Accueil > Critiques > 2010

Florent Marchet - Courchevel

mardi 30 novembre 2010, par marc

Citoyenne, citoyen...


C’est sans doute en chanson française que la subjectivité joue le plus, que les goûts personnels s’affichent de la façon la plus flagrante. De plus, la petite scène assure d’évidentes connivences entre les artistes, plus des affinités d’auditeurs. Je m’explique. Si vous aimez Miossec, il est probable que Dominique A ne vous laisse pas insensible, et que Joseph d’Anvers sera aussi un compagnon de route. Et Florent Marchet, même si on le sent indépendant, est à découvrir si un des noms cités a vos faveurs.

Il est toujours plus facile de présenter un artiste qu’on suit depuis longtemps, parce qu’on a pu constater au fur et à mesure le chemin parcouru, les voies de traverse, les escapades parfois, les retours même. On avait pourtant cru cerner la trajectoire de Marchet, qui après un prometteur Gargilesse avait avancé de plusieurs cases sur Rio Baril, album-concept brillant avant de pousser encore plus loin le naturalisme avec Arnaud Cathrine sur le terrifiant Frère Animal. On est donc surpris de le voir revenir à une forme plus ‘chanson’, comme s’il voulait revenir sur les traces de son premier album.

Une évidence s’impose à l’ écoute de cet album : Florent est un des seuls à faire de la chanson sociale. Pas de la revendication, pas de la dénonciation frontale (voir l’exemple simultané de Cali), mais une observation pertinente qui amène forcément la critique. Là est un des charmes de Florent Marchet. Si les textes ne sont jamais cryptiques, ils sont suffisamment subtils pour ménager le plaisir de la découverte. Ce qui lui permet d’aborder de façon personnelle l’usure du temps (L’Eau De Rose), les souvenirs d’enfance souvent amers (Pourquoi Etes-Vous Si Triste ?), la disparition (Narbonne Plage) ou la précarité (Qui Je Suis). Évidemment, il y a des façons d’aborder le sujet qui sont plus ou moins frontales, selon qu’il sous-tende une lutte des classes sur le très direct Courchevel ou évoque les restructurations de façon plus allusive (La Charrette).

A la lecture de ces lignes, je me rends compte qu’il serait facile d’en déduire que Florent Marchet est un triste garçon. Pourtant je ne l’ai jamais considéré comme un auteur noir ou désespéré. Parce que la forme est riche et se fait plus clinquante autour de l’orgue ou d’une fascination généralisée en France pour la luxuriance pop des années ’70, celle de Vannier et de Roubaix. Et puis s’il affectionne toujours les rôles d’inadaptés (La Famille Kinder), on peut mesurer le chemin parcouru depuis Gargilesse sur l’instrumental Hors-Piste.

Comme chez Mickey 3D, Yann Tiersen ou Vincent Delerm, celle dont le titre de noblesse est d’avoir été la femme de Gainsbourg jusqu’en 1980 vient apporter son filet de voix sur lit d’accent et chaque fois, on se demande ce que Jane Birkin fait là et on zappe Roissy.

Le retour à une forme plus classique de chanson n’est pas forcément une régression pour Florent Marchet qui a sorti deux œuvres importantes entretemps, parce que sa personnalité et sa vision sont toujours pertinentes. On retrouve donc avec plaisir cette galerie de portraits à hauteur d’homme et un sens de l’arrangement brillant rarement pris en défaut.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • Florent Marchet - Courchevel 1er décembre 2010 10:46, par roydanvers

    Désolé de te contredire mon ami Marc mais cet album est pour moi une totale régression.
    J’avais écouté Gargilesse avec un certain intérêt même si l’album était loin de me convaincre et puis... il y a eu le superbe Rio Baril !
    Frère Animal était pour moi une redite, sans trop d’intérêt. Mais j’attendais avec impatience Courchevel. D’autant plus que le single portait un nom qui m’était sympathique ;-)
    Mais quelle déception !!! Je n’ai encore rien trouvé à sauver. Cet album me fait l’impression d’être de la mauvaise variété ’branchée’ française. Dans la pure lignée D’ AFD l’année dernière. De la variétoche à bobo.
    Je pleure seul dans mon coin de ne pas avoir eu droit à une digne suite de Rio Baril.

    On se croise quand dans une salle sombre ? Tu n’étais pas à The National, ni à Caribou ?

    repondre message

    • Florent Marchet - Courchevel 1er décembre 2010 18:54, par Marc

      J’ai eu la même réaction que toi en première écoute, et puis je me suis ravisé. Peut-être a-t-il senti qu’il était difficile de surenchérir sur Rio Baril ? Il partage en tous cas avec AFD (celui-ci hein ?) et d’autres ce goût immodéré pour la pop seventies que je trouve tout aussi étrange. Mais contrairement à AFD, je ne sens pas de kitsch ici.

      Pour The National et Caribou, je me suis laissé déborder par la vente de places. La revanche, c’est ce soir avec Get Well Soon, que j’avais découvert avec toi (et suivant Laurent, c’est quand même bien fait...)

      Bonjour chez vous !

      repondre message

  • Nicolas Jules – La Reine Du Secourisme

    Jusqu’où s’arrêtera-t-il ? Practice makes perfect, tel est le dicton dans une langue non pratiquée par Nicolas Jules. Mais force est de constater qu’il le met en application avec un rythme de publication quasi annuel qui voit son œuvre se polir et se distinguer. Il se situe pour cet aspect-là dans le sillage du regretté Murat.
    Une musique n’est pas parfaite quand il n’y a rien à ajouter mais quand il (...)

  • Beyries - Du Feu Dans Les Lilas

    Honnêtement, on l’a vu venir cet album. Inconsciemment, on l’a espéré aussi. Si Encounter avait vraiment plu, c’est le seul titre en français qui avait le plus marqué. On avait retenu le nom, et le temps a passé. Quand Du Temps a été lancé en éclaireur, l’échine s’est serrée immédiatement.
    On avait détecté sur l’album précédent une tendance à produire des morceaux soyeux mais occasionnellement lisses, c’est (...)

  • Bertier – Machine Ronde

    L’essoufflement est un phénomène bien connu en musique. Un des mécanismes pour le contourner est de s’entourer. Autour des deux membres fixes du projet (Pierre Dungen et Lara Herbinia), il y a toujours eu une effervescence créative, ce qui leur permet non seulement d’évoluer mais de présenter avec ce quatrième album une sorte de synthèse et leur opus le plus abouti et enthousiasmant.
    Chanson (...)

  • Louis Arlette – Chrysalide

    Si on ne connait pas encore très bien Louis Arlette, on peut dire que le patrimoine a une grande place dans sa vie. Après avoir revisité le volet littéraire sur un EP de mise en musique de poésie française, les thèmes de ces morceaux vont chercher des allusions historiques. Mais le ton a changé, radicalement. Si l’EP se voulait iconoclaste et l’était peu (ce qui n’est pas un problème en soi, (...)