mercredi 9 novembre 2022, par
C’est souvent la réédition d’albums que l’on croyait moins vieux qui nous fait prendre conscience du temps qui passe. Mais pour célébrer les 20 ans de la sortie de son premier album, Vincent Delerm ne s’est pas contenté d’une édition augmentée d’inédits mais d’un petit paquet comprenant un livre et des goodies (du brol en bon belge), un album de versions instrumentales et un long album de documents sonores. Ce sont ces derniers dont on va parler ici avant d’évoquer un concert récent à Bozar.
On pourrait définir ce copieux (plus de 73 minutes) album par ce qu’il n’est pas complètement. Ce n’est donc pas une somme d’archives sonores, pas vraiment une compilation d’inédits pas plus qu’un best-of. Mais c’est un peu tout ça aussi. L’agencement est chronologique, ce qui est une belle occasion de se replonger dans des morceaux qui nous accompagnent parfois depuis deux décennies.
On retrouve donc des morceaux qui trouvent une forme finale ou qui évoquent un temps passé. Le très touchant Avec Jeanne évoque ses débuts communs avec Jeanne Cherhal d’un mois passé à L’Européen et l’amitié durable qui dure toujours. L’Attrape-Cœurs est une chanson sur le fait d’être chanteur et ces deux morceaux-là seront les têtes de gondole, ceux qui ont le niveau de ce qu’on connait déjà. Le reste est vraiment intéressant mais il faut le dire destiné aux fans, aux rangs desquels on se compte.
Extraits d’interviews, passages parlés courts qui décrivent une démarche ou une époque, participations de ceux qui font partie de sa famille artistique, de Fanny Ardant à Mathieu Amalric en passant par l’incroyable Jean Rochefort ou François Morel, extraits de passages instrumentaux qui dévoilent leur force d’évocation, reprises de et avec Alain Souchon (chanson d’un film de François Truffaut, référence incontournable), c’est un trajet de 20 ans qui se conçoit d’une traite. Et il s’en dégage comme toujours une profonde mélancolie parce que ce sentiment chez lui est plus ontologique que circonstanciel.
On avait déjà évoqué la série Les Instrumentôt ou Tard lors de la sortie du formidable Happy End d’Albin de la Simone. La démarche sur ce volet est différente ici, ce ne sont pas de nouvelles compositions mais des versions piano solo de chansons existantes.
Mais le retravail est manifeste. Ne vous attendez pas à des versions karaoké ni des versions musak où la voix est remplacée par des notes. Non, ce sont de courtes pièces, parfois méconnaissables qui se basent sur les thèmes musicaux des morceaux. Et c’est beau, minimaliste évidemment et plus en ligne avec ce qu’on entend chez les compositeurs spécialistes du genre, ceux qui par exemple sortent sur le label Schole Records du pianiste Akira Kosemura.
Cette sortie s’accompagne donc d’une tournée qui passait par Bozar le 4 novembre. Covid et vraie vie obligent, je ne m’étais plus plié à l’exercice ingrat (parce que traditionnellement très peu lu) du compte-rendu depuis très longtemps. On va procéder par ordre en parlant de la salle, forcément magnifique, d’une acoustique supérieure et finalement très adaptée au programme du jour. Le public est sans doute constitué de Filles de 1973 et ne chantera que quand il y sera invité (souvent en fait) et connait visiblement tous les recoins de la discographie de Vincent. Logique.
L’idée de base est de reprendre dans l’ordre le premier album, celui qui a assuré durablement sa place dans la chanson française. Il passe évidemment mieux que bien en piano-voix et dès Fanny Ardant et Moi (l’impression de commencer par les rappels est prégnante) on sait que c’est un très plaisant retour en arrière qui se prépare. Mais pour briser la monotonie possible d’une interprétation linéaire, il y a des reprises (Berger, Souchon), son vieux procédé de voix off et quelques morceaux plus anciens (Les Miettes ou quelque chose s’en approchant) ou Avec Jeanne qui parle aussi de l’époque. Sa voix reste la même, son jeu de piano s’est encore affirmé par 20 ans de métier, c’est forcément fort bien. Puis viennent un morceau tiré de chaque album paru depuis (on les a tous critiqués) qui renforce en moi l’idée que j’aime tout sauf les Piqûres d’Araignée.
On ne comptera pas les rappels, qui enchainent les morceaux marquants pour des raisons personnelles (Il y a un Temps Pour Tout), karaoké compilation d’horreurs (Cocciante-Johnny-Bibie-Claude François) et faux inédits qu’on connait par cœur et qu’on apprécie toujours (L’Appartement) ou désormais classiques de la chanson française (Le Baiser Modiano). De quoi rappeler en deux heures pourquoi il nous est si essentiel.
Dernière note, il est une habitude bien établie chez certains artistes francophones de faire des tournées piano solo et rien que ça. Evidemment Jeanne Cherhal, Pierre Lapointe ou Vincent Delerm sont des maitres du genre, mais on n’a jamais eu l’occasion d’éprouver en live les amples émotions musicales des albums, il manque toujours une dimension. Les raisons sont évidemment logistiques et financières (comme les cordes enregistrées des concerts de Biolay) mais c’est une frustration tout de même.
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