samedi 1er octobre 2011, par
Ben oui, les vacances sont les vacances : ça donne beaucoup de temps pour piquer un plongeon dans la musique, mais pas trop l’envie d’en parler. Du coup, autant revenir sur quelques disques écoutés à l’ombre des cocotiers et dont, qui sait, vous me direz des nouvelles... Cette semaine, dix albums chantés en français parmi lesquels beaucoup de bonnes choses, en bref – et dans la lignée du dernier très bon Miossec – de quoi rendre un peu de sa noblesse au terme parfois injustement péjoratif de « variété ».
Célébré pour ses “Chansons d’Amour”, Alex Beaupain peut légitimement viser la consécration avec cet album splendide qui l’érige en interprète à part entière. Le Français y étale ses subtils états d’âme en autant d’exercices de style (Sur Toute la Ligne), se tenant balancé sur des arrangements chiadés (Ciel de Traîne). Musicalement, on est en réalité souvent étreint par la nostalgie d’une certaine variété des années 80 (le solo de saxophone sur De Tout Sauf de Toi, sympathique comme un vieux Daho, Au Départ à la manière des premiers Lavoine, voire quelques réminiscence de François Feldman). Déterré de son back catalogue, la très jolie Avant la Haine est réinterprétée avec Camelia Jordana, et c’est tout bonnement divin. Ah oui c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim.
Sacrée Brigitte ! Bien mieux que le duo bobo à la mode, le grabataire fait elle-même dans le duo sur ce disque hétéroclite qui mêle relectures du passé et nouveautés caviar. Si les reprises de l’inégalable “Kékéland” n’apportent rien aux versions originales (Pipeau, God’s Nightmare), les révisions d’Hollywood en compagnie de Christophe ou de La Caravane avec Grace Jones, crédible alter égo anglophone, sont de véritables perles. Présences plus surprenantes, Arno et Alain Souchon s’en tirent à merveille. Mais on risque de s’arrêter plus souvent sur Duel, huit minutes de grâce diaphane tout contre Jacques Higelin, et les excellentes nouvelles discographiques de Bertrand Cantat dont nous gratifie Les Vergers, chanson suffocante de beauté. Fontaine, je (re)boirai de ton eau !
Venue d’une chanson néoréaliste illustrée par quelques fanfarons dont l’évocation seule nous donnerait de l’urticaire, c’est à pas de géant que la pétulante Zaza Fournier a franchi le cap du deuxième album, troquant son accordéon contre des arrangements soyeux, crépusculaires, qui la voient incarner une sorte de version française de Shivaree. Tout ça a forcément tendance à décliner les mêmes nuances, quasi imperceptibles, de noir lunaire mâtiné de rose bonbon, mais les mélodies se révèlent souvent longues en bouche (Vodka Fraise, Mon Frère) et la chanteuse fait diversion en s’offrant plusieurs incursions sur le terrain de la rétro-pop façon Mareva Galanter (Johnny Chéri, 15 Ans). Habitée d’une gravité gothique, Maman est par ailleurs assez troublante pour donner l’envie de remettre le couvert.
Là où Jenny Hval explorait crûment sa sensualité, Lafille fait quasiment figure d’obsédée. Véritable déballage thérapeutique, son premier album aborde boulimie, dépression, mais surtout appétit et abus sexuels, avec une franchise pour le moins frontale. Par moments, le côté frondeur rappelle par trop le rock pénible d’une Mademoiselle K (insupportable Je Suis Méchante), même si certains titres déjantés s’avèrent amusants (Dans Mon Appartement). Lafille a surtout pour elle un goût des mots bien sanglés : Le Mâle Appétit ou J’ai Rencontré Quelqu’un Qui Te Ressemble fonctionnent ainsi très bien sur un mode apaisé qui met le texte en avant, et Ceci Est Mon Corps, en particulier, possède une force d’évocation qui ne laisse pas indemne. Tout attachée et pas loin d’être attachante.
Romancière avant d’être chanteuse, Lola Lafon possède la plume qui va avec, concise et incisive. Elle la met pour la seconde fois au service de ses chansons de bohémienne du village global, de gitane polyglotte qui préfère Voyager Légère, même si ses litanies semblent un peu plus habillées que par le passé. Dans ses moments les plus vaporeux, l’album offre de superbes envolées entre tradition et combat (Aux Prochaines Minutes), entre inspiration littéraire et ancrage dans le réel (Anna Livia). Quoi qu’il en soit, si la musique puise largement dans le folklore balkanique et que les paroles baignent dans un altermondialisme teinté d’anarchie poétique, Lola Lafon défend un propos résolument à part dans le paysage français.
De prime abord, ça n’a l’air de rien : une nième chanteuse chevillée à son piano et poussant sa voix dans des aigus crispants. Pourtant, à l’image des différents niveaux de Paris, Lise nous fait vite passer par tous les états : on retrouve un peu de la folie du génial premier album d’An Pierlé, de la fragilité d’une Camille plus saine d’esprit. Quand elle chante en anglais, Lise fait même penser à Blonde Redhead, et si sa sensibilité rock semble a priori inaudible, elle s’exprime malgré tout sur une exquise reprise des Pixies (Where Is My Mind ?). Ajoutons que les textes sont écrits avec une sobre intelligence, mêlant tendresse et ironie, quand ils ne flirtent pas avec la fantaisie décalée (La Ballerine et le Magicien avec Mathias Malzieu). Bref, après la formidable L, on assiste ici à l’éclosion d’un nouveau talent grand cru.
Premier réflexe, légitime : qu’est-ce que c’est que ce truc ? Tablas, flûtes indiennes, et une voix incertaine qui chante là-dessus dans la langue de Molière. On pense par moments à un JP Nataf embrumé dans la fumée d’encens, déroulant sa poésie mystique sur des motifs répétitifs mais régulièrement captivants. La formule aurait de quoi se mordre la queue en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, mais Antoine Loyer y dilue d’autres ingrédients : valse musette au parfum d’Argentine (À Un Crâne Qui N’avait Pas Sa Mâchoire Inférieure), ballade dépouillée jusqu’au squelette (Rouge-Gorge) ou complainte crevarde à la Mano Solo (Chanson pour Mélanie), l’album déroute et fatigue mais c’est le prix d’une marginalité qui n’est pas son moindre mérite. À vous de voir !
La dernière lauréate de la Nouvelle Star s’est démarquée par une excentricité non feinte, un surréalisme ludique qui a trouvé chez Katerine et Mathieu Boogaerts des plumes idéalement taillées, quand bien même elles livrent ici d’évidents fonds de tiroir. Plus surprenant, Orelsan se fond habilement dans l’univers coloré de sa ronde hôtesse et inaugure, avec La Machine, un deuxième tiers d’album franchement enthousiasmant : La Symphonie d’Alzheimer est une touchante ballade à la sensibilité proustienne, La Fessée un numéro de music-hall masochiste à la Shirley Bassey. Sortons également du lot la très estivale Western Spaghetti ou encore L’Amour Blême, joliment arrangé, divinement chanté, la démonstration d’une musicalité authentique. Anodin peut-être, mais tout bonnement succulent.
Bon d’accord : Thomas Mery est ici parce qu’il chante en français mais il fait tout sauf de la variété. Sa musique est un folk contemplatif pas si éloigné de Stranded Horse, aride mais ponctué de discrètes touches de couleur entre les ombres (ici un piano, là une trompette). Les titres de l’album se lisent comme les vers d’une strophe, six longues plages d’intensité contenue qui rappellent Noir Désir dans ses moments de mélancolie acoustique. On y vogue donc au cœur d’une poésie hypnotique, transporté par une diction parfois proche de la déclamation, quand elle n’épouse pas immédiatement les mélodies lancinantes (sublime Aux Fenêtres Immenses). Embrasant les silences dans un élan de chaleur montante, Thomas Mery suspend l’instant et flirte avec une certaine idée de l’éternité.
Débarquant en jeune trentenaire sur une scène française déjà saturée de satiristes, Jérôme Van Den Hole a pour lui un organe atypique, une voix de crooner ironique qu’il promène sur des compositions ultra classiques mais non dépourvues d’énergie. Faisant son fou chantant sur Boum Boum, quand il ne sonne pas comme un Dany Brillant beurré (S’en Aller, Juste une Minute), le débutant conjugue ses désillusions avec un humour gentiment absurde : « J’ai pas demandé la Lune, j’ai pas demandé l’Amérique, je voudrais seulement du ketchup pour mes frites. » Le style a ses limites mais culmine sur Debout, duo déjanté avec Camille qui peut prétendre au titre au titre de meilleur morceau de l’année pour donner une patate d’enfer. Si, comme moi, vous ne buvez pas de café, ça fera très bien l’affaire.
Rien n’est plus plaisant que de constater l’évolution des artistes. On avait déjà rencontré l’univers particulier de Sophie Djebel Rose, apprivoisé son ton particulier, on apprécie d’autant plus la façon dont elle élargit elle-même son univers. Moins folk, plus franchement gothique, ce second album la rapproche d’artistes comme Anna von Hausswolff dont elle ne partage pourtant pas la rage (…)
Un talent ne vaut rien s’il n’est pas utilisé. C’est peut-être ce qui pousse Garz à composer et écrire pour des spectacles, pièces de théâtre et autres documentaires. Ce sont ces morceaux, soigneusement triés qui constituent ce Sur Commande. Le résultat donne l’impression d’écouter un album varié plus qu’une compilation hétéroclite. Un excellent point, déjà.
Plus qu’un chanteur, Matthieu (…)
‘Faute avouée est à moitié pardonnée’. C’est sans doute cet adage que Pierre Lapointe a eu en tête au moment de nommer cet album. Parce que oui, c’est plus démodé que jamais.. Pas hors du temps, pas hors-mode, non, c’est empreint d’une nostalgie d’une ancienne façon de faire de la chanson française, comme si rien ne s’était passé depuis Charles Aznavour. ’Démodé’ est en l’espèce un euphémisme (…)
Après un EP prometteuret un album remarqué, Muet prend l’air. Comme Kwoonou Andrew Bird, ils ont choisi de sortir du studio pour enregistrer un nouvel EP. Pas de révolution en vue pour Colin Vincent (Volin) et Maxime Rouayroux, le spectre de Thom Yorke plane toujours sur cette formation. Il y a des comparaisons plus infâmantes convenons-en. Le chant particulier et les sons travaillés (…)