mercredi 19 juin 2024, par
C’était il y a une vingtaine d’années, une petite collection d’artistes pratiquaient une musique folk pleine de fantaisie et d’irréverrence. Parmi les grands noms du genre il y avait Moldy Peaches. Son leader Toby Goodshank revient ici, flanqué d’Angela Carlucci. Et c’est toujours aussi particulier, avec un chant qui confine toujours à la comédie. Musicalement, il y a la volonté de ne pas lasser, avec de la trompette sur le délirant Pig Walnut (on pense à une version acoustique d’Architecture in Helsinki), un air cowboy sur New Dutch Folk et même du faux rap sur Snap Backwards.
Bien honnêtement, si on confesse un niveau d’anglais passable, il n’est pas suffisant pour comprendre les innombrables allusions culturelles ici. Mais ce qu’on comprend est quand même bien, fendard, leur ton caustique leur permettant de parler de vrais problèmes (politiques, notamment). De quoi passer 26 minutes décapantes en très bonne compagnie
Si l’album précédent avec Amanda Acevedo avait laissé un goût de trop peu, on continue à guetter les sorties de cet ancien compagnon qui ne nous a jamais déçus. Si l’album n’est pas très démonstratif et si le style soyeux de Harvey reste le même tout du long, il y a des morceaux qui se dégagent franchement. On pense à Nashville High ou Demolition qui propose le côté élégiaque des Nick Cave plus anciens (quand il l’accompagnait encore donc) mais avec un chant moins expressionniste.
Et puis lui qui nous a régalés de reprises en anglais de Gainsbourg nous propose ici une relecture de l’incunable Like a Hurricane. La furie de l’original n’est évidemment pas là mais cette version-ci convient à son style et conclut un album bien classieux.
La note d’intention de cet album du compositeur nantais Alan Regardin parle d’un ‘cérémonial à la lente progression générant de douces hallucinations auditives’. Si cette assertion est étrangement exacte, elle témoigne aussi de l’abandon nécessaire à l’appréhension de l’œuvre. On est clairement dans de l’art contemporain.
Surtout sur le premier des trois morceaux basé sur un son de trompette. Enfin, ceci est de la trompette comme la peinture monochrome est du pinceau. Pas énormément d’harmonies en vue donc. Mais ce n’est pas une constante non plus, il y a plus de cuivres sur Prelude et de l’orgue positif sur Ritual qui dégage ainsi une majesté certaine. Vous êtes prévenus, si ceci n’est pas une œuvre rude, elle réclame un certain engagement, voire un certain abandon pour être mieux appréhendée.