Accueil > Critiques > 2021

Joseph d’Anvers - Doppelgänger

vendredi 26 février 2021, par marc


Un doppelgänger est une apparition ou un double d’une personne vivante. Le titre du dernier Joseph d’Anvers est donc un peu trompeur tant on retrouve la quintessence de ce qu’on peut attendre de lui. Même si on n’a pas encore lu ses livres (ce qui est un tort au vu des échos positifs), on est maintenant suffisamment familiers de sa discographie pour attendre son retour avec plus que de la curiosité.

Son style a forcément beaucoup évolué en quinze ans, est passé par plusieurs phases mais si on ne peut pas savoir si ceci est une forme qu’on retrouvera par la suite, il a gagné en consistance et cohérence, Doppelgänger se conçoit comme un bloc, comme une carte de visite solide d’un des artistes les plus attachants de la scène française. D’accord, ce vinyle est un bel objet mais c’est sur son contenu qu’on va s’attarder. Et le beat nous prend d’emblée, annonçant un virage synthétique totalement assumé et réussi comme on va le voir. Ce n’est pas un album de synthpop pour autant mais il y a des claviers qui viennent soutenir une belle ampleur qui tient tout au long de ce généreux cinquième album.

Dans sa collection de disques, on ne serait pas étonné de trouver quelques albums de The Cure. Les sons de guitare d’Esterel (single évident) et d’autres y renvoient. Et comme le chant et l’ambiance générale des morceaux sont sensiblement différents, la comparaison frontale est impossible et c’est très bien comme ça. Mais on parle de cohérence, pas d’uniformité. Le pan plus synthétique (Personne ne Gagne) permet à certains morceaux de véritablement claquer (Un Homme, implacable) ou de livrer des parties instrumentales à haute densité (Comme Ils Dansent). Mais ce n’est qu’un album clinquant, il s’en sort très bien avec simplicité sur Les Combattants ou Je Viens d’Ailleurs. Le chant reste en avant, on est dans de la chanson française après tout, même si les tendances traditionnelles ne sont pas de mise ici. On est plus dans la lignée du (un peu hors-concours il est vrai) dernier Biolay que d’une nostalgie de Saint-Germain.

Cet album est donc ambitieux. Par sa forme, sa taille. Evidemment, les 17 titres ne sont pas tous des chansons, il y a des transitions qu’il a lui-même écrites (il est écrivain ne l’oublions pas). Mais il s’aborde comme un album cohérent qui reprend logiquement beaucoup de ce qu’on connaît de lui. A commencer par un amour du cinéma qui sourd de presque tous les morceaux et s’impose dès sa pochette au lettrage de sous-titres et aux ambiances de films noirs.

Les filles y sont forcément fatales ou perdues (ou les deux à la fois comme Baby Doll), les hommes aussi d’ailleurs. Et puis il reste sans doute le seul qui parle de palaces (Will Oldham ça ne compte pas…), de vies d’oisifs pas si enviables, avec un morceau comme Les Palaces qui ramènent à d’anciennes belles choses comme Les Amours Clandestines. On retrouve le thème des amours adolescentes sur Comme Ils Dansent qui pourrait se présenter comme une vision plus personnelle de Dimanche Soir Sur La Terre. Présente également, la fixette comme Los Angeles sur une des chansons les plus immédiates de l’album. Mais comme on le suit depuis longtemps, ces références sont des marqueurs de notre attachement.

Quinze ans après ses débuts, on ne peut plus rechercher le charme des premières fois chez le Nivernais. Il l’a bien compris en se donnant les moyens de sa politique sur un album ambitieux et abouti. Si les pépites de l’époque sont indéniables, ceci est plus constant, plus solide, sans moment faible et constitue sa nouvelle carte de visite.

Pour le plaisir, une évocation de concert ici

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

9 Messages

  • Joseph d’Anvers - Doppelgänger 26 février 2021 08:51, par Laurent

    Ahaaa, j’attendais ton avis sur cet (excellent) album ! Son meilleur, et de très loin ! J’ai toujours suivi le Joske d’une oreille intéressée mais un brin distante, comme sa musique qui manquait parfois de chaleur, ou peut-être de densité. Là, on sent qu’il s’est en effet donné les moyens de ses ambitions, c’est vraiment remarquable. Plus one sur le rapprochement avec "Grand Prix".

    Le seul à parler des palaces ? Et Brigitte Fontaine, c’est le pape et j’attends ma sœur ? :-) Je pense aussi à Palaces of Montezuma de Nick Cave, dont j’écoute en ce moment le "Carnage" surprise. Coïncidence ? Tout est lié. Encore un coup des illuminati.

    Bref. Encore une belle année en perspective pour la chanson francophone, et une croix de cochée pour les classements de décembre.

    repondre message

    • Joseph d’Anvers - Doppelgänger 26 février 2021 17:17, par Marc

      Il est évidemment un peu tôt pour les classements de fin d’année mais il y sera certainement. J’ai apprécié tous ses albums pour des raisons différentes mais il a indéniablement haussé le niveau !

      Brigitte Fontaine... Peux pas, au-delà de mes forces... Je pense qu’on parle de palaces chez Gainsbourg aussi, je vais tenter de me rappeler où...

      Bon weekend dites, il y a un chouette Julien Baker

      repondre message

  • Muet – En Altitude (EP)

    Après un EP prometteuret un album remarqué, Muet prend l’air. Comme Kwoonou Andrew Bird, ils ont choisi de sortir du studio pour enregistrer un nouvel EP. Pas de révolution en vue pour Colin Vincent (Volin) et Maxime Rouayroux, le spectre de Thom Yorke plane toujours sur cette formation. Il y a des comparaisons plus infâmantes convenons-en. Le chant particulier et les sons travaillés (…)

  • Clara Luciani – Mon Sang

    Clara Luciani fait de la variété. C’est une simple assertion qu’il est nécessaire de rappeler. Parce qu’on parle d’un des cadors du genre, voire de la reine incontestée en francophonie. C’est le prisme au travers duquel il conviendra d’apprécier son troisième album. Si son passé en tant que membre de La Femme ou son premier album solo la destinaient à une chanson française plus indé, elle a (…)

  • Minuit Soleil – La Promesse

    Si on ne craignait pas autant les poncifs, on parlerait de ‘belle proposition de chanson française’ pour le sextette emmené par Roxane Terramorsi et Nicolas Gardel. Et on serait un peu convenus, certes, mais aussi dans le vrai. Parce que ce qu’on entend sur ce premier album, on ne l’a entendu comme ça chez personne d’autre.
    Ou alors pas en francophonie (il y a des morceaux en anglais ici (…)

  • Dominique A – Quelques Lumières

    On connait pourtant bien la discographie de Dominique A. On l’a vu en concert en salle, en plein air, en festival, tout seul, en trio, en quatuor, avec une section d’instruments à vent, délicat ou très bruyant, acoustique ou post-rock. On sait qu’il peut tout tenter et tout, Donc une relecture avec orchestre ou plus intimiste, pourquoi pas ?
    La réponse cingle après quelques secondes, avec la (…)