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Owen Pallett - Islands

mardi 9 juin 2020, par marc


Si on est sans nouvelles du Canadien Owen Pallett pendant un petit temps, on ne s’inquiète jamais pour lui. Parce que si sa carrière solo n’est pas excessivement prolifique, on le sait très occupé, sachant qu’il est un des arrangeurs les plus courus de la planète. En support d’artistes du même monde (Arcade Fire dont il est un membre occasionnel, Grizzly Bear, Picastro, le meilleur Beirut) ou très éloigné, de Fucked Up à Taylor Swift, de Pet Shop Boys à Linkin Park. D’ailleurs, la sortie surprise de cet album coïncide avec celle de la musique du film Spaceship Earth qu’il signe aussi et montre l’étendue de son talent. C’est plus classique certes, mais pas moins parfait.

Et en homme sûr de son talent et s’adressant a priori à un public conquis, il sait qu’il peut se permettre de ne pas commencer avec fracas et tempête. Il installe donc l’ambiance patiemment, avec un art consommé du séquencement. On le connaît en violoniste de talent, il entame les choses sérieuses par un guitare/voix et c’est renversant. Parce que c’est un chanteur de tout premier plan et que la discrétion de ces morceaux en picking séduit immédiatement. Encore une fois, ce n’est pas spectaculaire a priori, c’est juste une facette de ce qui est en train de monter, presque insidieusement.

C’est à partir de Parangon of Order qu’il commence à jouer avec les textures sonores, toujours à base de sons organiques. Et c’est le London Contemporary Orchesta qui est à la manoeuvre, excusez du peu. On sait qu’il est sans doute un des meilleurs arrangeurs pour cordes qui soient, tous genres confondus. Si on s’amuse à tendre l’oreille, ce qu’il fait sur Perseverance Of The Saints est incroyable. Les changements sont presque imperceptibles pourtant on sent ce morceau évoluer, prendre de l’épaisseur et nous envelopper. A ce stade, ce n’est plus de l’arrangement, c’est de la mise en scène.

Islands est une fusée à étages clairement identifiés par des interludes instrumentaux aux noms graphiques qui dessinent des séparations dans la liste de titres mais peuvent servir de rampe de lancement ou être irrésistibles en tant que pièce individuelle. Il y en avait déjà sur In Conflict, le curseur est poussé plus loin ici. On notera en clin-d’oeil la suite des aventures de Lewis. Avec un morceau moins up-tempo mais qui se termine par un chorus foisonnant.

La lenteur de cet album est certes une source de plaisir mais elle conditionnera aussi les conditions d’écoute. Ce n’est pas un album à dégainer n’importe quand. A ce titre la présence d’un morceau aussi emballant et up-tempo apparaîtra comme une marque de la lenteur du reste ou alors une incongruité. Mais on ne boudera pas son plaisir sur A Bloody Morning, digne successeur de morceaux hallucinants et qu’il plante systématiquement au moins une fois par album. Le genre de chose qu’on retiendra de cette année, qu’on n’aura pas usé dans dix ans tout comme on n’a pas encore fait le tour de This Is The Dream of Win and Regine, This Lamb Sells Condos ou The Riverbed. S’il n’y a aucune scorie et que l’impression d’ensemble dégage une belle cohérence, il y a quelques soubresauts qui resteront plus en mémoire comme ce Fire-Mare soutenu par des arpèges entêtants, avec ses cordes qui n’appartiennent qu’à lui et ce chant élégant et intime à la fois est évidemment de la partie. C’est un morceau d’Owen Pallett quoi...

On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu. Et si la lenteur initiale déroute de prime abord pour un album pop (dans l’acception large et noble du terme), une écoute plus attentive confirme point par point l’étendue du talent d’Owen Pallett, Grand chanteur, enlumineur de classe mondiale qui peut au choix rehausser ou structurer un morceau, il peut même se permettre de céder son violon et prendre la guitare sans perdre une once de son intérêt. Si ce n’est pas une surprise, après un peu de temps le doute n’est plus permis, il a encore commis une oeuvre majeure.

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