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La Canaille - Par Temps De Rage

samedi 5 mars 2011, par marc

Rencontre d’un second type


Souviens-toi, quand on te l’a présenté, c’était via un ami d’ami. Sa dégaine ne te ressemblait pas, mais on t’en avait dit du bien et rapporté quelques bons mots savoureux. Tu avais envie de rencontrer des gens. Des gens différents, des gens qui ne te ressemblent pas nécessairement, alors que ta tendance, comme beaucoup de monde, était de rester avec tes semblables.

Spontanément, il t’a annoncé la couleur, montré sa volonté d’ « Aller pécho les munitions dans les livres ou au cinéma, sur le net, au théâtre comme au bistrot en bas de chez moi » (J’ai Faim). Il était là, sûr de lui, en recherche de légitimité mais sur de ses références. Il ne lâchait pas souvent de noms, tout au plus as-tu pu prendre une allusion au vol.

Il avait la trentaine et comme souvent chez les gens de cet âge, ce n’était pas vécu comme une période facile. Lucide, il t’avait paru un peu noir pour le coup (La Mise En Je), même si sa sincérité t’avait plu, quand il tempérait ses propres remarques acerbes par des touches d’autocritique bien senties (Trop Facile).

Il t’avait fait rire, aussi, parce qu’il pouvait te raconter ses expériences de galère scénique avec une justesse pas ramenarde qui transpirait la volonté de l’artiste de s’exprimer, pas de réussir à tout prix. Cette facette universelle de l’indépendance musicale avait éveillé certains de tes vieux souvenirs (Salle des fêtes).

Ce qui t’avait le plus touché pourtant, c’étaient ses histoires à hauteur d’homme ou de femme, cette ancienne collègue d’usine appelée Mélanie dont la vie tournait autour de l’effroi ordinaire et résigné de l’héroïne (Le Dragon), celui qui s’est fait un nom avant que ce nom ne veuille plus rien dire puisqu’ils étaient partis (L’Eau Monte).

Sans doute était-ce l’effet de l’alcool, mais il t’a semblé que la conversation revenait sur les mêmes sujets, qu’il aimait retourner sur un sujet qu’il semblait venir de clôturer. Pas grave, tu as senti qu’il aimait ce qu’il faisait et vous avez tous les deux ri à l’évocation de ce qu’il aurait pu être. C’est la vie qu’il a choisi et il a bien fait.

Il avait aussi quelques amis qu’il t’a présenté, musiciens comme lui, dont un contrebassiste de jazz. C’était un groupe, un vrai, bon et sobre, qui n’aimait pas trop le tape-à-l’œil (tu n’aimes pas non plus le terme bling-bling, aussi vulgaire que ce qu’il dépeint) et arrivait à rendre proches ou puissantes les touches de ce qui devenait un bon pote au fil de la discussion.

A la fin de la soirée, tu t’es dit que la vie était étrange parfois, que les rencontres les moins provoquées peuvent aussi être les plus riches, que des gens arrivent à se rendre plus sympathiques plus facilement que ceux qui pourtant te semblaient plus accessibles. Tu es retourné avec un sourire chez toi.

http://www.myspace.com/lacanaille

    Article Ecrit par marc

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3 Messages

  • La Canaille - Par Temps De Rage 14 juin 2011 12:09, par Mmarsupilami

    J’ai également été séduit par cet album. Et je me demandais (l’essentiel du rap français me fait bailler et ce n’est guère plus vaillant avec l’US) si la réussite de cette fusion-ci n’est pas d’oser travailler justement le phrasé francophone sans s’ancrer dans les stéréotypes anglophones. Dans les autres cas, ça fait mimétisme simiesque. Pas ici...
     ;-)

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    • La Canaille - Par Temps De Rage 14 juin 2011 15:25, par Marc

      C’est une piste intéressante. Pour ma part, c’est peut-être la richesse d’une musique qui essaie de sortir des sentiers battus des gimmicks courts. Il y a de vraies ambiances.

      Les quelques critiques que j’ai lues émanaient de gens peu au fait du hip-hop et qui se félicitaient de la découverte. Et si c’était du rap pour ceux qui n’en écoutent que peu ? Il n’en reste pas moins que cet album m’a accompagné assez longtemps.

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  • La Canaille - Par Temps De Rage 15 juin 2011 15:26, par Laurent

    J’ai eu beau le trouver moins jouissivement dark que "Une Goutte de Miel dans un Litre de Plomb", avec son côté plus concret et presque propre sur lui, ça reste une des toutes bonnes claques hip-hop de l’année. Pour le coup, je l’ai préféré au dernier Psykick Lyrikah même si au niveau des textes il reste de la marge.

    Sinon, je vous confirme que quand je fais écouter La Canaille à des gens qui n’écoutent que du hip-hop (je fréquente beaucoup de jeunes), personne n’en a jamais entendu parler et ils n’y "comprennent" pas grand-chose, comme si c’était la même langue mais dans un autre registre...

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