mardi 29 août 2006, par
J’avoue que je n’ai rien vu venir. Les premiers morceaux sont fort décharnés, sourdant une mélancolie tenace par des moyens certes efficaces mais réduits (quelques notes de piano, de cuivres, rythmique trip-hop acoustique, un arpège mais jamais le tout en même temps). Le résultat est prenant dès le début mais on craint la redite. Faussement puisque les structures évoluent subrepticement.
Le sens mélodique est soufflant. Sans jamais être joli comme peu l’être un Yann Tiersen. Ni utiliser des ficelles bizarroïdes frelatées comme ce qui m’empêche d’apprécier Coco Rosie à sa juste valeur. Les voix ne sont utilisées que comme instruments supplémentaires, et insufflent un aspect humain indispensable.
Va-t-on entendre ça jusqu’au bout ? Le climat est installé, d’accord, mais on sent poindre une crainte de répétition, voire même l’ennui poli des musiques qui tournent en rond. C’est au moment où on se dit que cet album s’absorbera plutôt à petites doses que la bonne surprise survient.
Le cinquième morceau (No Opera) commence comme les quatre précédents. Mais lorsque la guitare - acoustique - entre en piste, on sent venir autre chose, une volonté d’intensité pure. Et elle va venir, sous forme non d’une vague pour surfer mais d’un puissant et inarrêtable ressac. Il le sait et fait durer le plaisir. Un accordéon. Un autre. Et puis tout bascule. On se réjouit de n’avoir pas laissé tomber les bras. Voilà, on est conquis tout bêtement. Un Violoncelle. La musique est encore à réinventer. Une voix. Puis tout redescend. Tout se repose. Eclaircie dans une plaine aride ? Reculade pour mieux sauter ? On ne le sait pas encore.
La plage titulaire reprend les choses à la même place. Quelques notes de piano. On montera cependant, par la présence de plus en plus marquante de cuivres, par la liberté d’une batterie mixée en dessous, par une voix discrète et incantatoire. Car c’est ça la roublardise de Manyfingers. Ce n’est pas à coups de bagarres d’instruments mais en accumulant les effets discrets que l’efficacité est là. Comme ce n’est pas démonstratif, tout reste assez subtil.
A remark reste mon morceau favori puisque le round d’observation est réduit à sa plus simple expression. Une rythmique qu’on aurait bien vu sur le dernier album deFour Tet accompagne un piano minimaliste et quelques notes de cuivres. Pas tentant tout cela ? Peut-être pas sur votre écran mais dans les oreilles ça donne.
Tsunami prend alors congé de nous, par ses violons languides et ses cuivres élégiaques, voire un grondement (discret, il faut le faire) de percussions. Le titre se révèle approprié. C’est le bout du voyage, merci d’être venus, vous pouvez reprendre un billet. La progression des titres de l’album est particulièrement étudiée mais si vous êtes impatients, laissez tomber la première partie de l’album.
C’est ça aussi, la musique, pouvoir sortir le maximum à partir du minimum. Trouver le peu de notes mais les justes. Pour emmener l’auditeur où il ne pensait pas aller. Tout ceci nécessite un talent qui est indiscutable ici. On commente une réussite, on ne l’explique pas. Manyfingers est un de mes nouveaux compagnons de trajet de 2006. (M)
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