mardi 27 juillet 2010, par
Le testament de l’ange noir
On n’a pas assez pleuré Mark Linkous. L’ange noir de Sparklehorse, déchu jusqu’à la torsion, a quitté ce monde il y a quatre mois dans le même enchaînement de fureur éclatée et de retenue chuchotée qui présidait à sa musique : le vacarme assourdissant d’un coup de feu tiré en plein cœur, suivi du murmure ténu de ses suiveurs, qui l’ont plaint avec la digne discrétion des hommes de goût. Avant cet ultime et tragique épanchement d’artilleur, il avait commis un fait d’armes bien plus réjouissant, hélas condamné, comme pour consacrer son statut d’artiste maudit, à ne jamais voir réellement le jour.
“Dark Night of the Soul”, fruit d’une collaboration déjà bien entamée avec Danger Mouse – le Midas des studios avait produit le magnifique “Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain” en 2006 – était sans conteste le grand disque fantôme de l’an dernier. En raison d’un litige avec EMI, le duo s’était résolu à n’en publier qu’une version visuelle incluant un riche livre d’illustrations signées David Lynch, lequel livre était alors accompagné d’un CD vierge avec, pour seules instructions à l’auditeur, le pouvoir d’en faire l’usage qu’il estimerait le plus judicieux. La version digitale de l’album était, quant à elle, disponible gratuitement et personne, sans doute, n’aura regretté son téléchargement.
Il est dès lors assez commode de critiquer à froid un disque qui, contre toute attente, a finalement atteint les rayons des disquaires mais qu’on connaît par cœur depuis près d’un an. L’entreprise est cependant devenue moins aisée depuis l’annonce bouleversante du décès d’un de ses maîtres d’œuvre, dont le talent éclate d’autant plus brillamment à mesure que, déjà, il gagnait l’ombre. Peut-être est-ce par modestie, en raison d’un regard trop revêche porté sur lui-même et ses mérites d’interprète gracieusement frêle, que Mark Linkous s’efface ici et a invité, au chant, une pléthore d’artistes tout aussi sublimes.
En effet, “Dark Night of the Soul” n’est pas que le grand disque de deux artistes : sa réussite invite au partage, se love dans un entrelacs de voix fameuses auxquelles le duo offre autant d’écrins parfois puissants, souvent délicats. Au même titre que les formidables Fitzcarraldo Sessions, voilà donc un album qui se repose entièrement sur ses invités sans se priver de dépasser la somme de ses parties, quand bien même elles sont ou ont été à la tête de groupes aussi soufflants que les Strokes, les Pixies ou les Stooges. Frank Black et Iggy Pop s’époumonent ainsi chacun sur un rock pétaradant, livrant la pleine mesure de ce que ces voix de légende ont encore à donner pour peu qu’on leur serve des compositions dignes de ce nom. Plus proche de ses pulsions pop, Julian Casablancas poétise sur une mélodie qui surclasse n’importe quelle plage de son album solo.
Sorti de cet explosif tiercé, c’est plutôt en flottaison qu’on évolue sur le reste de l’album, où Linkous brode de ces ballades floues et bancales dont il a le secret. Il en lègue deux à Jason Lytle, collaborateur évident dont la voix antigravité se marie en toute logique à la musique grave de Sparklehorse ; on pourrait même dire de l’ex-Grandaddy qu’il déambule ici comme un poisson dans l’eau – sans avoir nécessairement recours au sens figuré, tant Everytime I’m With You semble être chanté dans les profondeurs sous-marines. David Lynch aussi se saisit par deux fois du micro – pas étonnant pour qui suit de loin sa carrière musicale parallèle – et apporte à ses contributions l’aura malsaine qui lui colle à la peau.
Parmi les invités prévisibles, on épinglera James Mercer – déjà auteur avec Danger Mouse d’un disque pour les Broken Bells – et Nina Persson, chanteuse des Cardigans mais aussi d’A Camp, side-project initialement produit par Linkous. Comme tous les invités moins surprenants, on ne peut évidemment pas dire que leurs performances comptent parmi les plus mémorables ; cela dit, la qualité ne fléchit pas. Et l’émotion est à son comble lorsqu’un autre ange déchu gémit depuis l’au-delà : Vic Chesnutt, qui confère à Grim Augury l’allure d’un double testament d’écorchés vifs, faits pour se rencontrer avant de mettre, à deux mois d’intervalle, un terme volontaire à leurs douloureux chemins.
On ne peut pas taire en outre les trois meilleurs titres du parcours : Man Who Played God, petit tube folk mouliné en compagnie de Suzanne Vega ; Revenge, morceau d’ouverture qui aurait pu figurer sur n’importe quel disque de Sparklehorse et que Wayne Coyne envoie s’ébattre sur ses propres nuages colorés ; Just War enfin, pur bijou de légèreté probablement écrit en apesanteur, interprété par un Gruff Rhys au service de l’art de la fugue. On sait pour une fois sans le moindre doute que des titres tels que ceux-là, pour nous accompagner depuis un an déjà, ne risquent pas de nous quitter de si tôt.
“In memory of Mark Linkous and Vic Chesnutt”. C’est sur cette dédicace trop sobre que se présente le format physique, enfin disponible et proprement indispensable, de ce projet un temps maudit et peuplé de souvenirs disparates : ceux de concerts émouvants, de disques chéris et d’une voix familière qui, au bout de son itinéraire, a cédé le pas à d’autres comme pour mieux nous préparer à faire son deuil. Symboliquement, voilà pourtant aussi un magnifique album qui s’apprête à connaître une deuxième vie. Espérons que celle de Mark Linkous, fût-ce dans quelque au-delà mythologique ou à travers le culte que lui voueront une poignée de fidèles endeuillés, sera plus heureuse que la précédente.
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