vendredi 28 juillet 2017, par
Métaphore sylvestre
Somme toute, le petit monde de la musique, c’est un peu comme le petit monde de la forêt… Et si la métaphore semble de prime abord improbable elle mérite toutefois qu’on s’y attarde un peu.
Car finalement quelque soit le monde qu’on choisisse, on peut soit y suivre les grandes allées rectilignes bordées de frondaisons si moroses d’être tant ordonnées, soit en enjamber promptement les bermes et explorer, découvrir… au risque de se perdre dans les ronces.
Ici, ce qu’on préfère, c’est justement fuir autant que faire se peut les sentiers battus et fureter, observer et surtout ressentir la présence à la fois grouillante et discrète de la petite faune, celle qui butine de branche en branche, celle qui grouille à l’abri des regards frustres de ceux qui n’ont pour habitude que d’arpenter béatement les chemins balisés, celle enfin, flamboyante et furtive, qui délivre, pour peu qu’on s’y intéresse, cette impression de foisonnement enthousiaste, de brève harmonie perpétuellement renouvelée, jusqu’à ce qu’on en transcende sa propre solitude et qu’on ressente ce sentiment de fusion, de connivence, d’appartenance à un immense ensemble, entouré d’une chatoyante infinitude bourdonnante. Loin, bien loin des … « Autres ».
Cela dit, Froth n’a absolument rien de forestier, ce collectif californien a suscité cette bête analogie sylvicole uniquement grâce ou à cause de son butinage acharné, ces gens ont picoré à qui mieux mieux là où il était possible de le faire, aux quatre coins de la sphère musicale alternative (Si tant est bien sur qu’une sphère puisse posséder des coins).
D’abord, il y a cette pochette, sobre, à la géométrie épurée, surgie d’un carton à dessin imaginaire qu’on aurait trouvé à Manchester, époque Factory, celle où Peter Saville y allait de son empreinte graphique minimaliste. Avant l’écoute, on n’imaginerait même pas qu’elle puisse habiller autre chose qu’un disque d’Art Rock, de Post Punk, ou à la rigueur d’un LP d’Electro élitiste.
Ensuite il y a Froth, le fameux quartet de Los Angeles, celui par qui Outside (Briefly), l’album qui est dedans, est arrivé. Après tout, le sujet de l’article, c’était ça en fait En commençant par énoncer des noms de grosses pointures comme My Bloody Valentine, Slowdive, Can, Lush, pour terminer par quelques seconds couteaux comme Ulrika Spacek, Spoon, Fugiya & Miyagi, DIIV … On peut affirmer en toute décontraction qu’en matière d’influences, la bande à Joo Joo Ashworth a ratissé large.
On aurait pu craindre qu’il ait fallu pour sceller l’ensemble user d’une surproduction grandiloquente à la Temples afin d’engluer les divers assemblages dans un semblant de cohérence, on dirait pourtant bien que l’homogénéité si attachante de ce disque ait été acquise via une démarche radicalement opposée privilégiant plutôt les sonorités à la fois basiques et sobres, rugueuses et fluides… Démarche issue vraisemblablement d’une volonté du collectif… mais aussi d’une probable "modestie" budgétaire.
Vu sous un angle littéraire, on pourrait aussi expliquer l’apparente cohésion de l’ensemble par le fait que le groupe s’est dit très influencé durant l’échafaudage du projet Outside (Briefly), par les textes de Richard Brautigan (Un écrivain Hippie) et de Haruki Murakami (Un célèbre auteur japonais ).
Cela dit, on pense bien que ce dernier paramètre soit nettement moins pertinent pour nous, les francophones, notoirement connus comme souffrants d’indolence dès qu’il s’agit de s’attaquer à une traduction.
OK, Froth n’est pas un groupe majeur qui bouleversera les codes de la Pop Music pour les siècles à venir, à l’image du bestiaire lilliputien évoqué plus haut, Outside (Briefly) sera une émotion brève, mais c’est justement son immédiateté qui est touchante.
On vous le répète, ici on a un faible pour les petites entités qui butinent de ci de là et qui participent à rendre la vie moins moche… Parce qu’elles sont belles ces choses éphémères et puis surtout parce qu’elles perpétuent une certaine idée de la vivacité musicale en virevoltant sans relâche autour de la fade inertie des valeurs sures, celles qu’on voit lorsqu’on se contente d’arpenter béatement les chemins balisés.