mercredi 10 décembre 2008, par
Le marc de chanson
On vous avait déjà parlé de Susanna à deux reprises. Pour un album de reprises (Melody Mountain) avec le Magical Orchestra (composé pour mémoire du seul Morten Qvenild) puis son album solo avec des chansons à elle (Sonata Mix Dwarf Cosmos). Ici, on a douze reprises plus deux compositions originales.
En entamant cette troisième critique d’un album de Susanna, je me rends compte que tout ce que j’ai pu un jour en raconter reste d’application. C’est bien la constance de temps en temps. Mais c’est elle qui reste fidèle à elle-même. En passant d’un autre album quel qu’il soit, la sensation d’aridité est inévitable. Car la pudeur de ces versions demande un peu d’accoutumance. Et là, l’humanité éclate. C’est paradoxalement dans ces versions minimales, suintant l’intimité à travers la voix formidable de Susanna Wallumrød, que leur génie explose, révélant des recoins qui étaient parfois gommés par des artifices de production. Car elle ne va pas vers la facilité, reprenant des morceaux qui semblaient peu destinés a priori à être ainsi dévêtus mais révélèrent souvent des qualités de composition et d’écriture insoupçonnées. Au contraire d’entreprises plus décoratives qui parfois se trompent de cible (Nouvelle Vague), les choix sont presque toujours pertinents. Ou quand ils ne sont pas évidents (Abba), leur interprétation le devient.
Autant ne pas vous le cacher, la plupart des versions originales ne me sont pas connues. C’est donc de nouvelles chansons pour moi, dépassant le stade de l’anecdote amusante. Aidez-vous, ne lisez pas les notes de pochette. Il faudra quand même que j’écoute à quoi ressemble Dance On quand elle est interprétée par Prince. Une bonne connaissance des paroles est requise pour reconnaître des classiques comme Vicious de Lou Reed. Ce n’est pas le meilleur moment de l’album, la dynamique de la diction ne se prêtant pas trop bien à cette modification drastique de tempo. Evidemment, il y a des références qui semblent tout de suite plus proches de son univers, comme l’incroyable Janitor Of Lunacy de Nico, qui annonçait Dead Can Dance avec 20 ans d’avance. Et c’est une bonne surprise de voir son morceau Wild Is The Will s’inscrire naturellement dans le cours des autres qui sont repris.
Un piano est souvent la seule orchestration en vue. Parfois relevé d’éparses notes de guitare ou d’une grosse caisse qui passait par là dans la pièce d’à-côté. Et même si Can’t Shake Loose commence par un nuage de guitare, elle n’évolue clairement pas vers le drone. Une marque unique est imprimée à chaque application. Mais c’est moins un appauvrissement des arrangements qu’un ralentissement du tempo. On a même Will Oldham (l’homme aux cent projets) en renfort sur deux morceaux dont un Without You un peu débarrassé de son sucre mais plus proche de la version originale puisque déjà lente à la base. Vous voyez Mariah Carey ? Vous prenez l’inverse de sa version dans les intentions et vous n’êtes pas loin du résultat, qui est superbe.
Dire que les plus impatients arriveront sans encombre à la fin de l’album d’une traite serait sans doute présomptueux. Encore une fois, une posologie limitée rendra l’écoute bien plus passionnante. A l’heure des excès de cholestérol, il est bon de se plonger dans cette sorte de marc de chansons chantées par une des plus singulières personnalités de l’époque.
Il est des groupes qu’on écoute encore et pour lesquels on se demande pourquoi on s’inflige ça, déception après inintérêt. Le cas des Tindersticks est un peu différent. Si on ne peut pas prétendre avoir à chaque fois succombé aux charmes d’un album fantastique, il y avait toujours des raisons d’y revenir, de ne pas lâcher l’affaire après 30 (gasp...) années de fréquentation.
Cet album ne (…)
La nature a horreur du vide, l’industrie musicale encore plus. C’est donc une volonté de la maison de disques de propulser le crooner crépusculaire australien au sommet, déserté par des gens comme Leonard Cohen ou David Bowie pour d’évidentes raisons de décès. Et il semble que ça marche, cette sortie est précédée d’un abondant tam-tam. Pour le reste, c’est aussi la connivence qui va jouer. (…)
Un piano, une voix, voilà ce qui constitue le gros de ce premier album de l’Italien Michele Ducci. Mais il ne fait pas s’y tromper, celui qui était la moitié du groupe electro-pop M+A offre sur cette base un bel album d’une richesse réelle. Et surtout, on capte au passage quelques fort beaux morceaux.
Notre préférence va sans doute à la simplicité de River qui frappe juste, ou alors au sol (…)
Si après 15 années de Beak> et 5 albums, Geoff Barrow est toujours considéré comme ’le mec de Portishead’, que dire de Beth Gibbons qui s’est effacée de la vie publique depuis tant d’années ? Cette sortie a donc autant surpris qu’enchanté.
Fort heureusement, musicalement, ce Lives Outgrown ne tente pas de souffler sur les braises du trip-hop. Et c’est intentionnel. Le résultat est donc moins (…)