mercredi 27 octobre 2010, par
Youpla boum
A priori, garder ce fait en tête : pour Marc Huyghens, appeler son nouveau groupe ’Joy’ revêt le même manteau d’ironie que si Madonna baptisait son orchestre ’The Puritans’ ou que si Peter Doherty jouait au sein d’une formation nommée ’Clean’. Parce que l’ancien leader de Venus et des plus oubliables So, figure emblématique mais discrète du rock de nos contrées, n’a jamais été réputé pour son goût de la gaudriole. Doux euphémisme. Pourtant, à l’aube de ce siècle, Venus avait de quoi pavoiser avec son premier album tendu, ses concerts magnifiques et son avenir florissant.
Je ne vais pas m’en cacher : j’ai idolâtré le combo bruxellois comme très peu d’autres, à cette époque bénie où leurs maxis étaient gorgés d’inédits étourdissants, où chacune de leurs prestations dans la capitale les voyait franchir un nouveau palier dans l’art de devenir intouchables (“The Man Who Was Already Dead”, plus grand concert de tous les temps), où leur musique se passait volontiers d’électricité. Puis la direction artistique a changé. Cause ou conséquence de cette bifurcation, le formidable Thomas Van Cottom a déserté les fûts et le groupe a congédié son scénographe.
Seul maître à bord ou presque, Huyghens a rappelé que le divin nom de sa bande émanait d’une chanson du Velvet Underground et son propos s’est fait plus suffocant. Mais les chansons, elles, sont restées d’une absolue limpidité. La lumière se faisait de plus en plus noire mais n’a pas cessé d’éclairer, même quand le chanteur s’offrait d’improbables escapades solo dont on retient des versions mises à nu qui ne virent jamais l’étagère d’un disquaire. Adoptant en fin de parcours la couleur du sang, Venus s’est embrasé comme un phénix et a fait ses adieux au public un soir de mars, il y a de cela trois ans.
On n’a jamais su depuis si Marc Huyghens, derrière l’attitude monolithique qu’il a toujours su gazéifier dans la fièvre du chant, cachait une immense timidité ou une profonde antipathie, si son dirigisme créait des tensions au-delà de celle qui présidait à sa musique. Peu importe après tout, si la formation laisse derrière elle trois albums qui ne vieilliront jamais et que, sous un nom en forme d’oxymore, la voix de Marc Huyghens revient nous hanter dans le sillage de son dernier fait d’armes.
Joy, en effet, sonne en maints points comme le Venus de “The Red Room” : mêmes guitares coupantes, comme des câbles métalliques frottés à même la peau. À l’instar de J.J. (l’enfoiré de service de la variétoche française, pas les nouveaux prêtres d’Enya), c’est clair qu’il a trop saigné sur des Gibson. Pardon Marc, c’était pour déconner, histoire de détendre l’atmosphère quoi. Ah, ça te fait pas rire... Ben oui, j’oubliais. Enfin... Joy. Ouais.
Donc des guitares qui réduisent en lambeaux, assorties d’un duo féminin et moins agressif de cordes et de percussions, un contrepoint au seul aspect rêche qui permet aussi de creuser de beaux gouffres où noyer nos tourments. Un violoncelle pour tracer des spirales jusqu’au centre de la terre, une batterie pour s’y frayer un chemin moins rugueux, mais aussi la voix de Françoise Vidick qui, derrière ses baguettes, se mêle à la litanie et attire les marins au fond du trou, en sirène sépulcrale. « You’re my grave and I’m digging, like a slave who’s obeying... »
La route est lente. Long Way Around the Sea pour finir en Charybde, tandis que Matt Elliott nous regarde sombrer depuis son récif, dans les tréfonds de Low. On a cédé au Mirage et, tout le long de la chute, on lutte contre une tempête de glace dont on sait qu’on ne sortira pas vivant : Cold and Storm, et les coups d’archet qui tombent comme une pluie malveillante tandis que ce vibrato tourbillonnant fait chavirer le navire. Flag, ou le pavillon qui subsiste tant bien que mal au sommet de l’épave, non ce n’était pas le radeau de la méduse ce bateau... mais les décharges s’abattent encore, et c’est sur le Styx qu’on navigue quand Sword envoie son riff bouillonnant comme autant de jets de lave.
L’histoire se répète, et tout l’album de Joy semble renfermer une seule et même chanson, une Endless Song qui n’a guère qu’une intrigue à raconter : le mal qui sommeille au fond des âmes, la quête déçue mais forcenée d’un vague reste d’humanité qui ne se peut que dans la fuite, la douleur sourde des plaies à vif qu’on cache sous la soie. On ne pourrait passer pour autant sous silence l’autre reprise, plus surprenante, d’un morceau de... Venus : Vertigone, dont la présence incongrue mais accorte repousse en plage 8 le titre N° 7. La seule incohérence de cet album totalement homogène dans sa désespérance comme dans son aridité, nième vie – ou mort – d’un félin aculé, griffes dehors et angoisses au-dedans.
Un beau disque pour Halloween, le jour des morts et l’Avent. En revanche, on ne risque pas de le sortir avec les guirlandes et les cotillons. Joy, c’est pas la joie.
Qui se ressemble s’assemble. C’est peut-être ce poncif qui préside à la destinée du label Gnignignignigni. Comme Alek et les Japonaises était présent sur le formidable premier album de Peritelle (Salle Des Machines, terrible), voici un album complet sur le label bruxellois. Et ce n’est pas fini (on en reparle très bientôt).
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