mercredi 7 juin 2006, par
C’est souvent comme ça que ça se passe : on écoute un album d’un artiste q’on connait bien, on est déçu et on pense déjà à ce qu’on va raconter de cinglant. Puis, à force de chercher quelque chose à en dire (il s’agit quand même de quelqu’un qu’on suit depuis 13 ans, date à laquelle j’ai acheté Meat Is Murder des Smiths en vinyle) et, progressivement, le contact est rétabli, certains titres ne fonctionnent toujours pas mais d’autres séduisent. On se retrouve donc à écrire une critique nuancée tellement difficile à composer face aux imprécations défoulatoires et aux louanges sans réserve. Souvent cependant, les écoutent confirment que la première impression est souvent la bonne. Pour compliquer la tache, l’effet produit par cet album varie avec les circonstances et les humeurs d’écoute.
Car c’est ce qui caractérise Morrissey, ce mélange de kitsch et de sublime, cette voix qui est sans doute une des plus belle du pop-rock mais aussi une des plus particulières. Les mélodies qu’elle défend sont toujours un peu trop compliquées mais ne tombent jamais dans la platitude. Un mélange de ridicule et de sublime. Je comprends aussi bien les contempteurs que les admirateurs de Morrissey, même si je me range plutôt dans ces derniers. Produit par Tony Visconti (T-Rex, David Bowie dont on sent le spectre sur I will see you in far-off places), cet opus garde une pêche qui ne s’efface jamais. C’est aussi l’électricité qui aide une chanson comme In the Future When All Is Well. D’une manière générale, on constate un (fort relatif il est vrai) durcissement du son qui empêche souvent la mièvrerie mais couvre le tout d’un voile uniforme.
Mais qu’on se rassure, les ingrédients d’un album solo de Morrissey sont bien toujours là. Par exemple le slow élégiaque qui remonte aux antédéluviens Last night I dreamt that somebody loved me des Smiths. Ici, c’est Dear God please help me et c’est plutôt plat. Autre marotte du Steven, les tires des chansons se doivent d’être kilométriques et ici ils le sont. Le désir de reprendre la main de cette sous-spécialité que pratiquent aussi les Arctic Monkeys ? You Have Killed Me apparaît comme un bon single et représente plutôt bien l’album qui l’entoure même s’il est moins fort que le Irish Blood, English Heart qui servait de porte-drapeau à son précédentYou Are The Quarry (album précédent qui servit de prétexte à un retour étrange vu qu’il n’avait pas exactement disparu).
On a aussi de purs moments de grâce sans quoi on aurait depuis longtemps tourné les talons devant lui. C’est Life is a Pigsty (Oh yeah la vie diraient les Snuls) qui commence comme un mid-tempo avec basse preque cold puis qui ralentit en élégie de sept minutes et constitue le meilleur morceau de l’album. Morrissey sait encore générer du spleen et tient à le faire savoir.
The Youngest Was the Most Loved rappelle des morceaux plus anciens, plus alambiqués donc moins immédiats et, dans ce cas, moins séduisant. De même, certains morceaux ne fonctionnent pas (The Father Who Must Be Killed, I’ll Never Be Anybody Hero, To Me You Are A Work Of Art), par la faute d’un refrain incohérent, de complexité inutile. Mentionons enfin les originales interventions de choeurs d’enfants (The father Who Must Be Killed, réussies sur The Youngest Was The Most Loved).
Finalement, ce Ringleader Of The Tormentors (traduction libre : Chef de Bande des Emmerdeurs) est un Morrissey pour ceux qui aiment ça. Moins apathique qu’un autre album moyen comme Maladjusted, il ne se hisse pas non plus aux standards de ses meilleurs opus comme Vauxhall and I ou Southpaw Grammar (découvrez-les si ce n’est fait, ce ont les seuls qui soient épatants de bout en bout) mais permet à Morrissey de rester dans la course et de maintenir intacte l’attention d’un public plus large que les fans indéfectibles. Mission accomplie alors ? Yes sir. (M.)
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