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PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying

mercredi 9 août 2023, par marc


C’est un phénomène que j’ai du mal à m’expliquer. Il m’est difficile voire impossible de me plonger dans des œuvres récentes d’artistes que j’ai beaucoup aimés il y a longtemps. Si dans certains cas c’est la qualité de leurs albums qui est l’explication la plus facile (Muse, The Killers, Foals...), c’est plus mystérieux en ce qui concerne Radiohead, Nick Cave ou PJ Harvey.

Il faut dire aussi qu’elle a pris un malin plaisir depuis le virage serré de White Chalk en 2007, inventant de nouvelles façons de chanter et, de son propre aveu, s’empêchant de sonner comme la PJ Harvey qui avait fait sa popularité. Courageux et compliqué à la fois. Mais cette exigence lui a permis de toujours avancer, sans jamais céder aux sirènes du revival. Que de chemin parcouru donc. Et cette longue histoire ne lui sert pas de prétexte à retrouver la version atténuée de frissons vieux d’un quart de siècle mais donne une impulsion pour découvrir de nouveaux horizons.

Elle peut ainsi chanter avec une voix de tête sur Lwonesome Tonight ou de façon plus directe sur I Inside The Old Year Dying et c’est délectable. On sent à certaines guitares que John Parrish est toujours à la manœuvre et on peut profiter des résurgences (forcément) noise d’A Noiseless Noise. Ce serait dommage de se passer d’un tel savoir-faire et d’une intensité pareilles. A l’autre bout du spectre, le son étrange d’August semble se perdre dans son propre brouillard. Mais c’est un morceau d’album qui ne se conçoit que dans ce contexte. Il suffit de peu de choses pour installer un morceau de toute façon, même en enterrant le gimmick de The Nether-edge bien profondément

Comme Patti Smith à laquelle on l’a (trop comparée) à ses débuts, elle plonge dans la poésie tête baissée avec cet album plus autobiographique mais de façon très indirecte. Les textes sont en effet issus de son livre de poésies Orlam paru en 2022 qui puise largement dans le dialecte de son Dorset. N’attendez donc pas beaucoup de clarté de ce côté-là. On se concentre donc sur la beauté pure du résultat, Prayer at the Gate ou Lwonesome Tonight sont deux exemples manifestes de son talent intact. C’est purement de notre faute si on a laissé passer le train de quelques albums de PJ Harvey, mais on est d’autant plus heureux de la retrouver au sommet.

    Article Ecrit par marc

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3 Messages

  • PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying 9 août 09:27, par Laurent

    Tu restes d’une lucidité évangélique (je ne sais pas où je vais avec cette expression inventée). D’abord, tout à fait d’accord aussi sur le fait qu’August soit le point faible du disque. Mais l’essentiel n’est pas là. Il n’y a d’ailleurs rien d’essentiel dans ce que je vais dire non plus mais ça me fait du bien d’en parler, je vous dois combien ?

    Voilà, docteur : j’ai un problème comparable avec les nouveaux albums de mes idoles. Je l’appelle le syndrome "A Moon Shaped Pool" (depuis deux minutes). Il faut dire que des gens qu’on a adorés pour leur intensité ont pris des virages vers l’évanescence, ce qui est généralement le gage d’une maturation artistique réussie (je pense à plusieurs écrivains progressivement partisans du dépouillement et de l’économie de moyens).

    J’aime beaucoup le dernier PJ Harvey mais je voudrais l’aimer plus. Même phénomène avec le dernier Blur (peut-être objectivement moins excellent), groupe qui a par ailleurs livré hier soir le meilleur concert de l’année mais j’admets que la seule pause dans l’extraordinaire a été l’interprétation de leur plus récent single (pourtant très bon). Je vais lâcher une phrase qui va jeter un pavé dans la mare : on ne peut pas être et avoir été (waow, mais d’où me vient donc cette inventivité ?!). C’est un peu comme quand la tendresse et la complicité remplacent peu à peu le pur désir...

    D’ailleurs je n’ai pas ce problème avec Nick Cave, dont les albums me parlent de plus en plus. Et pour cause : je n’étais pas fan de Nick Cave à la grande époque, j’y suis venu par après. Et puis, peut-on comparer l’effet que procure un bon disque sur un adulte quasi grabataire aux émois qu’il ressentait à l’adolescence ? Vous avez deux heures, n’oubliez pas de structurer votre copie en thèse-antithèse-synthèse.

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    • PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying 11 août 09:53, par marc

      Ce relatif désintérêt pour des artistes chéris est quelque chose qui me turlupine depuis longtemps, merci de me faire sentir moins seul sur ce coup-là. D’ailleurs, j’ai réécouté les anciens albums de Nick Cave, PJ Harvey et Radiohead récemment et si ça plait toujours autant, la nostalgie n’a pas pris le pas.

      A ce propos, je n’ai pas éncore écouté le dernier Blur pour le même genre de raisons, même si j’étais moins inconditionnel à l’époque. J’écoute encore énormément Pulp et ça, c’est toujours un plaisir renouvelé et intact.

      Pourtant, on fait partie de la minorité qui continue à découvrir des choses après 27 ans (https://www.neonmag.fr/culture-divertissement/paralysie-musicale-ne-decouvre-plus-de-nouvelles-musiques-passe-27-ans-508954). Je me rends compte que c’est à peu près l’âge que j’avais en commençant ce site d’ailleurs...

      Voilà, la séance psy croisée est terminée, vous pouvez rependre vos cahiers.

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