jeudi 24 novembre 2011, par
Par la main
En deux albums, Feist est devenue une grande, à tel point que sortir un album est en soi prendre un risque. Oser se mesurer à sa production passée est un challenge, sans compter sur l’important contingent de chanteuses douées et attachantes qu’on a découvert ces dernières années. On a depuis eu la relecture so trendy, affectée et finalement fidèle de son Limit To Your Love de James Blake. Et surtout, il y a eu cette déferlante d’artistes sures de leur talent et avides d’en découdre. Citons dans des registres pas trop éloignés Deb Oh (la plus proche du style, même si elle n’a livré qu’un EP), Lia Ices ou Little Scream.
Pas la peine de réécouter dare-dare les deux précédents, ils sont tellement passés en boucle qu’on en connait très bien tous les recoins. Alors qu’on reconnait tout de suite un album de l’amie Leslie, il m’a fallu du temps pour qu’il infuse, que sa richesse se dévoile. Parce qu’il y a moins de morceaux qui clouent dès la première écoute. Mais elle garde sa manière unique de ne pas aller droit au but sans pour autant se perdre, par la grâce d’arrangements brillants mais discrets. Alors que St Vincent m’avait perdu en route, Feist m’a tenu la main comme l’amie fidèle qu’elle est.
C’est souvent ça le plaisir caché et pas immédiat de cet album, ces morceaux qui réservent des variations finales (Caught A Long Wind), des retours par vagues dont le ressac finit par emporter (Graveyard). Ce style chaloupé, distant et chaleureux, d’une folle intimité, est toujours là (How Come You Never Go There ?). Même si c’est surtout une chanteuse à la forte personnalité, elle n’a pas peur de laisser la musique prendre le dessus (Caught A long Wind). Et si Leslie reste une de ces chanteuses qui peuvent tenir avec trois accords de guitare électrique avant de voir débouler du renfort (Comfort Me), il faut ici oublier les guitares qui fendaient les morceaux pour leur insuffler de l’intensité comme sur The Reminder. Tout au plus trouve-t-on quelques notes bien senties sur Anti Pioneer, blues détendu qui pêche peut-être de la comparaison avec le reste plus touffu et réussi. Bittersweet Melodies a la texture lâche de bien des choses intéressantes et actuelles (Le Loup, ce genre), la voix top en sus.
Feist garde toujours une place particulière dans nos cœurs. Un minimum d’objectivité est tout de même nécessaire pour constater que ce Metals n’a pas le potentiel immédiat d’émotion de ses deux prédécesseurs. Mais les écoutes successives ont fait pencher la balance en faveur de cet album encore une fois immensément attachant. La voix de Leslie Feist emporte le morceau, et cet album abordé avec appréhension a fait son chemin, et nous donne de quoi attendre longtemps la suite. Et montre aussi à toutes ses talentueuses émules comment on reste pertinente sur la longueur.
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