Accueil > Critiques > 2012

Will Stratton - Post-Empire

lundi 23 avril 2012, par marc

Sinuosités


Une blague courante dans les années ‘’60 voulait qu’il fallait 5 chanteurs folk pour changer une ampoule. Un pour la remplacer et quatre pour dire que c’était mieux avant. Cet immobilisme n’a vraiment plus cours, et les limites du genre ont bel et bien explosé, sous les coups de boutoir de groupes comme Animal Collective ou Grizzly Bear, et tant d’autres qui ont utilisé tous leurs moyens pour ne pas sonner feu-de-camp, voire carrément remettre au goût du jour des formes intemporelles (Fleet Foxes).

On pense d’ailleurs à la bande des ours grizzlys (et à Department Of Eagles) pour les intrusions de guitare dès le premier morceau You Divers. Pourtant, ce n’est pas dans cette mouvance qu’il convient de placer Will Stratton. Le jeune protégé de Sufjan Stevens ne partage pas avec son ami le goût de la luxuriance, mais pratique un mélange moins joli est plus âpre de prime abord.

Les mélodies semblent comme instables, prêtes à basculer à tout moment, métastables dans leur réalisation (Where Do I Begin ?). Ce n’est donc pas toujours limpide (At The Table Of The Styx), mais très personnel et très moderne. La singularité de son son est à chercher dans la conjonction d’un picking virtuose (If You Wait Long Enough) et d’un violon en nappes. Il arrive à en dégager une intensité remarquable (Colt New Marine, fantastique, Post-Empire), où la superposition des couches n’est pas un artifice (You Divers). En termes de filiation, je pencherais plutôt du côté de Fink, assez différent formellement, mais maitre dans l’installation d’un climat particulier à base d’éléments classiques.

Pourtant, cette modernité prend racine dans une tradition bien établie, et il se dit fort influencé par Nick Drake. C’est plus manifeste quand la voix se fait plus douce (The Relatively Fair), mais le talent de guitariste est assez flagrant également, rappelant cet autre émule qu’était José González.

Quand un garçon de 25 ans sort un quatrième album avec une personnalité pareille, avec des traits caractéristiques ne tournant jamais au procédé, on sait qu’on vient de découvrir un talent à suivre. Certes, ce Post-empire est parfois tortueux, mais on sent qu’on doit suivre ses sinuosités, qui souvent arrivent à trouver l’équilibre entre épaisseur, aridité et douceur.

http://talitres.bigcartel.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Fink – Beauty In Your Wake

    Un écueil fréquent auquel se frottent les artistes à forte personnalité est la répétition. Quand on a un son bien défini, un univers particulier, les variations sont parfois trop subtiles pour être remarquées ou remarquables. Si vous avez écouté deux albums de Stereolab vous savez de quoi on veut parler. Si on identifie un morceau de Fink assez vite, il y a malgré tout suffisamment d’amplitude (…)

  • My Name Is Nobody - Merci Cheval

    La veille musicale est un engagement à temps plein. Une fois qu’on a aimé un.e artiste, il semble logique de suivre sa carrière. Pourtant il y a trop souvent des discontinuités. Mais il y a aussi des possibilités de se rattraper. La présence de Vincent Dupas au sein de Binidu dont l’intrigant album nous avait enchantés en était une. On apprend donc qu’il y avait eu un album en mars et (…)

  • The Decemberists – As It Ever Was So It Will Be Again

    Il y a quelque chose de frappant à voir des formations planter de très bons albums des décennies après leur pic de popularité. Six ans après I’ll Be Your Girl, celui-ci n’élude aucune des composantes de The Decemberists alors que par le passé ils semblaient privilégier une de leurs inclinations par album.
    On commence par un côté pop immédiat au très haut contenu mélodique. On a ça sur le (…)