Accueil > Critiques > 2008

Xiu Xiu - Woman As Lovers

vendredi 1er février 2008, par marc

Un pont plus loin


On est toujours surpris par l’incommensurabilité abyssale des territoires musicaux à découvrir. Cette introduction pompeuse servira d’excuse pour n’avoir découvert Xiu Xiu (prononcez chou-chou) qu’avec leur sixième album.

Si vous pensez qu’Animal Collective est devenu écoutable, que Menomena c’est de la variété, il reste encore un bastion avant de sombrer dans l’expérimental. Xiu Xiu, vous l’aurez compris, parlera plus à des esprits curieux qu’à des fans de Mika (qui ne doivent pas me lire par brouettes entières d’ailleurs). Ce n’est pas de la pose vu que l’aspect déroutant se dissipe très vite et que quelques secondes de certains morceaux. Qui sont d’ailleurs tous plutôt courts. C’est une bonne nouvelle et prouve qu’ils savent ne pas gâcher par une trop grande dilution leurs bonnes idées.

Le premier titre est I Do what I Want When I Want et claque comme un manifeste de liberté. Des bribes de saxophone, des chœurs décalés mais ne cédant rien à la musicalité, tout se met en place pour l’écoute de l’album. Le collage semble artificiel en première analyse mais se révèle au final convaincant (No Friend Oh !). L’intensité qui surgit à l’improviste prouve en tous cas qu’ils savent exactement ce qu’ils font. Le morceau In Lust You Can Hear The Axe Fall est à ce titre exemplaire. Dense et intriguant de prime abord, il propose des ruptures et une explosion finale qui font immanquablement mouche. C’est pour moi un de mes morceaux de bravoure de l’année qui commence.

Dans le détail, c’est parfois le grand écart. Car après le début de l’album on trouve d’étranges points communs avec le folk dévoyé de Current 93 qui virent en déflagrations délirantes (F.T.W.). En effet, la flamboyance se fond progressivement au cours de l’album vers un registre plus intimiste. Black Keyboard ne déparerait pas certains Sol Invictus. C’est d’ailleurs dans cette famille qui sort des sentiers battus (Death In June) que je retrouve le plus de similitudes. D’intention du moins. Pour le reste on oscille du plus nerveux nerveux et imprévisible (White Nerd) au plus minimaliste (Master Of the Bump). C’est de cette constante tension, venant de la possibilité d’une surprise à tout moment qui donne tout son intérêt à ce Woman As Lovers. Pour être complet, j’ai retrouvé aussi bien la flamboyance de certains Bowie et le ton de voix du Scott Walker d’A Farmer In The City pour le timbre affecté du chanteur Jamie Taylor.

Chacun mettra ses limites évidemment, mais par exemple You Are Pregnant est un peu trop loin pour moi. A vous de voir jusqu’ou vous prendrez du plaisir. En résumé, les étiquettes n’adhèrent pas vraiment sur ce groupe et c’est aussi ce qui plait. Comparaison n’est pas raison sans doute mais une reprise permet parfois de mieux cerner un style, vu que la composition et l’écriture ont été empruntées. Ici, c’est l’hybride Under Pressure de Bowie et Queen qui sert de récréation. Car de recréation il est moins question. Même si la confrontation avec la version que nous a livré Keane est assez édifiante. Les arrangements ici sont plus délirants, même si l’esprit du morceau n’est pas dénaturé.

Il est toujours périlleux de conseiller un groupe qui nécessite une (courte) période d’adaptation. Mais ceux qui vont s’y frotter ne regretteront pas le déplacement. C’est qu’il y a chez Xiu Xiu une très bonne adéquation entre le plaisir d’écoute et l’exploration.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

1 Message

  • HEALTH - RAT WARS

    Même après des années passées à autre chose (des musiques de film, des versions disco), la puissance de feu d’HEALTH a laissé une trace manifeste. Mais il a fallu un rabatteur de qualité pour qu’on ne passe pas à côté de cet album. Le souvenir bien qu’ancien était toujours cuisant et on retrouve le trio avec un plaisir certain.
    Ils ont collaboré avec Nine Inch Nails ou Xiu Xiu et ces cousinages semblent (...)

  • Beirut – Hadsel

    Bien honnêtement, quand on a découvert Beirut en 2006, on ne se doutait pas qu’on allait suivre le jeune Zach Condon pendant plus de 17 ans. Cette musique fortement influencée par les fanfares balkaniques a suscité d’emblée l’intérêt mais le procédé semblait trop étriqué pour s’inscrire dans la longueur. On avait tort, forcément, et ceci en est un nouveau rappel.
    En première écoute, ce Hadsel est plutôt en (...)

  • Animal Collective – Isn’t It Now ?

    A une époque où la modernité n’est plus une vertu cardinale, il peut être étonnant de retrouver cette conjonction de talents (Avey Tare, Panda Bear, Deakin et Geologist) aussi en forme après près d’un quart de siècle d’existence. Avec Time Skiffs, on pouvait clairement parler d’une nouvelle période pour le groupe, un revirement vers plus de musique ‘figurative’ par opposition aux brillants collages (...)

  • Caleb Nichols - Let’s Look Back

    L’artiste qui aura fait le plus parler de lui en 16 mois est un prix qui ne rapporte rien sinon des critiques multiples et sans doute un peu de confusion de la part d’un lectorat débordé. Bref, après avoir pris congé de Soft People, l’actif Caleb nous a donné un album un opéra rock Beatles queer puis deux EP qui mélangeaient chansons et poèmes autour du personnage semi-autobiographique de Chantal. Sa (...)