Accueil > Critiques > 2019

Swans - Leaving Meaning

vendredi 24 janvier 2020, par marc


Il y a tellement de groupes cultes qu’il est compliqué, voire impossible de se frotter à tous. C’est moche mais c’est comme ça. J’ai fini par trouver la porte d’entrée des Swans en me plongeant tête baissée dans leur copieuse discographie et bien honnêtement, si vous êtes tentés par l’expérience, il faut prendre son temps tant les écarts de style sont parfois grands. Cette découverte avait été entérinée par un concert impressionnant.

Michael Gira avait évoqué la fin d’un cycle pour The Glowing Man, à un tel point qu’on avait pensé à une nouvelle dissolution de la formation. Il n’en est heureusement rien et ce n’était finalement qu’une énième variation de line-up. Il a donc retrouvé nombre de ses anciens collaborateurs, notamment de sa formation Angels of Light plus d’autres comme Anna Von Hausswolf qui assure les choeurs avec sa soeur Maria ou Ben Frost (notamment auteur de la formidable bande-son de la série Dark).

Musicalement aussi, on note un changement. Ils ne se mettent pas à la disco à paillettes pour autant vous vous en doutez mais on ne retrouvera pas par exemple de morceau d’une demi-heure. Certes, il reste de longues plages répétitives comme Leaving Meaning mais elle est aérée par un piano, pour un morceau qui reste acoustique. On imagine Nick Cave dans le registre d’un Annaline plus apaisé.

Hanging Man est plus lancinant mais avec une lourdeur moindre que par le passé. Enfin, sur dix minutes, il a largement le temps de faire monter la pression, voire de la libérer par moments. Gira est évidemment souverain pour moduler sa déclamation, pour osciller entre transe chamanique et imprécation. Mais l’exercice se révèle un peu moins impressionnant (moins exigeant, aussi) que sur les moments équivalents de The Glowing Man. Sunfucker peut ainsi virer en son milieu après un début mêlant répétition, des choeurs et plus d’allant.

Le ton d’Amnesia nous ramène à des musiques comme Current 93. Ne vous laissez donc pas tromper par les arpèges acoustiques, il y a des surprises au détour du morceau. Comme David Tibet ou Jamie Stewart, Gira n’est pas un garçon vraiment apaisé au final.

Cette relative accessibilité montre sans doute aussi un peu les limites du style et rend paradoxalement plus compliqué de l’avaler d’une traite puisque l’attention n’est plus captée en permanence. On ne note par exemple que peu d’enjeu sur Cathedrals Of Heaven et l’enchaînement de morceaux de plus de dix minutes sur trois ou quatre accords ad lib est rendue moins gratifiante sans la terrifiante lourdeur. Mais les grands moments sont là, sur le lancinant et efficace Some New Things ou le mélodique et enlevé What Is This relevé de cordes. Leurs textures sonores restent d’ailleurs riches mais jamais trop chargées malgré le casting pléthorique.

Un tigre qui n’est pas effrayant, c’est un gros chat. C’est un bien bel animal, mais qui n’a pas l’aura de son cousin sauvage. Moins impressionnant, moins exigeant aussi, ce Leaving Meaning mettait pourtant beaucoup de chances de son côté pour servir de porte d’entrée à la monumentale discographie de Michael Gira. N’allez pas en déduire que c’est pop et enjoué pour autant, il s’est entouré d’une belle équipe de spécialistes et d’habitués. Mais sachez aussi que le pouvoir de fascination est moins élevé, comme si la lourdeur un peu imposante était nécessaire pour que le style fonctionne.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Cross Record – Crush Me

    Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)

  • Youth Lagoon - Rarely Do I Dream

    Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)

  • Sharon Van Etten - Sharon Van Etten & The Attachment Theory

    Il y a des artistes qu’on côtoie depuis très longtemps, dont l’excellence semble tellement aller de soi qu’on est surpris qu’ils arrivent à se surpasser. On la savait sociétaire d’un genre en soi dont d’autres membres seraient Angel Olsen ou Emily Jane White, voire Bat For Lashes. De fortes personnalités à n’en pas douter. Mais sur cet album, le ton est bien plus rentre-dedans que chez ses (…)

  • The National - Rome

    On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)