vendredi 3 février 2012, par
De synthèse
Même en 2012, même en pleine hégémonie des réseaux sociaux, le pouvoir d’un single qui passe à la radio ne se dément pas. Ainsi, il suffit toujours d’une seule chanson pour devenir célèbre. Et quand la chanson est bonne (et Video Games l’est indéniablement), la curiosité pour le premier album est fatalement attisée. Si on ajoute une interview assez surréaliste des Inrockuptibles (pimentée par la mauvaise foi du journal qui en devient artistique) qui montre qu’elle n’est plus vraiment avec nous, on peut se poser deux questions de base et opposées : Faut-il brûler Lana Del Rey ? Faut-il encenser Lana Del Rey ? Voyons pourquoi je réponds provisoirement non aux deux questions.
A l’écoute de cet album, on peut le dire sans honte, cet album est très digne, cohérent dans son son et distille comme un bon album pop des morceaux très bons et déjà tous parus, à l’exception Diet Mountain Dew et d’autres plus anodins dans leur utilisation des recettes. La voix soyeuse, le timbre lassé sont une marque de fabrique reconnaissable et si pour vous la grandiloquence est un style en soi, il y a de quoi faire. Plutôt qu’un enfilement de perles, c’est un album qui se traine majestueusement.
Trop propre pour être honnête, voilà l’état d’esprit. Qui m’avait déjà agité le temps du premier MGMT par exemple. Et puis il y a toujours cette sensation qu’on est en face d’une tentative savante d’hybridation, dont les composantes sont plus explosives séparées. La voix, si elle réussit à transmettre son spleen hiératique, n’a pas la versatilité, la puissance de frappe et le talent pur d’une Florence Welsh. D’un autre côté, c’est rempli de violon, et passe plus comme une crainte de laisser les morceaux face à eux-mêmes. Et l’effet est au final bien moins riche et mystérieux que ce que fait Bat For Lashes. Sans doute emportée par son élan, cet album aurait gagné à avoir moins de titres (15) pour être plus percutant, et j’aurais préféré échapper à un Lolita, qui ressemble plus à Gwen Stefani qu’à des choses qui me plaisent.
Il n’y a aucun mal à se créer un personnage, c’est même une composante de la création. Mais son look lui-même semble de synthèse, et on dirait qu’un agent scrupuleux est arrivé à effacer toute trace d’un sourire qu’elle aurait pu faire un jour, par mégarde. Mais tout personnage qu’on joue limite les utilisations (c’est pourquoi Bowie en a changé si souvent). Une chanson comme Carmen (ou elle tente le français sans trop le comprendre) voudrait être sensuelle, et multiplie les appels du pied (une production trop chargée), mais Lana semble trop effacée pour qu’on croie à ce bouillonnement des sens.
Tout sujet de fascination, tentant ou repoussant, est à notre époque source de buzz. Je ris d’avance en pensant à cet article lu dans deux ans, ce que peu de gens risquent de faire de toute façon. Pourquoi on s’agite le citron alors que personne ne parle d’Our Broken Garden ou Harrys Gym pour ne prendre des exemples que norvégiens ? (c’est tout de suite plus parlant quand c’est norvégien). Ce Born To Die (merci la tautologie) est trop rempli de bonnes intentions trop rendues trop lisses. Difficile donc de succomber pour cet album, abouti jusqu’à gommer la moindre aspérité pouvant émouvoir. Lana Del Rey n’est pas une imposture, mais ce n’est pas un coup de génie non plus. Un album normal pour une personne hors-normes donc.
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