives, font paraître la vie lumineuse et rendent fugitivement heureux, avec des goûts parfois très différents, c’est vrai, mais qu’on sent issus de la même confiserie.


Répondre à cet article

1 Message

  • Deerhoof - The Magic 5 juillet 2016 10:30, par Laurent

    Il y a des groupes qui construisent une carrière avec moins d’idées que celles qui fourmillent sur ce seul disque. Deerhoof aurait pu devenir énorme s’il avait été moins dingue... C’est chaque fois un plaisir de les retrouver, même si le plaisir n’est jamais aussi long en bouche que pour, au hasard, Liars. J’aurai vite oublié avant le suivant, mais merci pour la piqûre de rappel !

    repondre message

  • DM Stith – Fata Morgana

    Difficile de revenir après plusieurs années d’absence, surtout si on était associé à un courant qui s’est un peu éteint. C’est en effet dans la vague freak-folk, mêlant écriture et musique aérienne et organique à la fois qu’on avait placé DM Stith. Avec son pote Sufjan Stevens ou autres Grizzly Bear, il était même un des plus éminents représentants de ce style qui nous a valu bien du plaisir.
    Toujours aussi (...)

  • The National - First Two Pages of Frankenstein

    The National est sans doute le groupe qui nécessite le moins d’introduction. Parce que si on considère les critères du succès et de la pertinence artistique actuelle, c’est sans doute le plus grand groupe de rock du monde. Si on ajoute qu’Aaron Dessner s’est hissé sur le toit du monde des producteurs, que son frère jumeau Bryce réussit quelques belles musiques de film et que des projets comme LNZNDRF (...)

  • boygenius – The Record

    Sororité est sans doute le premier mot qui vient en tête à l’évocation de boygenius. Depuis ce live de KEXP où elles sont accueillies par Sheryl Waters, on a fondu pour cet incroyable trio. A priori, leur seul EP de 2018 n’appelait pas de suite mais comme c’est visiblement l’envie seule qui les guide ici, elles ont voulu prolonger l’expérience. Il faut dire que la démarche n’était pas celle d’un (...)

  • Xiu Xiu - Ignore Grief

    Si on a depuis toujours associé Xiu Xiu à la personnalité hors-normes de Jamie Stewart, on sait que la place d’Angela Seo est centrale. Le caractère de duo est maintenant encore mieux établi, la parité étant assurée au chant. Mais n’attendez pas de changement de cap, la flippante musique de Xiu Xiu garde tout son mystère.
    Cet Ignore Grief n’a pas la flamboyance electro de certains essais antérieurs. Il (...)