Accueil > Critiques > 2016

Séance de Rattrapage #48 - Little Kid, Loch Lomond, Wovenhand

samedi 15 octobre 2016, par marc


Little Kid - Flowers

Suivre ses dossiers est le meilleur moyen de trouver de la matière à écouter. Donc quand on a appris le retour de Ken Boothby et de son attachant projet Little Kid, on a su qu’il fallait s’y précipiter.

L’aspect lo-fi est vraiment assumé et colle fort bien aux compositions. Ceci dit, le misérabilisme n’est pas du tout de mise et le traitement du son et des arrangements est au cœur des préoccupations et sert ces morceaux. C’est donc cet équilibre entre volonté d’embellissement et charme indé qu’ils ont cherché et il faut le dire, trouvé.

Parce que Method Comedian est un morceau bien fichu, pas loin de la belle tristesse d’un Eliott Smith. Et si It Did Not Happen a un son bien cra-cra, ça renforce le brouillard de cette montée. En plus lâche, le traitement du son assez évanescent et trouble peut même rappeler certaines choses comme Atlas Sounds. On est donc à la marge, en s’éloignant des standards de l’écriture folk classique que pratique, disons, un Wooden Wolf. Ce qui leur permet de partir dans du drone à la fin du long Missionnary avant de revenir à de l’acoustique. On le voit, ils n’ont plus ou moins peur de rien.

Le charme opère toujours, notamment dans la lenteur mélancolique de Flowers et on se dit que ce discret groupe de l’Ontario trace au fond du Canada une route bien personnelle et attachante.

Loch Lomond - Pens From Spain

Portand en musique indé, c’est plus qu’une provenance, c’est carrément un terroir, un terreau si fertile qu’en sus des artistes qui en proviennent, certains s’y installent. Et on peut placer Loch Lomond (oui, comme le lac et le whisky du Capitaine Haddock) dans une prestigieuse lignée qui comprend leurs concitoyens de The Decemberists avec qui ils ont tourné.

De ces derniers on peut déceler des traces au détour de Violins and Tea mais ils n’en ont pas le songwriting virtuose et ironique. A la place, ce cinquième album a l’éloquence discrète, privilégie l’acoustique et n’est pas flashy pour un sou, ce qui forcera à tendre l’oreille parfois mais permet aussi à Silver Felt d’être plus immédiat. Ce sont petites choses qui importent, quand Seattle Denver Arms repart sur une belle mélodie, quand A String s’éteint en chorus de piano.

Le plus savoureux, c’est quand ils s’attaquent à l’inusable Noctural Me d’Echo and The Bunnymen. Il arrivent à en retranscrire le souffle tout en modifiant les orchestrations. Autre excellent moment, l’intriguant Listen, Lisbon aurait pu se retrouver sur le premier EP d’Arcade Fire, la fin qui redémarre incluse. On le voit , il y aura de la récompense pour l’auditeur patient et curieux.

Wovenhand - Star Treatment

Les cigognes finissent toujours par revenir, David Eugene Edwards est un chanteur intense qui confine à la douleur et Wovenhand sort un album toutes les années paires. Il est bon d’avoir des certitudes, parfois. Mais les choses changent aussi, radicalement ou peu à peu. Comme l’évolution du groupe s’est faite par touches, il faut remonter assez loin pour contempler tout le chemin parcouru en vingt ans, depuis la découverte un peu émerveillée de Sackcloth ’n’ Ashes.

La seule chose qui reste, finalement, ce sont la voix et la présence pour le moins habitées de David Eugene Edwards. On était donc partis avec The Laughing Stalk vers un rock plus sombre et dense, plus proche de formations gothiques comme Fields of The Nephilim ou encore The Killing Joke pour le son pour le moins hénaurme qui s’éloigne du folk noir des débuts.

Mais cet éloignement n’est pas définitif puisqu’au rock puissant et lancinant de Crystal Palace répond la relative légèreté de Go Ye Light. Ils n’abordent donc pas cet album entièrement le doigt dans la prise de courant puisque le presque apaisé mid-tempo de Golden Blossom rappelle leur ancienne façon plus lancinante. On les préfère quand ils jouent de l’intensité plus que de la force (Five By Five) ou repartent pour relancer The Quiver. Pour le reste, on constate que ça sent encore occasionnellement l’huile de moteur (The Hired Hand).

On reste donc dans de la musique sudiste qui a troqué le folk mystique et allumé pour quelque chose de plus musclé et moins original, leur particularité restant l’engagement hanté de David Eugene Edwards.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Ella Ronen – The Girl With No Skin

    Fuck Cute/I’m Tired of Cute/Cute has never served me
    Il ne faut pas se laisser tromper par la délicatesse d’Ella Ronen. Si on est séduit d’emblée par les plaisirs doux qui ne sont pas sans rappeler ceux de Marie Modiano (référence ancienne on en convient...), la jolie voix propose une écriture plus profonde, sans doute parce qu’elle repose sur un substrat qui a son content de drames.
    Une des (...)

  • Tomasso Varisco – These Gloves

    Les amis de nos amis (même récents) deviennent bien vite nos amis. En découvrant Stella Burns il y a peu, on ne savait pas que d’autres artistes se cachaient derrière comme Tommaso Varisco auquel Stella Burns prête ici main forte. Si ceci est moins marqué par l’americana mais c’est évidemment ce genre de terreau qui l’inspire. On est donc invités dans un road trip. Mais pas sur la route 66, ce périple (...)

  • Stella Burns - Long Walks in the Dark

    L’influence culturelle des Etats-Unis est telle que même les plus endémiques de ses expressions sont reprises partout dans le monde. Le cas de l’Americana est assez typique, on en retrouve des partisans tout autour du globe et c’est d’Italie que provient celui-ci, nommé Gianluca Maria Sorace mais officiant sous le nom de Stella Burns.
    Sa voix est belle et claire et reçoit aussi le renfort de Mick (...)

  • Harp - Albion

    Si le nom de Harp n’a jamais été évoqué ici, on connait bien l’instigateur de ce projet qui n’est autre que Tim Smith. Lui qui fut jusqu’au sublime The Courage of Others chanteur de Midlake a en effet quitté le groupe de Denton, Texas depuis belle lurette pour se lancer sur un autre chemin, accompagné de son épouse.
    Cette division cellulaire est un peu semblable à celle de Menomena qui a continué sa (...)