jeudi 16 avril 2009, par
Soleil noir
Sous cet étrange patronyme hygiénique se planque la jeune Autrichienne Anja Plaschg. La jeunesse ne peut en aucun cas être un argument de vente, seule la qualité doit primer, mais il est quand même assez intéressant de noter que deux des personnalités féminines qui m’ont marqué cette année (Cœur de Pirate est l’autre) ont le même jeune âge. Des univers aussi matures et sombres sont donc le produit de personnes à l’expérience fatalement réduite et ça intrigue forcément.
Il y a déjà quelques mois que le nom se fait une place au soleil (noir mais quand même) de blog en blog. Pas de buzz orchestré, juste une contamination de personnes touchées par sa musique. C’est ce virus que je vais essayer de vous inoculer dans ces lignes. Parce qu’on a ici encore une belle chose étrange, brute, viscérale, intime et qui s’invite d’emblée dans le cercle fermé des chanteuses à l’univers personnel et qui constituent notre fond de discothèque. Avec, par exemple, Lisa Germano, Anita Lane, Susanna ouMarissa Nadler. C’est d’ailleurs à la première nommée qu’on pense le plus souvent. La voix n’a un peu rien à voir, mais le traitement, l’adjonction d’électronique non pas en tant que pulsation mais dans la complexité du son en font une singulière coreligionnaire.
Le piano est un instrument qui permet d’infinies variations, on le sait. Il tient la place centrale ici. Et les mélodies sont souvent superbes (Turbine Womb, Mr Gaunt pt 1000), qui mettent au bord de soi par leur seule beauté évocatrice. On n’est pas dans la naphtaline d’unYann Tiersen pour prendre l’exemple d’un grand mélodiste, mais dans quelque chose de moins nostalgique, de plus frontalement beau, ou d’un romantisme noir (Extinguish Me) à la richesse souvent sous-jacente.
Il y a quand même de très nombreuses variations autour de ce piano. A l’autre bout du spectre par exemple on a l’ambient tordu de DDMMYYYY et ce sont des violons synthétiques qui nimbent la Marche Funèbre d’un halo de mystère. Au vu des titres des morceaux, vous savez que ce n’est pas un best-of de la Compagnie Créole que vous avez en main.
L’album nous balance d’un bout à l’autre du plus inquiétant au plus joli. Mais le joli se voit enrichi d’harmonies vocales, de petites cloches, le tout sur un support mélodique en diable. Et on note tout au long de l’écoute des apports de bruitages divers et variés qui relèvent le morceau sans le dénaturer (Cry Wolf), voire lui évitent le piège de la mièvrerie (Turbine Womb). C’est ce qui donne des moments d’intensité sur Thanatos, avec ses violons de synthèse un peu inquiétants sur un piano lourd. Là-dessus viennent se greffer des voix. Un peu comme si Sol Invictus lâchait son misérabilisme pour une beauté froide. On sent qu’on ne peut pas s’en échapper. C’est beau, tout simplement, alors quoi ajouter ? De même, la simplicité de Cynthia est ce genre de choses qui marche, qui fait chavirer.
Nerfs fragiles, mélancoliques chroniques, natures impressionnables, vous voilà prévenus. Amateurs d’émotion, d’intériorité, de toutes ces jolies choses un peu tristes et qui sont tellement attachantes, voici un conseil pour vous. Même si le final Brother Of Sleep est plus léger, répétitif et fait plutôt songer à Coco Rosie, bien que ceci me plaise beaucoup plus par son caractère plus viscéral et moins artificiel. On a l’impression d’ailleurs qu’elle ne triche pas, qu’entière elle se livre mais sans complaisance. C’est ce qui fait que la simplicité, le crescendo de The Sun font mouche. On ne peut que le constater, rendre les armes, et l’écouter encore.
Il y a deux sortes d’albums qui laissent le critique désarmé. Celui agréable à l’écoute mais lisse et rétif à toute analyse, puis celui comme celui-ci qu’on ressent, qui nous bouleverse aussi parfois en désespérant de trouver les mots pour susciter l’envie. Garanti sans faute de goût, cet album ravira tout ceux pour qui l’intensité est une valeur en soi et qui ont une inclination pour le romantisme noir.
La nature a horreur du vide, l’industrie musicale encore plus. C’est donc une volonté de la maison de disques de propulser le crooner crépusculaire australien au sommet, déserté par des gens comme Leonard Cohen ou David Bowie pour d’évidentes raisons de décès. Et il semble que ça marche, cette sortie est précédée d’un abondant tam-tam. Pour le reste, c’est aussi la connivence qui va jouer. (…)
Un piano, une voix, voilà ce qui constitue le gros de ce premier album de l’Italien Michele Ducci. Mais il ne fait pas s’y tromper, celui qui était la moitié du groupe electro-pop M+A offre sur cette base un bel album d’une richesse réelle. Et surtout, on capte au passage quelques fort beaux morceaux.
Notre préférence va sans doute à la simplicité de River qui frappe juste, ou alors au sol (…)
Si après 15 années de Beak> et 5 albums, Geoff Barrow est toujours considéré comme ’le mec de Portishead’, que dire de Beth Gibbons qui s’est effacée de la vie publique depuis tant d’années ? Cette sortie a donc autant surpris qu’enchanté.
Fort heureusement, musicalement, ce Lives Outgrown ne tente pas de souffler sur les braises du trip-hop. Et c’est intentionnel. Le résultat est donc moins (…)
Dans une ère où toutes les émotions sont passées sous l’éteignoir d’une production qui lisse, il est plaisant de rencontrer des voix (forcément) discordantes comme celle de la Néo-Zélandaise Sarah Mary Chadwick sur son huitième album solo. On se frotte d’emblée à ce ton naturaliste et direct qui n’est pas sans rappeler Frida Hÿvonen. Frontal donc, d’une sincérité qui peut aller jusqu’au (…)