mercredi 22 novembre 2006, par
Elle a tout d’une grande
Ce ne sont pas nécessairement les albums qui suscitent des sentiments mitigés qui sont les plus difficiles à chroniquer. On peut très bien adhérer facilement, écouter des dizaines de fois un album avant de se jeter à l’eau. Faute de mieux, c’est donc par cette allusion pas bien subtile que je vais aborder la dernière réalisation de ce qui reste une de mes chanteuses françaises favorites.
La progression de la carrière de Jeanne Cherhal est exemplaire. Tout d’abord, un live brut, enregistré chez elle, à Nantes, pour s’assurer qu’elle peut tenir une scène toute seule, avec juste sa voix et son piano. Les performances vocales la cantonnent à ce moment-là dans le registre des chanteuses gouailleuses, avec à la clé des réussites certaines (le vibrant Avec Des Si qui a été un hymne pour moi pendant bien longtemps). Puis, un premier album studio en 2004 pour apporter ce qu’il manquait, des chansons mieux charpentées et plus écrites, ainsi que de la musique plus variée. Ensuite, l’exercice obligatoire du DVD live, cette fois avec des orchestrations fines mais discrètes. On signalera par ailleurs qu’elle est signée sur le label tôt ou tard, ce qui lui a valu de souvent collaborer avec les autres membres (Jacques Higelin, Vincent Delerm ou encore Bastien Lallement). Ce nouvel album aquatique va maintenant nous permettre de voir ce que donnent en chansons les qualités de Jeanne. Le second album studio vient donc renforcer l’évolution. Je suis de plus content d’avoir une occasion de parler d’elle alors que Douze Fois Par An a été rattrapé trop tard pour faire l’objet d’une critique. Il est cependant resté haut dans les rotations de mon ipod.
Quand on prête une première oreille à cet album, on est tout d’abord soulagés de voir que la qualité est encore là, mais un peu perturbés par le côté étrange de certaines compositions. En effet, les titres plus rentre-dedans ont plus de mal à s’imposer. Liquide ou La Peau Sur Les Os sont quand même assez originaux dans le genre de variété déviante. On pourrait en dire autant de Voilà, titre qui lui aussi nécessite quelques écoutes avant de se révéler. Ce n’est pas expérimental, ce n’est pas ardu ou désagréable, c’est juste qu’on manque de repères.
Mais Jeanne Cherhal c’est surtout une voix. Qui peut être diablement sensuelle cette fois encore (Tu M’attires donne irrémédiablement envie de se blottir contre une personne du sexe correspondant à ses aspirations), plus forte quand les circonstances l’exigent (jetez une oreille su le premier album live qui porte son nom).
L’écriture aussi s’est affirmée, lui permettant d’aborder avec énormément de sensibilité et de tact des thèmes aussi casse-gueule que l’excision (On Dirait Que C’est Normal) ou le voile (Le Tissu qui est une des chansons les plus réussies). Le ton général est d’ailleurs un rien plus sombre, ne laissant paraître que sur La Tonne le ton plus java qu’elle a par le passé plus souvent pratiqué. De Mes Rondes Larmes à Voilà, c’est une vision d’elle-même sans complaisance qu’elle nous offre. On est parfois bien loin de l’humour léger de Quand On Est Très Amoureux. Mais ce n’est jamais plombant, elle a trop de recul narquois pour ça. On ne reste pas cantonné dans le registre « Chanson-française-de-qualité-avec-des-textes-que-tu-dois-les-respecter ». Tout ne m’a certes pas plu, il y a encore des scories sans doute, mais la personnalité s’affirme indéniablement. Elle n’a de toute façon pas de point de comparaison objectif dans la chanson.
Pour ses talents d’interprétation vocale et instrumentale, pour son écriture qui se resserre et prend de l’ampleur en même temps, pour la fraîcheur jamais niaise et la sensibilité impeccablement mise en œuvre, pour le talent tout simplement, on peut dire que Jeanne Cherhal est une des meilleures choses qui soient arrivées à la chanson française récemment. Plongez donc dans son eau trouble et rafraîchissante à la fois.
C’est via un très bel EP qu’on avait découvert Mirabelle Gilis et on avait constaté qu’elle donnait un bon coup de fouet à Miossec qui a toujours eu besoin d’un apport extérieur pour se dépasser (on pense à Yann Tiersen sur Finistériens). On espérait que cette collaboration continue mais on ne l’imaginait pas sous cette forme.
Pour assurer la transition, Miossec est au texte de La Prunelle (…)
Noyé dans un flot continu de sorties et d’envois, on a sans doute du mal à évaluer l’effort insensé requis pour sortir un album. Si on a attendu entre les EP et cette collection plus complète qui sort chez La Couveuse, le temps a fait son œuvre et visiblement poli le propos de la Belge Clemix. Ce qui marchait par surgissements s’est mué en style, avec un album paradoxalement plus constant que (…)
On avait parlé d’un premier album sensible du jeune artiste belge Auguste Lécrivain. Si vous avez écouté (c’est bien), sachez que l’évolution est manifeste. Exit la chanson française ‘canal historique’, exit les tentations bossa, voici le temps d’un groove plus en phase avec son époque. Plus qu’un ravalement de façade, on peut parler de reconstruction, mais avec les matériaux d’origine. Un (…)
En matière de reprises, ce qui importe souvent plus que le matériel repris, c’est la façon de reprendre, le regard posé sur l’œuvre. Le matériau de base est une collection de morceaux très anciens, collectés au XXème siècle par des Alan Lomax hexagonaux. Ils décrivent par la bande la condition féminine rurale de leur époque et sont non seulement des témoignages précieux, mais ont été choisis (…)