lundi 26 décembre 2022, par
En termes d’albums critiqués, 2022 était une année record, sans que j’arrive à expliquer pourquoi (139 albums et EP quand même). En tous cas, ça fait une belle base pour en isoler 30 pour se remémorer ce cru 2022. Des découvertes, des valeurs sûres, de quoi réjouir nos oreilles en tous cas.
30. Sïan Able - Veni Vidi Sensi
S’il semble logique d’aimer un premier album quand on avait goûté à un très bon EP, il est bon de constater que Sian Able est là pour durer. C’est solidement charpenté, ce qui lui permet d’aussi montrer sa sensibilité."
29. Oliver Savaresse - L’Oiseau Bleu
S’il y a moins de monologues délirants que par le passé, ils sont compensés largement par des mélodies plus présentes et prenantes, plus de mélancolie encore et une densité en mélodies supérieures. Ce qui nous vaut des moments de vrai bonheur musical, pouvant combiner un gimmick entêtant et une liberté totale. Olivier Savaresse est notre voyageur préféré. Loin du bourlingueur un peu mytho à la Lavilliers, il arrive à concilier un esprit de découverte et de proximité à la fois. "
28. Monolithe Noir - Rin
D’une manière générale, la musique du duo Monolithe Noir tend vers l’exultation. Ou la lourdeur, au choix. Mais elle fonctionne aussi en apesanteur, avec des ambiances sombres qui ne sont pas sans évoquer Mogwai. Ils peuvent aussi composer avec une certaine lenteur qui s’installe (Morse), la tension comme matière brute. Majesteux et enlevé, occasionnellement tortueux, il s’impose à tout oreille curieuse. "
27. Izzy And The Black Trees - Revolution Comes In Waves
On devine que l’énergie d’Izabela “Izzy” Rekowska puise sa source dans le virage conservateur de la Pologne. On l’a déjà dit, le rock n’est plus vraiment le genre qu’on écoute le plus. Mais de même que ceux qui mangent moins de viande veulent en manger de la meilleure, ceci est du premier choix. "
26. Nicolas Jules - Carnaval Sauvage
Sans rupture, l’évolution de Nicolas Jules va toujours vers plus de singularité. Année après année, album après album, il prouve qu’il est bien plus qu’un trésor caché."
25. Cloud Cult - Metamorphosis
Si cette verve, cet héroïsme fait maison de Cloud Cult ont un parfum de noughties, il faut constater que la formation du Minnesota n’a rien perdu de son sel et de son intérêt. Entre les thèmes tellement personnels et universels et une interprétation dont la vie elle-même semble dépendre, ils rétablissent avec l’auditeur des liens qu’on imagine indéfectibles. C’est beau et c’est fort... "
24. Metric - Fromentera
En dépit de styles différents, on apprécie Stars et Metric pour la même raison, leur propension à nous donner ce qu’on est venus chercher, avec une constance encore supérieure pour les seconds nommés. Formentera répond à tous nos critères avec des morceaux immédiats, un peu furieux ou plus rêveurs mais toujours solides, avec en prime un Doomscroller d’anthologie. "
23. Benjamin Biolay - Saint-Clair
Faut-il se réjouir que Benjamin Biolay se stabilise ? Oui, sans doute. Si ceci n’est pas le meilleur de ses albums, il témoigne d’une envie qu’on devine sincère et passe avec un vrai plaisir d’un coup d’un seul sur la vitesse et l’indéniable savoir-faire. Arrivé au sommet, il a sans doute compris comment y rester durablement. "
22. Nadine Khouri - Another Life
Le commentaire d’un album pareil est bien plus compliqué que l’écoute, fluide et gratifiante. Pas ramenarde pour un sou, la musique de Nadine Khouri reste classieuse, c’est une musique de garde, de celle qui va défier les époques et les modes, un bout d’éternité disponible dès maintenant. "
21. Garden With Lips - Magnolia
Le nom du projet de Gildas Secretin n’est qu’un des éléments du mystère. La poésie est un peu sombre mais il trouve le bon ton, celui qui s’entortille et monte avec le son. Ce Magnolia nous fournit donc des émotions fortes et cette sortie de l’Eglise de la petite folie (où il est également graphiste) est une belle découverte francophone, de celles qui accompagnent en laissant une trace. "
20. Spencer Krug - Twenty Twenty Twenty Twenty One
Ceci est le meilleur album de Spencer Krug en tant qu’artiste solo sous son nom seul. C’est suffisamment restrictif pour ne pas souffrir de discussion. Plus aride et expérimentaux que ce qu’on entend chez Wolf Parade, ce terrain de jeu confirme le talent et la productivité du Canadien, avec quelques grands morceaux à la clé. "
19. Jawhar - Tasweerah
Un talent peut s’éparpiller mais en général ne se perd pas. Celui de Jawhar est bel et bien là, trouvant de nouvelles formes pour sortir d’un carcan brillant mais qui ne demandait qu’à craquer. Ce n’est pas la solution de facilité, et c’est déjà remarquable, mais le résultat est tout aussi enthousiasmant que ce qui nous avait déjà plu chez lui."
18. A Place To Bury Strangers - See Through You
Depuis les deux premiers albums, on a toujours eu tendance à déceler de l’assagissement chez la formation new-yorkaise. Si on se base sur des souvenirs presque lointains, la courbe semble s’inverser, les sons rudes qui font leur charme et nous ont tant impressionné quand ils ont déboulé de nulle part il y a quinze ans sont de retour et tant qu’à y aller fort, autant y aller trop fort. Certains groupes se sont établis en frontière, en limite du monde sonore connu et on voit mal qui pourra aller explorer au-delà d’A Place To Bury Strangers sans virer dans l’expérimentation non musicale et en gardant la ligne de morceaux emballants. "
17. Marble Sounds - Marble Sounds
Marble Sounds confirme album après album qu’ils sont une formation majeure. Ils semblent polir leurs albums jusqu’à une presque-perfection sans que le spectaculaire n’empiète sur une indéniable sensation de proximité. Des amis précieux donc. "
16. Get Well Soon - Amen
Plus pop peut-être que ses prédécesseurs immédiats, Amen confirme Konstantin Gropper au firmament des songwritters amples. On ne retrouve presque plus l’émotion qui nous a tant étreint sur le premier album mais c’est un virage pris par la formation teutonne il y a bien longtemps. Sans cet encombrant souvenir, il reste un album impeccable de maitrise. "
15. Regina Spektor - Home, Before and After
Rien ne pouvait nous faire plus plaisir qu’un retour en forme de Regina Spektor. Et ce huitième album ample et dénué de scories (non, plus de moments où on serre un peu les dents) confirme tout son talent. "
14. Perfume Genius - Ugly Season
Impossible de faire le chemin en arrière mais on sait que l’écriture délicate et l’émotion à fleur de peau sont toujours là, non plus comme une fin en soi mais comme une expérience, un socle sur lesquels ces morceaux subtils et complexes peuvent se reposer. On souligne à chaque fois à quel point l’évolution de Mike Hadreas est impressionnante. Certes, ils sont loin les débuts timides mais ceci est une œuvre d’art contemporain, manifestation d’un artiste doué à son sommet. "
13. Will Sheff - Nothing Special
Si Okkervil River vous manque, ceci est l’album qu’il vous faut. Will Sheff solo a en effet toutes les caractéristiques de ce qu’on aime chez le groupe, sa combinaison unique d’ampleur et d’intimité que permet le chant décalé de Sheff, et puis une écriture sensible. Il semble en tous cas pousser encore plus loin l’introspection et nous confirme qu’il est tout simplement un des grands talents américains de l’époque. "
12. Midlake - For The Sake of The Bethel Woods
Avec le recul du temps, la trajectoire de Midlake est assez limpide. On peut préférer certaines phases à d’autres mais la cohérence et la solidité de la formation texane forcent le respect sur cet album qui encaisse sans coup férir les hautes rotations. "
11. Pomme - Consolation
Non, Consolation n’est pas un album qui saute à la gorge. S’il est immédiatement beau, seule une écoute plus attentive permet d’en tirer tout le suc. Cette intimité ne peut pas être flashy de toute façon mais une fois happés, on n’y échappe plus. Moins viscéral sans doute que son prédécesseur, il confirme néanmoins Pomme comme une des artistes francophones majeures.
10. Sharon Van Etten - We’ve Been Going About This All Wrong
Parler de chanteuses d’exception peut sembler un peu spécieux si on considère le nombre de celles qu’on chérit ici. A ce panthéon fort bien fréquenté, il conviendra d’ajouter Sharon Van Etten qui arrive à combiner excellence (condition d’accès minimum pour ce club) et une personnalité bien marquée. "
9. Andrew Bird - Inside Problems
Album impeccable et soyeux, Inside Problems est un album à la hauteur de son auteur. Andrew Bird reste un artiste de haut vol qui garde définitivement la main. Seule une petite différence de perception entre les albums module le plaisir. "
7. Destroyer - Labyrintithis
La perception est évidemment subjective. On avait moins goûté la froideur de Kaputt par exemple mais on a fondu tout de suite et durablement pour ce Layrinthitis (nom d’une infection de l’oreille interne troublant l’équilibre). On sent tout l’allant d’All My Pretty Dresses ou Eat The Wine, Drink the Bread. Et même avec un tempo plus lent, l’intensité est là, avec de l’espace pour que sa verve puisse s’exprimer au mieux. On parle parfois de X-factor pour définir ce petit plus qui distingue un artiste de ses semblables. Et Dan Bejar l’a toujours eu et n’est pas près de le céder. "
6. Dominique A - Le Monde Réel
On ne pourra jamais reprocher à Dominique A de faire du sur-place. Mais après vingt ans d’amour musical, on s’accroche un peu et on est récompensés par un album riche et soyeux, d’une beauté intemporelle. Un peu uniforme peut-être mais uniformément beau aussi. De ceux qu’on gardera avec nous, comme la plupart de ses albums en fait. "
5. The Smile - A Light For Attracting the Attention
Que faire quand on a du succès et encore plein d’idées et d’envies ? On tente l’échappée et dans le cas des surdoués comparses, la réussite est plus que probable. The Smile n’est pas vraiment un projet défouloir mais un format plus souple pour permettre des tentatives. Il semblerait qu’un groupe qui ait déjà réussi les virages de Kid A et Amnesiac soit prévu pour tenir le choc d’expérimentations mais c’est sans doute cette réussite-même qui a motivé l’aventure. En tant qu’amateurs du groupe de base et de leurs choix, on se range à côté des nombreux auditeurs conquis par The Smile "
5. Spoon - Lucifer on the Sofa
Le petit plus qui distingue Spoon est toujours là, leur remarquable concision également. Si l’amplitude montrée par les brillants albums précédents est moins présente, ce retour aux sources les maintient dans le peloton de tête des formations rock qui comptent. "
4. Emily Jane White - Alluvions
Dans le détail et dans l’ensemble, dans le fond et dans la forme, dans les intentions et le résultat, ceci est un album qui impressionne. Entre ombre et lumière, Alluvions prouve que plus le temps passe plus les albums d’Emily Jane White sont marquants. Et celui-ci se pose comme un des jalons de l’année. "
3. Arcade Fire - WE
Si on fait l’énorme effort de passer sous silence les accusations contre Will Buttler, We est un album hétéroclite mais cohérent, celui du soulagement (de courte durée donc), du retour sans doute pas au sommet mais pas loin non plus. Un album d’Arcade Fire meilleur que son prédécesseur ? C’est une première et c’est peut-être l’information la plus pertinente à retenir. Avant un probable et nécessaire oubli mémoriel."
2. Shearwater - the Great Awakening
Nouvelle phase dans l’existence du groupe qui a commencé sous l’égide de deux membres d’Okkervil River, The Great Awakening marque un virage sonore qui profite de beaucoup des pistes tracées par des morceaux ambient et des projets parallèles et surtout renoue avec une émotion pure qui nous avait un peu manqué sur les derniers albums de Shearwater. C’est donc un grand album, tout simplement. "
1. Florent Marchet - Garden Party
Pas de slogans, des histoires, c’est par ce biais que ces chansons percolent sans coup férir. L’art peut-il transcender la dureté de la vie ? Oui, bien évidemment. Il y a une vraie beauté dans le naturalisme de Florent Marchet et cet album d’une densité remarquable ne vous lachera jamais."
On aime bien les EP aussi, une belle façon de découvrir un univers. En voici 4, sans ordre particulier, pour des artistes dont on reparlera.
Jem Bosatta - Loss + Love (EP)
Cet EP de facture très classique est rehaussé de discrètes cordes ou d’un harmonica, voire d’un rien de chœurs Pas de nudité donc, l’austérité n’est pas de mise même si le recueillement est plus à l’ordre de jour que les libations. Cet EP a la longueur idéale pour apprécier sans lassitude un univers pétri de talent. "
Marcia Higelin - Prince de Plomb (EP)
On ne peut pas nous soupçonner de frétiller à l’évocation du patronyme. Non, on parle de ce talent parce qu’on le décèle, parce qu’on devine une originalité qu’on ne rencontre pas tous les quatre matins. Cette expressivité de tous les instants pourra séduire ou rebuter mais non seulement on se range dans la première catégorie mais on sait qu’on a envie d’en savoir plus. "
Pollyanna - Man Time (EP)
Non, ce n’est pas qu’un premier EP folk. Il en reprend certains codes bien évidemment mais élargit la palette de bien belle façon. A vos calepins, on note Pollyanna dans les talents à suivre. "
Van den Bear - No Plans Survives First Contact (EP)
S’emballer sur des premiers EP semble être devenu un hobby à plein temps par ici. Mais quand on a une telle densité en 5 morceaux, c’est compliqué de cacher son enthousiasme. "