lundi 9 juillet 2007, par
La quête de l’objectivité
On commet parfois des erreurs de jugement en cherchant ce qu’on ne peut pas trouver. J’ai commis une critique assez indigente d’Antics, obsédé par la ressemblance avec Joy Division. Pourtant, les Mancuniens ce n’est pas vraiment la même chose et c’est très bien ainsi. Le timbre du chanteur est trompeur aussi il faut dire. D’un autre côté, le single éclaireur Heinrich Manoeuver joue un peu trop sur les ficelles de leurs morceaux plus carrés. C’est évidemment très impressionnant, mais faisait craindre une vaine exploitation des recettes. C’est donc avec des réserves mais rassuré sur ma normalité que je me lance dans l’écoute de ce Our Love To Admire. Et là, la surprise est bonne. Alors qu’ils m’ont presque systématiquement perdu en chemin de chansons qui partent souvent bien mais sont trop linéaires pour accrocher, certaines qu’elles se sentent d’avoir l’ambiance qui tue, l’attention est maintenue six minutes durant le Pioneer To The Falls qui ouvre et qui est tout simplement somptueux. Il évolue, change, se charge en émotion, prend vraiment où ça doit prendre. Ce n’est pas encore le sentiment de born-again mais c’est typiquement une entrée en matière qui intéresse. Sur la lancée, N°1 In Threesome mise lui aussi tout sur l’ambiance et l’installe bien.
Et ce n’est pas inutile tant la concurrence vient de partout. De l’Angleterre avec Editors ou encore du sud des Etats-Unis (Snowden, Deerhunter, I Love You But I’ve chosen Darkness), ils sont maintenant nombreux à s’engouffrer dans la brèche qu’ils avaient creusé. Fort heureusement, tous ces groupes sont talentueux et finalement impossible à confondre. Il est vain de comparer mais pour moi Boxers de The National a mis la barre tellement haut en matière de rock sombre et lumineux à la fois que ceci en pâtit un peu ici.
Un riff entêtant, une rythmique solide et plutôt rock, c’est ça le style Interpol, ce qui donne un rock d’inspiration cold un peu prétentieux dans la mesure où la volonté de vriller l’âme n’est pas toujours suivie d’effet. C’est évidemment une des caractéristiques intrinsèques au genre. Mais à l’heure des productions surgonflées, ils gardent fort opportunément la tête froide. La différence avec Antics ? Certains titres touchent vraiment. Quand on sent que le côté cold n’est pas une pose mais un état d’esprit, Interpol fait mouche. Dans le cas contraire, on dira qu’ils sont impeccablement sapés, qu’ils respirent la classe et la distinction mais pas l’émotion pure. Ce n’est pas un reproche en soi même si l’uniformité me rend difficile l’écoute intégrale.
Ou du moins c’est l’impression d’uniformité qui déforce l’ensemble (Mammoth). Ils ont pourtant prévu des ralentissements de tempo pour ne pas lasser (Pace Is The Trick, l’un peu longuet Rest My Chemistry), voire varient les 4 temps réglementaires (All Fired Up) mais la voix immédiatement identifiable du chanteur se présente invariablement dans le même registre donc lasse sur la longueur. Le son identique de la guitare n’aide pas non plus. Il est préférable de choisir son moment d’écoute pour une efficacité maximale. C’est une des clés pour pleinement l’apprécier, même s’il faut plus de conditionnement encore pour Joy Division, Snowden et autres Deerhunter. Mais il faut un certain abandon que ne m’inspirait pas Antics. Ils donnent parfois plus de signes d’émotion que d’émotion elle-même. Encore une fois, c’est ce qu’on y recherche qui est déterminant. Mais on sent qu’il manque parfois un brin de souffle pour s’humaniser. Si les morceaux ne maintiennent pas tous l’attention, il est rare qu’ils n’aient pas leur petit moment d’intensité supérieure. Que faire pour intéresser ? Carrément prendre des cuivres, installer une langueur. La fin de Wrecking Ball y arrive très bien. Sur la lancée, le plus délicat Lighthouse ferme la porte derrière nous et nous donne à penser que le tout a été agencé comme un album complet et cohérent.
Finalement, ma plus grande erreur a été de chercher ce qui ne s’y trouvait pas. Il manquera peut-être un titre plus immédiatement accessible comme Evil pour cartonner à tous les niveaux. Alors, convaincu par Interpol ? Un peu parce que je comprends mieux où ils veulent en venir. Il y a de la place pour eux dans le large spectre des musiques un peu sombres et classieuses. Par pur question de goût personnel, je préfère certaines autres productions récentes (The National) mais la dernière livraison des New-Yorkais m’a permis de pénétrer dans leur univers et de m’y sentir bien.
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