jeudi 21 septembre 2017, par
S’il y a une chose qu’on ne pourra jamais reprocher à James Murphy, c’est de pratiquer la langue de bois. On n’a donc été qu’à moitié surpris qu’il lâche que la séparation de LCD Soundsystem a surtout servi à vendre des tickets pour la dernière tournée. Dans un monde ou Charles Aznavour doit en être à sa 18ème tournée d’adieu, il serait malvenu de condamner celui qui dit tout haut ce qu’on sait déjà. De plus, ils nous avaient laissé sur un This Is Happening qui n’était pas leur somment, ce qui laissait un tout petit goût d’inachevé.
Aucun cynisme cependant pour ce retour, cet album est marqué au sceau de la sincérité et on y retrouve logiquement quelques obsessions de sa tête pensante James Murphy. Il parle donc de l’âge (You’re getting older/I promise you his/You’re getting older sur le très vintage Tonite), ce qui n’est pas nouveau si on se souvient d’All My Friends, de son obsession de la geekitude musicale, de la collision d’idéaux punk et de vraie vie, celle qu’on retrouvait déjà sur son premier haut fait I’m Loosing My Edge. Ce qui reste aussi cohérent avec sa formule qui définit son groupe comme étant ‘a band about a band writing music about writing music’ (ce qui est paradoxalement assez proche de la réalité).
Cette connaissance musicale prend la forme de références au Bowie glam’ sur Call The Police, y compris les guitares à la Robert Fripp sur Other Voices ou Change yr Mind. Emotional Haircut reprend quant à lui sa marotte Kraut avec en sus un chaos sonore qui n’aurait pas déplu au Joy Division des débuts. Une référence qu’il chérit on le sait, lui qui les avait déjà repris le temps d’un petit EP partagé avec Arcade Fire.
Un parallèle peut être tenté avec le dernier album de ces derniers. Les formations se connaissent et s’apprécient, Murphy étant même partiellement aux manettes de Reflektor. On retrouve ici une même ambition, la même volonté de puissance carrée. Et finalement, c’est la formation canadienne qui donne l’impression de chasser sur les terres de LCD Soundsystem. Et de rentrer bredouilles parce que contrairement à ce qu’on entend ici (notamment sur I Used To), ils n’arrivent plus à susciter l’émotion par la puissance. On y croit plus, on se laisse aller à la confession plus qu’aux slogans (How do You Sleep en long morceau épique).
On retrouve donc sur cet album toutes les recettes qu’on a tant aimé, comme sortant de leur grimoire. Ils ont même exhumé la cowbell sur Other Voices. L’histoire ne dit pas si c’est la même que sur les autres albums (et le brillant premier album de The Rapture) ni ne confirme que c’est bien la voix de Nancy Whang sur Other Voices ? Ils ont donc une formule qui marche, déclinée avec compétence.
Il ose aussi ralentir le tempo, notamment sur le très long Black Screen final. Non, il ne tente plus de se faire passer pour un chanteur comme sur New-York I Love You But You’re Letting Me Down, la plage titulaire étant ce qui s’en approche le plus et sur la longueur de cet album, elle apporte une petite touche de variété. D’une manière générale, sa façon de chanter (ou de ne pas le faire, en fait) assez en ligne avec celle de son idole Mark E. Smith (The Fall)
La longueur est aussi une marque de fabrique mais est à double tranchant évidemment, puisque d’un côté on peut avoir le délire de Yeah (Crass Version) qui arrive parfaitement à maintenir la combustion, mais on peut aussi avoir un morceau tout simplement interminable. Disons que contrairement à This is Happening, les plus longs morceaux sont ici les plus saignants. Parfois évidemment, c’est trop long, mais sur leurs meilleurs moments, cet étalement est une force comme sur I Used To qui fait mouche en étalant ses guitares acides.
La musique est une sensation, et c’est une des nombreuses raisons qui font que la critique objective est un oxymore, un graal pour trolls en manque d’arguments. On n’essaiera donc de ne pas trop soumettre à l’analyse ce qui a beaucoup de chances d’y échapper. Agréable en fait parce qu’on n’en attend pas quelque chose du niveau de Sound of Silver, cet album du retour est solide et mise avec raison sur les qualités indéniables du groupe.
On a fatalement un panthéon de groupes indés attachants. Et tout en haut figure cette formation du Minnesota. On pourrait aussi citer The Rural Alberta Advantage ou Port O’Brien au sein de cet aéropage héritier d’une époque où l’engagement total était un style en soi. Le résultat est un charme fou lié à cette intensité réelle.
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