Accueil > Critiques > 2011

Apparat - The Devil’s Walk

samedi 24 septembre 2011, par marc

Vorsprung durch Technik


« L’avantage par la technique » était le slogan d’une marque automobile teutonne, et une expression qui a été souvent reprise pour l’industrie allemande en générale. Le Berlinois Sasha Ring qui est derrière Apparat pourrait revendiquer ce credo tant sa maitrise est manifeste. Bien malin qui pourra le cerner d’ailleurs puisqu’il nous a été donné de le suivre avec Ellen Allien le temps de l’excellent Orchestra Of Bubbles, tout seul au Beursschouwburg pour une prestation mémorable, en collaboration avec Modeselector pour l’expérience mitigée de Moderat qui a affadi quelques tueries promises et en concert avec un ‘vrai’ groupe aux Ardentes.

Depuis Walls, celui qui dit s’ « intéresser plus au design de sons qu’aux beats » n’avait pourtant pas livré d’album solo. On le retrouve donc avec plaisir, parce que suivre un artiste dans son cheminement est toujours intéressant.

La question qui m’a taraudé au fil des écoutes était la pertinence d’ajouter des voix. Parce que le chant est souvent simple, un peu de tête et effacé alors que la musique est complexe et riche. Une voix est naturellement un point d’accroche pour l’auditeur, qu’on le veuille ou non, et on en vient à penser que c’est une distraction ici, tant la maitrise (on y revient) est patente.

Qu’on ne se méprenne pas, la voix est en place et repose sur de vraies mélodies, n’est pas un instrument comme les autres comme c’est parfois le cas chez certains groupes de post-rock. Mais elle n’a pas le charisme intrinsèque de grands interprètes, alors que sa musique reste aussi mystérieuse, riche, foisonnante. Song of Los se cantonne à un registre rêveur alors que l’état d’esprit pourrait être plus sombre et profond.

La démonstration en est donnée quand une invitée chère à nos cœurs apporte sa touche. Anja Plaschg (Soap & Skin) reste envoutante et peut donner des frissons en une demi-phrase, même sur un mode discret et moins viscéral que ses productions. Inviter des chanteurs ou chanteuses de cet acabit-là est définitivement une piste à creuser pour le futur parce que Goodbye est une réussite.

Sur cet album, on n’est d’ailleurs pas à l’abri d’un morceau qui saute à la tronche. Ca peut venir d’un morceau en suspension (Candil De La Calle) intelligemment prolongés du sens mélodique et de la mélancolie de The Soft Voices Die et ses violons synthétiques. Ou alors quand l’intensité monte d’un cran sur Ash black Veil. On peut penser à certains Radiohead récents mais je trouve ceci plus profond et chaleureux. Ce morceau prouve d’ailleurs l’étendue de la différence avec le simplisme d’un Archive auquel on songe parfois pour une comparaison forcément moins flatteuse

La musique d’Apparat ne perd rien de sa magie, de sa fascination. Mais son obstination à vouloir être chanteur rend moins flagrante cette excellence. La voix est un point de fixation de l’attention qui peut détourner de la subtilité du contexte. Il aurait sans doute beaucoup à gagner à jouer sur ses indéniables forces.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Underworld - Strawberry Hotel

    Il est des artistes qui mieux que d’autres nous ont donné des envies d’ailleurs, de champs musicaux inexplorés. Pour les amateurs de rock au sens large, des gens comme Underworld ont été des passeurs, comme New Order avait pu l’être pour des gens (encore) plus âgés que nous.
    Cette émancipation auditive était aussi bien ancrée dans son époque, et s’il n’est pas incroyable de retrouver le (…)

  • Paris Orly – La Réserve

    Le fond et la forme. La forme et le fond. Paroles et musique. La dualité est bien connue et on la retrouve ici, bien mise en avant sur ce premier album de Stéphane Loisel. Des mélanges sont encore à tenter et celui-ci a sa personnalité propre.
    Sur la forme tout d’abord, on peut dire que c’est réussi puisque des versions instrumentales pourraient fonctionner. Italo-disco, electro, le (…)

  • La Démesure du Pas – Migratory Music

    Si le hasard ou l’habitude vous guident vers ces colonnes, c’est qu’une certaine curiosité musicale vous titille. Partant de ce postulat, on se permet souvent de plonger dans des pans plus aventureux de la musique, quitte à s’y perdre parfois. Cet album parait sur Ormo records qui nous avait déjà gratifié d’œuvres comme Alan Regardin ou No Tongues, défricheurs de possibles (ref belge) (…)

  • Bear of Bombay - PsychoDreamElectroGaze

    Lire une étiquette est une règle de bonne pratique avant d’ingurgiter quelque chose. Le nom de l’album du Milanais Lorenzo Parisini qui officie sous le nom de Bear of Bombay ne laisse planer que peu de doute quant à son contenu et on l’avale d’un coup d’un seul en parfaite connaissance de cause.
    PsychoDreamElectroGaze donc... Tout est là, avec une densité certaine de Tears From Space, qui (…)