Accueil > Critiques > 2009

Patrick Wolf - The Bachelor

jeudi 4 juin 2009, par marc

Découvrons le glam-folk


Découvert un peu par hasard sur la scène d’un festival (Sasquatch pour ne pas le citer), Patrick Wolf m’a tout de suite plu. Allez voir ce garçon sur scène, vous comprendrez pourquoi ce mélange de candeur et d’assurance fonctionne à plein. Et puis j’ai fatalement mis la main sur l’album de l’époque, The Magic Position et c’est tout cet univers bizarre mais pas tellement qui s’est révélé. Le successeur arrive donc. Même s’il s’agit en fait d’une moitié de successeur. En effet, un double album est composé, et il a porté le nom provisoire de Battles. Mais pour ne pas gaver son auditorat, il a été scindé en deux, The Bachelor dont il est question aujourd’hui et son complément The Conqueror qui sortira en 2010. Le contexte est posé, on va parler musique maintenant.

Et de musique il sera question tout de suite, vu que le petit prodige anglais nous prend tout de suite dans le sens du poil avec son traitement unique du violon, mêlé pour le meilleur à de l’électricité sur Hard Times. Le syncopé Oblivion enfonce le clou. C’est enlevé et un peu tordu comme tout bon songwriter doit l’être.

Car il appartient à la famille des Owen Pallett et autres Andrew Bird par la façon personnelle de dévoyer l’instrument de base. Il partage avec ces deux derniers des dons musicaux certains qui s’expriment par des envolées de violon avec un son qui les met au centre avec l’air de ne pas y toucher. Précisons tout de même que le résultat est souvent assez différent, surtout au niveau du son. Dans les réussites de cet album comme Damaris, Patrick Wolf garde un son assez ample, épais, un peu plus grandiloquent et rock que ses coreligionnaires.

Il faut le dire tout net, Patrick Wolf évolue toujours à la limite de ce qu’il faut appeler le bon goût. Cet étrange mélange, que je qualifierais de glam-folk faute de mieux (et pour le seul plaisir d’inventer une étiquette) est aussi unique. Et ce qui est appréciable, il semble toujours savoir où il met les pieds. On ne le suit pas uniformément bien entendu, mais il nous amené où il voulait. C’est donc bardé d’électronique, de guitare, de violon, d’incrustations sonores, mais un morceau comme Oblivion serait un pudding vraiment indigeste sans cette maitrise. Sans doute que la présence d’un orfèvre comme Matthew Herbert vient renforcer ces qualités.

Le chant quant à lui reste expressif, qui pourra même paraître maniéré à ceux qui ne sont pas inconditionnels. Il le mêle d’ailleurs à l’occasion à des chœurs tout sauf modestes (Count Of Casuality). C’est étrange de se dire qu’on n’est absolument pas dans l’esthétique indie ni dans la course aux armements.

Quand on enlève le charme du violon, une certaine synth-pop prend le relais sur Vultures. Ce n’est pas mauvais vu qu’il arrive avec de bonnes idées, mais ce genre d’electro est un peu trop riche. Il la contrebalance par un Blackdown au piano qui se termine avec un contraste entre des inserts presque folkloriques sur un son plus épais. Mais l’intimité ne dure jamais sur cet album moins positif (et moins attachant, aussi) que le jouissif The Magic Position. Une chanson plus calme et qui se veut plus émouvante dans ce contexte est Who Will mais il manque d’un peu de simplicité acoustique pour vraiment toucher. De même, le plus noisy Battle n’est pas l’exercice dans lequel il excelle le plus. C’est même un peu raté si vous tenez à avoir mon avis.

Le but d’une critique est de donner son avis. Une critique objective est impossible par définition, mais une critique sincère est envisageable. Pour ma part, si j’ai apprécié la flamboyance de cet album, le déploiement de forces souffre d’un relatif manque d’émotion en regard de l’arsenal mis en œuvre.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

4 Messages

  • Patrick Wolf - The Bachelor 4 juin 2009 21:41, par Claire

    Glam-folk :D on verra tout ça au Pukkel, n’est-ce-pas.

    repondre message

  • Patrick Wolf - The Bachelor 6 juin 2009 07:13, par Laurent

    C’est le principal défaut (?) de Patrick Wolf depuis "Magic Position", en effet (et on avait tout compris dès l’impossible pochette !). Pourtant, il était investi d’une fausse candeur nettement plus goth que glam à l’époque de ses deux premiers albums "Lycanthropy" et "Wind in the Wires" (écoutez en priorité The Childcatcher sur le premier et The Libertine extrait du second, et vous comprendrez ce que Marvin Gaye voulait dire par "J’ai besoin d’une guérion sexuelle"). On pouvait alors davantage le rapprocher d’une scène allant de CocoRosie (pour qui il a ouvert il y a quelques années à l’AB) aux Dresden Dolls. Bien que la parenté avec Owen Pallett s’impose évidemment plus que tout autre. Et donc, pour l’avoir vu à ces deux périodes respectives (en 2005 puis en 2007), on peut clairement dire que quelque chose s’est produit dans l’intervalle, du genre à faire dire à un exorciste : "Esprit de Freddy Mercury, sors de ce corps !" Cela étant, ses prestations en mode "Peter Pan chez les Village People" sont nettement plus réjouissantes et surtout, je n’ai pas encore acheté son nouveau disque (mais comment font-ils, à "Esprits Critiques" ?!). La seule question que je me pose pour l’instant, en référence aux trois précédents, c’est donc : mais de quelle couleur sont ses cheveux sur la pochette, cette fois ?

    repondre message

  • Patrick Wolf - The Bachelor 8 juin 2009 17:36, par marc

    @Claire
    Bonne surprise ça, j’avais oublié qu’il était à l’affiche

    @Laurent
    C’est vrai qu’il y a une sorte de dérive dans l’évolution de Patrick Wolfe. Etant donné que la suite de cet album s’appelle ’The Conqueror’, il ne faut pas espérer un retour à la modestie. C’est triste de grandir... Comment on fait à Esprits Critiques ? Heu... on t’expliquera à l’occasion.

    repondre message

    • Patrick Wolf - The Bachelor 9 juin 2009 12:53, par Claire

      J’ai une hypothèse : Esprits Critiques a fait partie du financement du dernier album, vu que le Patrick s’est retrouvé sans maison de disque et a du créer son propre label (situation assez dingue, quand on y pense).

      Enfin, moi je le finance en allant le voir cet été (c’est ma façon à moi de me laver les mains)

      repondre message

  • Painting - Snapshot of Pure Attention

    Le truc du trio allemand Painting, c’est de l’art-rock anguleux dans la lignée de choses comme Deerhoofou Architecture in Helsinki (désolé pour les références pas neuves). Et oui, c’est un genre qu’on apprécie toujours (pas trop Deerhoof pourtant, allez comprendre) surtout quand il est défendu avec autant de verve.
    Basé sur l’idée d’une AI qui prendrait ’vie’ et revendiquerait son identité, (…)

  • Eilis Frawley - Fall Forward

    Certains albums résistent. Non pas à l’écoute, celui-ci nous accompagne depuis trois mois. Mais à l’analyse. Leur fluidité n’aide pas le critique. Mais sera appréciée par l’auditeur, on vous le garantit. Eilis Frawley est une batteuse à la base, notamment au sein de Kara Delik dont on vous reparle prochainement. C’est manifeste au détour de morceaux comme People qui s’articule autour de cette (…)

  • Ventura - Superheld

    C’est sans doute une contradiction, mais on peut conserver un excellent souvenir d’un album ancien tout en confessant avoir loupé ses successeurs. Heureusement, le hasard (et les distributeurs) sont là pour nous remettre sur le droit chemin. Issu d’une scène suisse dont on ne cesse de (re)découvrir la profondeur, ce groupe de Lausanne nous offre une nouvelle expérience sonore.
    On avait (…)

  • Gina Eté - Prosopagnosia

    How come you, too, assume your opinion counts ?
    Si cette phrase eut être rude si elle est adressée à un critique du dimanche comme votre serviteur, il prend une autre dimension quand il traite du droit des femmes à disposer de leur corps. Parce que chez la Suissesse Gina Eté, le fond est consubstantiel de la forme. Et cette forme prend encore de la hauteur après un premier EP et un album qui (…)