mercredi 25 mai 2011, par
La vie après l’hospice
Il y a toujours cette part d’impondérable en musique, ce petit supplément de grâce, cette sincérité qui distingue la plainte pénible de l’émotion pure. Qui pis est, la différence de perception est ténue et varie avec l’auditeur. Il me semble qu’on était quand même nombreux à penser que The Antlers possédait ce petit plus.
J’imagine que le changement de route, ou du moins l’adaptation de l’itinéraire pourra en laisser sur le bord du chemin. Hospice était une musique de brouillard et d’éruptions, de ferveur rentrée et de sentiments forts mais sous l’éteignoir. C’est la découverte de ces pulsions qui constituait l’enjeu. Disons-le d’emblée, ce Bursting Apart est plus immédiat et plus accessible, comme en témoigne d’emblée l’emballant French Exit. On compte les frissons sur les doigts d’ET cette année et ce pourrait être le déclic. Oui, on s’emballe de temps en temps, c’est ce qui nous tient éveillés. Après des écoutes multiples, l’embrasement n’est peut-être plus de mise, mais on est au moins certains de tenir un album long en bouche qui nous accompagnera.
Après le succès d’estime du premier (qui est le troisième quand on est rigoureux et qu’on admet avoir raté les premiers wagons), le piège de la déception était là, tapi dans l’ombre. Allaient-ils quitter cette musique toute proche de la radiophonie mais qui continue à vibrer loin des effets faciles ? C’est qu’ils pratiquent le demi-ton, une musique un peu rentrée, discrète, et une voix haut perchée et précieuse. Avec un peu de pêche, de peps et de grandiloquence, ce serait sans doute un pudding moins appétissant. Mais ils réussissent dans plusieurs styles en évitant une flamboyance qui vieillira mal.
Des vocalises sur un tapis de batterie et une basse onctueuse, c’est clairement la façon des Radiohead récents. Parentheses chasse donc sans permis sur les terres d’Oxford et pourrait profiter des rabatteurs des tenants du lieu. Au passage, on se dit que si la bande à Thom Yorke décide de livrer des albums moins immédiats et explore les possibilités du marketing, il y a beaucoup de groupes qui s’y substituent par petits bouts. Il n’est pas interdit de penser à TV On The Radio quand Rolled Together ou me tout bon No Windows se font plus langoureux. Ils réussissent toujours ces morceaux plus élégiaques comme Putting The Dog To Sleep.
Évidemment, The Antlers, c’est un peu de la musique pour esthète (avoir son blog est suffisant mais pas nécessaire), parce qu’elle réclame un peu d’attention, et permet une glose qui ne colle pas tout de suite à ce qu’on entend. Ce pourrait être le secret le mieux gardé de 2011. Bien franchement, je ne l’espère pas, et cet album mérite une audience plus large, plus conforme au statut de ce qui se profile comme un des grands groupes du moment.
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