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The Stooges : Fun House (1970)

vendredi 23 juin 2006, par marc


Un monument, un morceau de bois de la vraie croix. Un album qui a changé la musique. Aucun mouvement n’est basé sur rien mais je songe qu’il est difficile de trouver des antécédents à ces deux brûlots. Peut-être en regardant du côté des Kinks, de certains Stones, des premiers Jimi Hendrix.

En 1969, tout est prêt à basculer, la contestation a gagné tous les milieux et la musique pop est prête à son tour. C’est le premier album d’un groupe de Detroit et de son chanteur pas encore star : Iggy Pop. Coup d’essai, coup de maître, comme parfois. Il comprend un des morceaux les plus repris (après Yesterday, certes...) : I wanna be your dog, des incantations interminables (les neuf minutes de We Will fall) et pose un jalon du rock ’n roll. Mais selon moi, le second (celui dont on parle ici) est encore plus profond, plus personnel, a remarquablement vieilli. On sent un son de guitare d’époque, sans doute, mais en ces temps troublés (les nôtres) où la nostalgie tient parfois lieu de talent, ça s’écoute avec un plaisir non feint. Tous les titres ici prennent à la gorge. Down on the street, Loose, TV eye (paranoïa d’Iggy Pop), les trois premiers titres, sont d’une intensité encore jamais entendue. Tendus, hypnotiques (surtout le troisième), ils crachent une rage qu’n n’avait pas encore eu l’idée d’exprimer électriquement. La rythmique martèle, la guitare aiguisée vrille tout ce qui bouge. On a doit à un ralentissement du tempo. Pas pour le slow de l’été. Il s’agit de Dirt. La fureur est rentrée alors à l’extrême et met 7 minutes à sortir. Sept minutes de pur bonheur de nos oreilles. Bonheur un rien pervers parce qu’il se nourrit d’une immense torpeur, d’une basse répétitive. Jim Morrisson avait popularisé les incantations mais ici, on est loin de la pose, on est pris aux tripes. On peut aussi penser à Jimi Hendrix pour les solos démentiels et non décoratifs, pour le napalm au bout des doigts. Les habitués au bruit pur et dur vont être interloqués.

Pas le temps de reprendre son souffle, voici que déboule 1970 (pendant évident du 1969 du premier album), la simplicité du riff et la voix d’écorché. C’est ça, ils veulent nous entraîner avec eux dans le gouffre. Le No future des punks n’est pas loin (six ans de gestation pour donner un prolongement musical et politique à ces précurseurs) et le I fel allright proféré ici par le chanteur avant que n’arrive un saxophone maladif n’en semblent que plus sinistres. Il reste d’ailleurs en place, le temps de deux Jam du genre free-metal déjanté et musclé. Une apothéose pour cet album pas bien long. Je ne sais pas si j’ai bien exprimé le caractère indispensable de cet oeuvre.

C’est une clé, un passage. Les trente dernières années de ce qui fait du bruit (de Joy Division au Whites Stripes en passant par tout le punk et le grunge) prennent leur source à Détroit (tiens, comme la House...) dans les deux albums des Stooges. Mais il faut rappeler aussi que cet album est un des meilleurs jamais enregistrés. Trente-trois ans plus tard, il garde intacte sa fascination, son effet de surprise aussi pour ceux qui ne connaissent pas. L’album essentiel. (M.)

    Article Ecrit par marc

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