vendredi 17 avril 2009, par
Stabilité au sommet
Un nouvel album de Dominique A, ça se savoure. Etrangement, on ne craint même pas la déception. Il a parfois pu me perdre un peu (Tout Sera Comme Avant), mais d’une façon globale il reste le plus passionnant des auteurs francophones. Dans la constance, l’évolution, en plus de la somme de chansons qui nous restent qui s’accroit.
D’emblée, on sent comme un retour à ses premières amours minimales sur Le Sens. Il disait d’ailleurs en boutade lors de la réalisation de l’album qu’il faisait « La Fossette version redbull ». Sans doute le fait de réenregistrer seul et à la maison contribue-t-il à cette assertion. L’air est un peu plus désabusé, voire fatigué, ce qui tranche sérieusement avec l’impression d’espace de l’album précédent. Mais qu’on se rassure, ce n’est pas l’état d’esprit général du sieur Ané sur cet album plus contrasté et varié que ses prédécesseurs. Il faut d’ailleurs dire que ses deux dernières livraisons solo (Auguri et L’Horizon) étaient des cuvées très bonnes voire exceptionnelles, et avaient une grande cohérence.
Cet album ne marque pas de vrai retour en arrière, ni de continuation avec les précédents, mais plutôt l’incorporation progressive de plusieurs de ses manières (Le Bruit Blanc De L’Eté). Il a sans doute voulu par un relatif isolement faire le point sur une carrière qui dure quand même depuis seize ans. Si elle vous est familière d’ailleurs, vous allez tout de suite vous sentir chez vous dans La Musique. Autant dans La Fin Du Monde qui m’a évoqué la langueur du Club 22 que dans une ampleur digne de l’Horizon qui nimbe la très réussie Hasta Que El Cuerpo Aquante, description au futur d’une fuite vers l’alcool international. Notons au passage que le gimmick des textes à la seconde personne n’est plus présent ici.
Les mélodies sont toujours aussi ténues mais mine de rien, il les défend avec une des voix les plus attachantes de notre langue, un vibrato unique qui a toujours empêché ses chansons d’être trop arides d’aspect. Il y a évidemment des moments plus âcres (Je Suis Parti Avec Toi) mais toujours maitrisés. La répétition n’est pas obligatoirement mémorable (Hôtel Congress) mais comporte quand même sa dose de bravoure une fois le chant effacé. Je lui préfère donc ses grandes chansons spleenesques qui paradoxalement donnent le sourire (Nanortalik). Le tout relevé de simples gimmicks (petit piano, discrets sons) qui ne sont jamais un gadget. Et si certains titres ne retiennent pas l’attention en première écoute, ils séduisent par leur ambiance un peu pesante mais très réussie (Qui es-tu ?).
Sans doute moins fabuleux (surtout lors des premières écoutes) que le très marquant album précédent, La Musique maintient Dominique A à sa place, à savoir au sommet d’une chanson française forte et subtile, personnelle et en constante évolution. Il capitalise logiquement sur une discographie qui s’étoffe pour constituer un album contrasté et intéressant de bout en bout, même si la diversité des climats fera que chacun aura ses préférés. Tout ce qu’on souhaite à cet artiste précieux, c’est de pouvoir élargir son auditoire. Pas pour la gloriole, mais parce que la diffusion d’une musique aussi accessible et profonde est un devoir.
Jusqu’où s’arrêtera-t-il ? Practice makes perfect, tel est le dicton dans une langue non pratiquée par Nicolas Jules. Mais force est de constater qu’il le met en application avec un rythme de publication quasi annuel qui voit son œuvre se polir et se distinguer. Il se situe pour cet aspect-là dans le sillage du regretté Murat.
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