samedi 20 novembre 2010, par
Errances
J’ai toujours eu le plus grand respect pour Souad Massi, demi-déesse cristalline responsable d’au moins deux magnifiques albums de folk arabo-andalou. “Raoui” puis “Deb” offraient un écrin limpide à la plus belle voix qu’ait enfantée la croisée des mondes oriental et ibérique – ne serait l’organe peut-être encore plus renversant de Yasmin Levy. Par la suite, “Mesk Elil” voyait l’Algérienne embrasser les sonorités moins épicées de la variété internationale ; pourtant les chansons restaient pour la plupart brillantes et, malgré ses déviances de plus en plus prononcées vers un exotisme de pacotille, malgré ses accointances anciennes avec Marc Lavoine, malgré certains choix plus stratégiques qu’artistiques, Souad Massi m’est restée une précieuse alliée.
Comment expliquer alors que dans l’intervalle qui sépare “Mesk Elil” de ce très attendu quatrième album, parenthèse pourtant raccourcie par un excellent “Live Acoustique” pour patienter, l’(en)chanteuse se soit presque muée en rombière fade et opportuniste, taillée pour quelques FM endimanchées ? Comment cette fragile jeune femme, familière des horreurs de la guerre civile, a-t-elle pu se fourvoyer ainsi dans la facilité des francophoneries consensuelles ? Femme mûre, elle semble être devenue blette, choisissant ses nouveaux amis selon des critères qui relèvent de l’asthénie ou, pire, de l’embourgeoisement.
Oui : comment parler d’assagissement pour une créature qui a toujours flirté avec l’éther, pour quelqu’un qui passe de la fréquentation de Daby Touré ou d’Ismaël Lo aux copinages douteux avec Francis Cabrel ? La grand-mère à moustache – même si ça va mieux depuis qu’il l’a rasée – avait déjà aseptisé les derniers jours de Mercedes Sosa : pourquoi s’acharne-t-il donc ainsi à se présenter en réformateur mou du genou de la cause flamenco ? De même que le français, à peine représenté sur les albums précédents, s’impose ici en langue vernaculaire, les arrangements musicaux à la mode d’Astaffort ont converti le chaâbi en country-pop gâteuse.
Alors oui, il reste cette voix capable de donner des frissons à un berbère, en particulier quand elle chante son triste statut de femme (Samira Meskina, Nacera) ou lorsque, ici ou là, l’accompagnement sait se faire discret (Un Sourire). En version blues minimaliste, on découvre même un versant inédit de l’artiste (Stop Pissing Me Off, à peine soutenu par une contrebasse qui claque, et Let Me Be in Peace en compagnie d’un Paul Weller touchant). Cela ne permettra pas de cautionner le fait qu’Enta Ouzahrek recycle honteusement le riff de Sarbacane, et encore moins l’abject AOR de Kin Koun Alik Ebaida, qui ferait même affront à ce vendu de Cheb Mami.
Ce sont malheureusement ces incartades sur le territoire de la chanson pasteurisée (Ô Houria, Tout Ce Que J’Aime) qui risquent de faire gagner à Souad Massi ses galons de fleuron de la colonisation, faisant le bonheur de tous ceux qui pensent que la « world music » est un authentique produit des folklores régionaux. Bientôt la Victoire de la Musique, et après ? L’album écrit par Goldman, le duo avec Johnny, la tournée des Enfoirés ? Je me perds en conjectures infamantes mais il faut dire qu’en dépit de ses charmes pluriels, “Ô Houria” est une grande déception. Alors que Natacha Atlas, dont on n’attendait pas tant, propose dans le même temps un disque très réussi de chanson orientale sur fond d’électro-jazz, Souad Massi semble quant à elle s’être carrément égarée.
Et pourtant, elle n’a pas baissé d’un iota dans mon estime. L’amour sincère est à ce prix : tenace, il est prêt à pardonner bien des errances. Mais si Souad Massi ne se remémore rapidement ses racines, il se pourrait bien que mon cœur se rachète une nouvelle paire d’oreillettes.
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