Accueil > Critiques > 2017

The XX - I See You

lundi 30 janvier 2017, par marc


The XX n’est pas un groupe dont le succès aurait pu être anticipé. Certes, il a toujours produit des albums très personnels et ils ont réussi à survivre à un premier album brillant, mais on s’était tellement habitués à la relative confidentialité de ce qui nous touche que le succès est l’exception (Arcade Fire, The National, Beirut…). Et est toujours réconfortant. Plus fort encore, leur musique a été utilisée dans tellement de contextes (publicitaires, films et séries) qu’ils semblent définir partiellement le son de notre époque.

On sentait que l’évolution allait venir. Elle n’était peut-être pas perceptible sur Coexist mais en entendant le très bon In Colour de Jamie XX en 2015, on a senti qu’il viendrait polliniser les productions de son groupe de base. Certes, il aurait pu garder ces deux expériences séparées mais il a logiquement préféré jouer l’intégration. Cet I See You se présente donc comme le chaînon manquant entre Coexist et In Colour.

Ce sont en effet des cuivres et un beat qui nous accueillent sur Dangerous. Les voix restent le marqueur majeur de leur son et ce sont elles qui permettent de faire le lien avec le reste de leur discographie. Elles sont toujours chaleureuses et languides d’ailleurs, mais ne dominent plus les débats comme avant, notamment parce qu’elles sont inclues dans des morceaux nettement moins infusés de sons froids.

Mais cette langueur peut aussi se faire moins touchante (Say Something Loving). L’émotion est affaire personnelle, et on aimait tellement que leur minimalisme nous touche qu’on trouve l’écoute de cet album moins gratifiante. Ou plutôt, le plaisir est plus intellectuel, plus basé sur la démarche que le résultat. Ce qui fait qu’on apprécie la cohérence de l’ensemble, mais on est amenés à chercher au détour de chaque morceau les motifs de s’enflammer.

Ils sont encore là à petite doses fort heureusement comme sur la fin instrumentale de Test Me. Avant, les montées se faisaient en facteur sur des lignes de guitares froides, elles s’envisagent maintenant avec des beats sur A Violent Noise ou sur un break de batterie (Brave For You). Tout reste plaisant, leur ton triste n’était jamais trop élégiaque et dispensant un peu de moments plus relevés au sein du morceau (Replica). Leur nouvelle façon garde cependant les arpèges tristounes (Brave For You), qu’ils peuvent dans leurs meilleurs moments mêler de violon cassé (Performance). La voix de Romy Madley Croft s’y révélant plus touchante que quand elle se veut languide. On même droit à des harmonies vocales sur Lips auxquelles on n’était pas habitués.

Et c’est une des choses les plus positives dans leur métamorphose. Tout comme le plus relevé On Hold qui est ce qu’il y a de plus immédiatement plaisant et a logiquement été choisi comme single annonciateur. Il comporte un bon vieux sample de Hall & Oates et ce sera le seul alors que l’album de Jamie XX en était truffé.

En évoluant de façon sensible, The XX déplace aussi son centre de gravité et le fragile et miraculeux équilibre qu’ils atteignaient. Le résultat nous touche moins, tout en confirmant un virage réussi. La retenue n’est plus ce qui séduit maintenant, et il faut aller dans le détail des morceaux pour trouver des raisons de s’enthousiasmer, tout en appréciant l’ensemble. Tout semblait en place pour une chute artistique fort longue pour The XX. On a vu tellement de groupes ne jamais se remettre d’un premier album parfait et cherchant la sortie pendant plusieurs années (Bloc Party ou Foalsavec des fins plus ou moins heureuses) qu’on est finalement contents de voir que leur évolution ne les éloigne pas trop de nous. Certes, on ne fera pas semblant d’avoir autant vibré que par le passé mais la certitude de les voir rester pertinents compense le manque d’émotions ressenti.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Smile - Wall of Eyes

    Même en 2042 et après avoir sorti 13 albums réussis, The Smile restera ’le groupe des deux types de Radiohead’. C’est comme ça, le groupe d’Oxford est trop ancré dans la culture pop pour passer au second plan de quoi que ce soit. Mais cette encombrante et inévitable figure tutélaire ne doit pas oblitérer les qualités indéniables de The Smile. Les deux protagonistes, flanqués du batteur Tom Skinner au (...)

  • PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying

    C’est un phénomène que j’ai du mal à m’expliquer. Il m’est difficile voire impossible de me plonger dans des œuvres récentes d’artistes que j’ai beaucoup aimés il y a longtemps. Si dans certains cas c’est la qualité de leurs albums qui est l’explication la plus facile (Muse, The Killers, Foals...), c’est plus mystérieux en ce qui concerne Radiohead, Nick Cave ou PJ Harvey.
    Il faut dire aussi qu’elle a pris (...)

  • Ralfe Band - Achilles Was A Hound Dog

    Outre un flair hors-normes pour dégotter des talents très actuels (Nadine Khouri, Raoul Vignal, Emily Jane White...), Talitres a aussi le chic de remettre en selle des formations culte. A l’instar de Flotation Toy Warning ou The Apartments, Ralfe Band était passé sous nos radars et c’est le label bordelais qui nous le signale.
    Et il fait bien. Si les albums précédents du groupe d’Oly Ralfe datent (...)

  • The Veils – ...And Out of the Void Came Love

    The Veils est ancré à l’histoire de ce site puisqu’à peu de choses près ils avaient constitué un de nos premiers coups de cœur, en 2004. On avait évidemment suivi toute leur discographie, noté qu’ils étaient absents depuis un petit temps mais il faut être honnête, on avait un peu oublié l’album solo de Finn Andrews. En une heure et quinze morceaux, un des albums de l’année fait le tour du propriétaire et des (...)

  • Sarah Mary Chadwick - Messages To God

    Dans une ère où toutes les émotions sont passées sous l’éteignoir d’une production qui lisse, il est plaisant de rencontrer des voix (forcément) discordantes comme celle de la Néo-Zélandaise Sarah Mary Chadwick sur son huitième album solo. On se frotte d’emblée à ce ton naturaliste et direct qui n’est pas sans rappeler Frida Hÿvonen. Frontal donc, d’une sincérité qui peut aller jusqu’au malaise. La dernière (...)

  • Anohni and the Jonsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

    Une limitation connue de la critique est qu’elle intervient à un temps donné, dans un contexte. Or on sait que les avis ne sont jamais constants dans le temps. Ainsi si I am a Bird Now a beaucoup plu à l’époque, on le tient maintenant comme un des meilleurs albums de tous les temps, tous genres et époques confondus. Cette proximité crée aussi une attente quand que les Jonsons sont de nouveau de la (...)

  • Jungstötter - Air

    Quand on a découvert Jungstötter, c’était presque trop beau pour être vrai. En se situant aux confluents de tant de choses qu’on aimait comme Patrick Wolf ou Soap&Skin (dont il a assuré les premières parties) ou Anohni, il a délivré avec Love Is un de nos albums préférés de ces dernières années. C’était aussi l’occasion de retrouver des collaborateurs talentueux comme P.A. Hülsenbeck qui d’ailleurs est (...)

  • Lana Del Rey - Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd (...)

    Généreuse dans l’effort, Lana Del Rey l’est certainement, et il faut l’être pour livrer aussi régulièrement des albums aussi consistants. Surtout s’ils sont entrecoupés de recueils de poésie. Maintenant, on peut s’affranchir d’un rappel des faits précédents. On remontera juste jusqu’au formidable Noman Fucking Rockwell ! pour signaler qu’il y a eu deux albums jumeaux en 2021 qui l’ont vu à la fois revenir à (...)