vendredi 29 octobre 2021, par
Les albums de Lana del Rey se succèdent à une telle vitesse qu’il n’est plus vraiment nécessaire de replanter le décor. Il ne s’est écoulé que sept mois depuis le précédent. Ce rythme de publication permet d’essayer des choses. Evidemment, le risque de dispersion est réel mais on ne doit rien déplorer dans ce secteur non plus. Notons aussi qu’un bon tiers de ces morceaux ont été composés il y a quelques années.
Cette fois-ci elle s’est non seulement libérée des concerts qui ne sont pas son mode d’expression favori mais elle s’est aussi effacée des réseaux sociaux. Quand on sait à quel point le moindre de ses gestes ou paroles est sujet à buzz et polémiques, c’est une décision non seulement respectable mais probablement salutaire. En 2021, prendre congé des réseaux sociaux est l’équivalent de la retraite bouddhiste du siècle précédent.
And if this is the end, I want a boyfriend/Someone to eat ice cream with and watch television/Or walk home from the mall with/’Cause what I really meant is when I’m being honest/I’m tired of this shit.
Sa voix reste la même, mais elle pousse parfois plus dans un registre aigu, ce qui l’éloigne du cliché de la chanteuse triste qu’on imagine avec un porte-cigarette aux lèvres. C’est donc plus frontal, ne bénéficie plus de la même distanciation
Elle avait ajouté un peu d’air sur Chemtrails over the Country Club et ces essais n’ont pas été renouvelés, privilégiant ici les hautes fréquences (Sweet Carolina). Elle se lâche bien plus sur Dealer (laissant le soin à Miles Kane de rester dans les clous) ou joue même à l’harmonica vocal sur Living Legend et si c’est sans doute salutaire, ce n’est pas là que son organe se révèle le plus convaincant.
Deux fois quatre syllabes modulées sur le refrain d’Arcadia et c’est tout ce qu’il faut pour nous retourner bien proprement. On retrouvait ce genre de moments à foison sur NFR !, moins ici. Et c’est sans doute ce qui rend cet album moins puissant que ce qui reste un chef-d’œuvre de ces dernières années. Mais on cherchera aussi vainement des moments faibles ici. Evidemment le niveau mélodique est plusieurs coudées au-dessus de la production habituelle (If You Lie Down With Me). Sans doute que Living Legend n’a pas le charisme d’un classique mais c’est impeccable d’accessibilité et de fluidité.
Dans les moments un peu différents, on a droit à un peu de cuivres de western forcément hors-d’âge (Le Bon La Brute et Le Truand en fait) mais un gros drop vient bouleverser ce qu’on croyait acquis sur Interlude. Mais c’est à peu près la seule indication de l’année de sortie de l’album, de facture assez classique. Pas ancienne, non, mais d’une simplicité qui devrait lui permettre de ne pas vieillir trop vite. On retrouve cette simplicité de Beautiful et on constate d’une manière générale que la luxuriance est discrète. Un piano, c’est tout ce qu’il y a sur Cherry Blossom ou la plage titulaire. Tout comme chez sa contemporaine et concitoyenne Billie Eilish c’est tout autant la voix que la place qu’elle prend dans la production qui frappe.
Lana Del Rey est une des artistes majeures de notre époque. Jamais on n’aurait imaginé écrire ça en 2012. La surproductive New-Yorkaise installée sur la côte ouest profite de son recul pour essayer des choses, notamment vocalement, pour faire évoluer par touche un style déjà bien affirmé et pousser toujours plus loin son introspection qui est aussi un regard sur l’Amérique.
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